Réponse au discours de réception

de Monsieur Jean-Christophe RUFIN

au sein de l’Académie Berrichonne,

le 29 mars 2003, à BOURGES

 

 

Monsieur le président de l’Académie Berrichonne,
Mesdames, Messieurs les membres de l’Académie Berrichonne,
Mesdames, Messieurs,

 

Jean-Christophe RUFIN mérite à plus d’un titre de faire partie de l’Académie Berrichonne. Il est né en 1952, à Bourges dans une vieille famille de Bourges, ayant pignon sur rue. La clinique jouxtant la cathédrale fut sa première demeure ; c’est là qu’il eut son premier regard, peut-être vers la silhouette imposante de la cathédrale puisque la fenêtre de la chambre donnait sur celle-ci. Bien que Jean-Christophe RUFIN reconnaisse n’avoir aucun souvenir de ses premiers jours de vie, il aime à relater ce fait, laissant parler son subconscient. Il vécut ensuite dans la maison maternelle, rue Sanson, puis à partir de 15 ans, dans celle de son père, boulevard de Strasbourg mais toujours dans le quartier de la cathédrale, cathédrale omniprésente dans sa vie de tous les jours. Le Berry ne peut pas lui être indifférent, lui qui y a vécu son enfance, son adolescence et y retourne régulièrement avec toujours beaucoup de plaisir, même si celui-ci est contrebalancé par la tristesse d’avoir perdu certains membres proches de lui (père, mère, sœur). Médecin, universitaire, romancier, diplômé de l’Institut d’Études Politiques, Jean-Christophe RUFIN est un battant.

Jean-Christophe RUFIN et Catherine RÉAULT-CROSNIER lors de la séance solennelle de l'Académie Berrichonne, le 29 mars 2003 à Bourges.

Bien sûr, il ne suffit pas d’être berrichon pour rentrer au sein de notre docte Académie, il faut être créateur et principalement homme de Lettres. Jean-Christophe RUFIN remplit cette condition, lui qui a reçu en 2001, le prix Goncourt pour son livre « Rouge Brésil » que je me permets de qualifier de fulgurant. Ce roman couronne un parcours littéraire où la quantité n’enlève rien à la qualité. Je note plus de seize livres entre 1981 et 2001 parmi lesquels figurent de nombreux essais dont « Le piège humanitaire » (Lattès, 1986), « L’empire et les nouveaux barbares » (Lattès, 1991), « La dictature libérale » (Lattès, 1994), ouvrages dans lesquels Jean-Christophe RUFIN analyse la fracture Nord/Sud et les ambivalences de la démocratie.

Son imagination fougueuse lui permet aussi de produire des romans où histoire et création de personnages s’emmêlent pour le plaisir du lecteur comme dans l’Abyssin (Gallimard, 1997) :

« Il y a entre elle et moi d’extraordinaires obstacles ; seules d’extraordinaires circonstances peuvent les surmonter. » (p 101), (L’Abyssin, Gallimard, 1997)

« L’Abyssin » et « Sauver Ispahan » ont tracé la route à « Rouge Brésil » qui est de la même veine et qui a permis à son auteur de trouver la consécration avec l’obtention du prix Goncourt.

Mais ce prix fait suite à de nombreuses distinctions :

- en 1994, le prix Jean-Jacques Rousseau pour « Le piège humanitaire » (Lattès et Hachette-Pluriel),

- en 1997, le prix Méditerranée et le prix Goncourt du premier roman pour « L’Abyssin »,

- en 1999, le prix Interallié pour « Les causes perdues ».

Ces deux conditions pourraient être suffisantes pour admettre Jean-Christophe RUFIN comme membre de notre Académie mais il en est une troisième qui me semble aussi indispensable, être un humaniste... et Jean-Christophe RUFIN l’est de toute évidence. En effet, son côté humanitaire ne peut être renié, lui qui a été directeur médical d’Action internationale contre la faim, vice-président de « Médecins sans frontière » de 1991 à 1993 et l’un des fameux « french doctors » qui réinventèrent le secours d’urgence aux populations en détresse dans les années 1970, avec les fondateurs de Médecins sans frontière (dont Bernard KOUCHNER, Claude MALHURET, Ronny BRAUMANN et Xavier EMMANUELLI). La devise de cette association est d’ailleurs : « Aller là où les autres ne vont pas ». Il a exercé en Amérique, en Asie, en Afrique avec toujours la même ardeur pour aider les populations défavorisées, dévalorisées ou écrasées. Récemment d’ailleurs, en février 2003, il vient de reprendre le flambeau pour un tour d’Afrique en voilier, voyage sponsorisé par le Figaro. Il figure parmi les organisateurs afin qu’à chaque étape, un écrivain soit mis en valeur et que ce périple permette de mieux comprendre l’Afrique du XXIème siècle plutôt que de la renier, plutôt que de « montrer des pays ignorés, délaissés ou pire, caricaturés par un traitement exclusivement centré sur une actualité de catastrophes et de guerres » (Jean-Christophe RUFIN, sur le site Internet de l’opération « Portes d’Afrique »).

Jean-Christophe RUFIN veut avoir une vision réaliste de ces pays dépréciés ; il refuse de s’endormir sur ses lauriers. Il vient d’ailleurs de prendre en janvier 2003, la présidence de l’association « Action contre la faim », une association qui est équivalente de « Médecins sans frontière » et d’être promu chevalier de la Légion d’honneur.

Après avoir abordé les qualités qui font de cet écrivain, un homme digne de figurer au sein de notre Académie, je vais me permettre de vous relater comment nos chemins se sont croisés : mon premier contact fut épistolaire. En effet, ayant lu son roman « Rouge Brésil » et l’ayant apprécié pour sa force en idées et idéal, j’ai analysé en quelques pages ce livre et je lui ai envoyé mes impressions :

« La cavalcade folle de la vie est présente ici par exemple, à travers celle d’un cheval au galop qui emporte les deux héros vers leur destin. (…) Tout galope, le cheval, le cœur de Just, la vie qui file n’excluant pas des pauses romantiques. (….) Sous l’allure d’un roman d’aventure et de suspense, il y a aussi un roman historique mais l’histoire des deux héros est omniprésente et la fragilité de vie de ces deux êtres lancés sur un bateau vers le Brésil, ne fait que renforcer cette extrême aventure qui était déjà pressentie avant leur départ. »

« Les images marines ne sont pas sans rappeler Arthur RIMBAUD en particulier dans son poème « Le bateau ivre », images d’un voyage à l’extrême des possibilités humaines. (…) Chaque vie est voyage, une âme en partance et lorsque les ailes du papillon se déplient comme les voiles du bateau, l’homme sort de sa chrysalide pour happer à pleine haleine, le début d’une autre vie. »

« Jean-Christophe RUFIN, à travers cette belle histoire, a réussi la gageure d’allier la beauté à la folle échappée, le désir de gloire et de conquête à la soif de pureté. Il a tout uni par les liens de l’amour. Il a laissé parler l’inconnu, le différent pour aller à l’essentiel. Oui, « Rouge Brésil » est rouge du sang de la guerre mais aussi rouge de la force de l’amour vainqueur. »

À ma lettre, Jean-Christophe RUFIN répondit chaleureusement et élogieusement.

En août 2002, il était présent à « la forêt des livres » organisée par Gonzague SAINT-BRIS, à Chanceaux-près-Loches, en Touraine donc près de chez moi. Je me permettais de l’aborder, sa gentillesse et sa simplicité m’étonnèrent, preuve qu’il était un grand homme en plus d’un grand écrivain. Nos premiers liens étaient tissés ; ce sont eux qui m’ont permis de demander son entrée à l’Académie Berrichonne, lors d’une réunion du Haut Conseil pendant laquelle nous envisageâmes les candidatures éventuelles. Elle fut acceptée à l’unanimité ce qui n’est aucunement étonnant, vu le parcours de cet homme, médecin, écrivain, humaniste, créateur, toujours en quête de justice et d’absolu. Je me permets pour finir de proposer quelques phrases caractéristiques de la force d’écriture de cet auteur :

Pour la fougue omniprésente de l’écriture :

« La voile émit sous cette charge un cri de géant frappé au ventre. » (p 75), (Rouge Brésil, Gallimard, 2001)

Pour l’amour qui ne peut s’épanouir dans l’égoïsme :

« L’ivresse de la délivrance l’abandonna d’un coup à l’idée que, pour se retrouver libre et toute entière, elle s’était amputée d’une moitié d’elle-même. Et elle se découvrait à présent enchaînée au désir de lui être réunie. » (p 381), (Rouge Brésil, Gallimard, 2001)

Pour le rêve à sauvegarder à tout prix, je citerai :

« Si le mendiant ne voyait pas de beurre dans ses rêves, il mourrait de faim » (p 446), (Sauver Ispahan, Gallimard, 1998),

Pour la soif d’absolu :

« Chacun cherche ce qu’il n’a pas » (p 79), (L’Abyssin, Gallimard, 1997)

Catherine RÉAULT-CROSNIER prononçant la réponse au discours de réception de Jean-Christophe RUFIN, à l'Académie Berrichonne, le 29 mars 2003.

Oui, je me tourne maintenant vers le nouveau Président de notre Académie, Monsieur Alain BILOT, pour lui demander, au vu des actions et des écrits de Jean-Christophe RUFIN, de bien vouloir accepter celui-ci parmi nous.

 

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

 

NB : Vous pouvez lire le discours prononcé par Jean-Christophe RUFIN sur le présent site.

 

Bibliographie :

 

Les ouvrages consultés :

Jean-Christophe RUFIN, L’Abyssin, Éditions Gallimard, 583 pages, 1997,

Jean-Christophe RUFIN, Sauver Ispahan, Éditions Gallimard- Folio, 647 pages, 1998,

Jean-Christophe RUFIN, Rouge Brésil, Éditions Gallimard, 553 pages, 2001.

 

Les documents trouvés sur Internet :

Sur www.bnf.fr/, la liste des ouvrages de Jean-Christophe RUFIN ayant fait l’objet d’un dépôt légal.

Sur www.fluctuat.net/livres/chroniques/piege.htm , présentation du livre Le piège humanitaire de Jean-Christophe RUFIN, paru aux Éditions Hachette Pluriel en 1992.

Sur www.lefigaro.fr/dossiers/portes_afrique/esprit.htm et www.lefigaro.fr/dossiers/portes_afrique/ecrivains/rufin.htm , présentation de l’opération « Portes d’Afrique » avec en particulier le texte de Jean-Christophe RUFIN intitulé « Ouvrir les portes d’Afrique ».

 

Mes précédentes analyses de livres :

Analyse du livre « ROUGE BRÉSIL » de Jean-Christophe RUFIN, document polycopié daté de mai 2002, 4 pages.

Analyse du livre « L’ABYSSIN » de Jean-Christophe RUFIN, document polycopié daté du 27 octobre 2002, 2 pages.

Analyse du livre « SAUVER ISPAHAN » de Jean-Christophe RUFIN, document polycopié daté de novembre 2002, 2 pages.