7èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES, À TOURS

Vendredi 5 août 2005, de 17 h 30 à 19 h

 

Alain BORER,

érudit et poète en quête de Rimbaud

Portrait d'Alain BORER par Catherine RÉAULT-CROSNIER.

 

Lire la présentation de cette « rencontre ».

 

Né en 1949 à Vesoul en Haute-Saône, Alain Borer a passé son enfance à Luxeuil en Franche Comté. Bien qu’il ait obtenu des notes catastrophiques dans différents lycées de l’Est de la France, cela ne l’a pas empêché d’obtenir ensuite le succès par ses écrits et en premier ceux sur Rimbaud. Il est en effet considéré comme l’un des plus importants spécialistes de cet auteur auquel il a consacré plus de trente ans de sa vie.

Alain Borer est français mais il aime souligner que son nom est d’origine suisse et qu’il a passé des années inoubliables en tant qu’étudiant à Genève. Il est en lien avec la Touraine puisqu’il y vit depuis une vingtaine d’années c’est-à-dire depuis qu’il a été nommé professeur d’enseignement artistique à l’École supérieure des Beaux-Arts de Tours. Même s’il est passionné par les voyages, il reconnaît aimer la Touraine.

Sa femme, Claudia Moatti était professeur d’histoire romaine à l’université de Paris VIII (Saint-Denis), maître de conférences à la Sorbonne, membre de l’Institut Universitaire de France ; elle vient de changer de cap, devenant « Professor of Classics » de la « University of Southern California » (USC College of Letters, Arts, Sciences) à Los Angeles. Alain Borer a trois enfants : l’aînée Alexandra a indéniablement le virus littéraire de son père puisqu’elle enseigne comme agrégée de Lettres à New York. Son second enfant, Thomas fait des études d’acupuncture en Chine, le troisième Louis-Arthur, vient de passer le bac. Actuellement Alain Borer travaille en alternance avec l’Université de Los Angeles où il enseigne la « poétrie ». L’art et la littérature sont donc ses deux pôles d’attraction.

 

7èmes Rencontres littéraires dans le jardin des Prébendes à Tours, le 5 août 2005 sur Alain Borer.

 

Sa biographie :

Alain Borer « rencontre » à dix-sept ans, Rimbaud (1854 – 1891) pour la première fois à Genève, dans le célèbre Institut Florimont où il dirigea la revue d’étudiants, « Le Bateau Ivre », revue publiée à des milliers d’exemplaires, diffusés dans les Instituts du monde entier, revue qui permet de partir déjà en voyage par la pensée avant que ce poète ne puisse le faire par l’action : quelle coïncidence, Alain Borer a suivi les traces de Rimbaud lors de ses pérégrinations lointaines au même âge que lui, à vingt-sept ans, mais quatre-vingt-dix-sept ans plus tard, essayant de retrouver l’ambiance dans laquelle ce poète avait vécu alors. Nous sommes en 1976, Alain Borer part pour l’Éthiopie et échoue donc sur les bords de la mer Rouge. Il arrive à Harar, sillonne le pays, interroge la population locale, va en Égypte où la signature de Rimbaud est visible en grandes lettres majuscules creusées dans la pierre, sur un mur du temple de Louxor.

De son séjour lointain, Alain Borer rapporte de nombreux documents dont :

- un film réalisé par Charles Brabant, « Le voleur de Feu » diffusé sur TF1 en 1978 et dans lequel jouaient Léo Ferré et Jean-Pierre Pauty ; ce film sera rediffusé en 1986 ;

- un récit, « Arthur Rimbaud » raconté par Alain Borer ; ces textes ont été lus sur Radio France en 1978 et 1989 par Laurent Terzieff et ont été diffusés en cassettes ;

- deux livres qui sont parus simultanément en 1984 et qui ne sont pas passés inaperçus, « Un sieur Rimbaud, se disant négociant » en collaboration avec le poète Philippe Soupault, le peintre Arthur Aeschbacher et le cinéaste François Margolin, et « Rimbaud en Abyssinie ».

En 1985, Alain Borer publie « Paul aux oiseaux », pièce de théâtre avec des « alugraphies » de Pierre Antoniucci d’après son exposition au CCC de Tours et à Metz.

Bien sûr sa passion pour Rimbaud ne s’arrêtera pas là puisque Alain Borer continuera régulièrement de sortir d’autres écrits qui complètent sa quête de savoir toujours plus sur cet auteur. En 1991, il publie dans la collection « Découvertes » chez Gallimard, « Rimbaud, l’heure de la fuite » illustré par Hugo Pratt, pour aborder différemment la manière de penser de Rimbaud puis « L’œuvre-vie » (Aréla, 1991) proposé à l’occasion du centenaire de la mort de ce poète. Fin linguiste, Alain Borer traduit, préface et annote le livre « Rimbaud » d’Enid Starkie, édité chez Flammarion en 1982, réédité en 1989. Dans un autre registre, il publie en 1980 « Dürer, l’œuvre graphique » (chez Hubschmitt et Bouret).

C’est une caractéristique d’un certain nombre de ses ouvrages d’avoir été réédités, prouvant s’il en était besoin, l’intérêt des lecteurs envers cet auteur étonnant, nous emportant en voyage, en quête de nous-mêmes. La diffusion à la population générale s’est concrétisée par l’édition en livre de poche de son ouvrage le plus important, « Un sieur Rimbaud, se disant négociant ».

Poète perfectionniste, Alain Borer a publié de nombreux recueils dont :

- en 1971, « Fi » préfacé par Michel Vachery (Lausanne) ;

- « François Coupé », livre-objet aux éditions Encres Vives en 1973 ;

- « Alexandrins oraux, fortuits et privés » aux mêmes éditions en 1975, réédité en 1980, preuve du succès de ce recueil ;

- « Vénusberg » précédé d’un rêve de Michel Butor, avec une couverture de Jean-Luc Parant, des linogravures et dessins de Gauvin, aux éditions Echolade en 1976, réédité en 1983. Michel Butor, philosophe, poète édité dans la collection Poésie/Gallimard, romancier, artiste a plusieurs traits communs avec Alain Borer dont celui d’être un grand voyageur qui a parcouru notamment l’Égypte.

Parmi les publications d’Alain Borer, il faut aussi citer :

- « Bestiaire » en 1979 (collection Les Pocquettes volantes) ;

- « Bouts rimés d’Arthur Rimbaud » avec des dessins de Michel Gérard, dans la collection Muro Torto, (Villa Medicis, Rome) en 1980 ;

- « Le nuage de Magellan » accompagné des gouaches de Georges Badin, chez Ceret en 1980 et des collages de Peter Briggs (Bibliothèque Phantomas, Bruxelles) en 1983 ;

- « Zone bleue » qui réunit « La chevelure de Bérénice » et « Le nuage de Magellan » avec des dessins de Barbara Von Thadden, (éditions Lachenal et Ritter) en 1984 ;

- « Le chant du rien visible » en 1991.

Ces trois derniers livres forment une trilogie astrophysique.

 

La caractéristique de ces écrits poétiques est leur densité et leur union à l’art, par la collaboration d’artistes talentueux que son métier de professeur à l’école des Beaux Arts de Tours lui a permis de rencontrer plus facilement.

Alain Borer ne limite pas son intérêt à Rimbaud et à la poésie ; il est un essayiste de qualité par exemple dans son livre « Aleph ou le Bœuf sur la langue », livre de peinture-écriture, essai sur Georges Badin paru en 1976 (Shakespeare et Company à Paris). Il est aussi critique d’art comme certains de ses livres nous le prouvent en particulier son essai sur « Dürer » déjà cité ou sur « Joseph Beuys » paru en 2001 et qu’il a présenté dans le catalogue du Centre Pompidou (livre paru en 2001 à la Bibliothèque des arts). Ce dernier aspect n’est pas traité au cours de la présente rencontre.

 

Son œuvre sur Rimbaud :

En 1984, Alain Borer publie simultanément deux livres sur Rimbaud, « Rimbaud en Abyssinie » et « Un sieur Rimbaud se disant négociant… ».

« Rimbaud en Abyssinie » est un livre-culte puisque Alain Borer après la publication de celui-ci, est considéré comme l’un des plus grands spécialistes d’Arthur Rimbaud. Rimbaud arrive à Harar, le 13 décembre 1880, à vingt-sept ans, sur les hauts sommets de l’Est éthiopien ; ce pays s’appelait alors Abyssinie. Alain Borer nous transmet dans ce livre, ses obsessions littéraires sur la démarche de ce poète, sur la route du pourquoi de cette course fabuleuse. Ce livre est-il un roman philosophique, un récit de voyage, un essai, un long chant poétique ? Il est difficile de répondre car l’approche d’Alain Borer est large. En tout cas, la recherche de l’inconnu, de l’insaisissable est bien là, comme dans ce passage :

« (…) je pensais que le silence est déjà dans le langage, que toute parole intrinsèquement détient ses raisons d’abandon : non pas le renoncement devant la difficulté de toute communication, la menace du silence à chaque mot avancé ; mais ce mouvement secret par lequel le langage conduit au silence toute exigence de vérité. » (p. 192)

L’éloge de la poésie libre comme Rimbaud parti au loin, est proche :

« Après les enjambements du Bateau ivre, audacieux pour l’époque, ou qui se voulaient tels, la nécessité de l’émotion, l’exigence de la matière poétique, portent Rimbaud, à découvrir en 1872 la forme du vers libre (Marine, Mouvement) : l’émotion reçoit alors sa forme exacte. Avec le vers libre, qui élimine toute cheville, une forme subsiste, vestige du vers classique, période intermédiaire ; (…) Ce mouvement rapide d’approfondissement du langage me semblait même, à grands traits, récapituler l’histoire de la poésie française, (…) » (p. 193)

Ainsi dans ce roman initiatique, se mêlent le concret et la pensée qui s’envole vers des horizons lointains, un monde à reconstruire :

« Rimbaud ! Un seul Rimbaud, mais deux fois grand : grand par la poésie et grand par le silence. » (p. 325)

 

Le deuxième livre d’Alain Borer sur Rimbaud paru en même temps, s’intitule « Un sieur Rimbaud se disant négociant… ». Il correspond à sept années de réflexion et de recherches. Il est monumental puisqu’il comprend 534 pages agrémentées de plus de 300 documents, de nombreuses cartes d’Abyssinie, de lettres, gravures, photographies d’Aden et d’Éthiopie, fournis par Arthur Rimbaud, Jules Borelli et Sylvain Vigneras qui sont deux explorateurs français, François Margolin, un jeune cinéaste…

Arthur Rimbaud né à Charleville le 20 octobre 1854, terminera son œuvre poétique en 1873, avec «  Une saison en Enfer » (p. 14). Après de multiples voyages et errances, il part en 1880 pour Alexandrie et Chypre. Dès lors, il ne reviendra en France que pour y mourir en 1891. Les seuls écrits qui nous restent de cette époque, sont ses lettres et dessins à sa mère et à sa soeur et restent très descriptifs. Alain Borer nous invite à savoir lire entre les lignes pour mieux comprendre la démarche de ce poète. Rimbaud écrit : « je compte d’ailleurs faire un curieux album de tout cela. » (p. 21, lettre d’Aden du 19 mars 1883) et : « Tenez : je suis un piéton, rien de plus. » (p. 23). Sa perception de lui est à la fois juste et modeste. On a l’impression que Rimbaud vit là une descente aux enfers par exemple le 25 août 1880 à Aden, ancienne capitale du Yémen du Sud, à la pointe de l’Arabie : « Aden est un roc affreux, sans un seul brin d’herbe ni une goutte d’eau bonne (…). La chaleur y est excessive, (…) » (p. 28). Pourtant Rimbaud retournera dans ce lieu de nombreuses fois entre 1880 et 1891 (p. 180) puis à Harar (mars 1883), enfin en Abyssinie (1885), sachant qu’il va devoir supporter « une cinquantaine de jours de marche à cheval par des déserts brûlants. » (p. 38). Pour subvenir à ses besoins et dans le but de faire fortune mais sans jamais y parvenir, il vend des armes, plus tard du café et tient un comptoir à Harar. En 1891, il souffre d’enflure du genou droit et est obligé d’être amputé : « Ma vie est passée, je ne suis plus qu’un tronçon immobile. » (p. 56)

La deuxième partie de ce livre s’intitule : « Mythe et jugements ». Elle consiste en un récapitulatif des impressions que Rimbaud a laissé aux gens qu’il a côtoyés et qui ont donné leurs réflexions sur lui, dans des lettres. Par exemple, Paul Verlaine se désole de son absence : « puis il ne fit plus rien que de voyager terriblement et de mourir très jeune » (p. 63) ; Blaise Cendrars (p. 85) est ébloui de ce départ ; Antonin Artaud dresse un portrait de Rimbaud : « Avec de grands bras fous Rimbaud gesticulant semble balayer les planètes ; et Breton lance à Soupault dans l’extase des diamants. » (p. 87) ; Tristan Tzara positive les actions du poète, autant sa poésie que ses actions de négociant : « La révolte de Rimbaud est celle de toute adolescence, (…) » (p. 88) ; André Breton s’enchante qu’on ne puisse pas tout expliquer chez Rimbaud (p. 89), permettant à ce poète de devenir un mythe. Philippe Soupault qui a aussi voyagé dans ces régions, comprend la fuite de Rimbaud : « La mer Rouge est un aimant qui a attiré et retenu des hommes qui allaient bouleverser les assises du monde. » (p. 92)

Le chapitre suivant est d’ailleurs écrit par « Philippe Soupault » ; il reprend un texte publié dans « La Revue de Paris » de mai/août 1951, qui s’intitule « mer rouge » (p. 163). Philippe Soupault (1897 – 1990) participe aux premières expériences d’écriture automatique inspirées en partie des découvertes de Freud sur l’inconscient ; il publie en 1919 avec André Breton « Les champs magnétiques », ouvrage composé selon ce procédé d’écriture. Il fonde avec André Breton et Louis Aragon, la revue « Littérature » et participe aux manifestations Dada et surréalistes puis s’éloigne de ce mouvement. Grand voyageur, il collabore à ce livre, en relatant ses souvenirs de voyage de Djedda à Port-Saïd à la recherche des lieux où vécut Rimbaud.

La dernière partie de ce livre est d’Alain Borer ; elle a pour titre « la terre et les pierres » (p. 227), expression en écho à Rimbaud (extraits de « Fêtes de la Faim ») :

« Si j’ai du goût ce n’est guères
Que pour la terre et les pierres.
 » (p. 227)

Les voyages de Rimbaud en Europe et à Java, préfigurent la fugue plus lointaine, celle dont on ne revient pas ; elles sont comme « des répétitions du grand départ africain ; Harar, sa dernière fugue, la plus achevée. » (p. 233)

Alain Borer a ressenti en Éthiopie l’absence du temps, « l’étendue seule est donnée. » (p. 249). Il a compris que Rimbaud était « trop honnête (…) pour être commerçant ! » (p. 263), de plus « intransigeant quand il faut être souple (…) » (p. 263) ; Rimbaud n’était pas fait pour être marchand « il n’aimait pas vendre, mais il avait l’idée. » (p. 263). En « Abyssinie, Rimbaud est toujours inquiet (…), sans repos. » (p. 278). De ce fait, Alain Borer nous fait parvenir jusqu’au mode de pensée de ce poète maudit qui restera toujours tourmenté :

« La question rimbaldienne pure, liée à l’entreprise poétique, n’est pas celle, illusoire, d’une cassure dans sa vie, mais de la permanence du renoncement, de la répétition de l’abandon, de la passion de l’échec. » (p. 278)

Si Rimbaud se déplace sans arrêt, ce n’est pas par attrait pour le voyage qui peut être lourd à supporter ; c’est comme un besoin vital : « Sa vie ne peut se stabiliser dans l’espace ni dans le temps. » (p. 287) car « Rimbaud est en univers parallèle. ». Ces régions proches de la mer Rouge, sont pour Rimbaud, un lieu de torture physique, un « lieu nécessaire au perfectionnement de sa souffrance, celui vers lequel il se sent emporté comme s’il avait choisi (…), décidé même (…) du lieu exact de ce qui devait lui arriver » (p. 441), nous confie Alain Borer. La souffrance extérieure de Rimbaud n’a d’égal que sa souffrance intérieure sans laquelle il ne peut vivre, l’obligeant à un vagabondage permanent. Au fil des pages, Alain Borer nous permet de nous pénétrer de la blessure de Rimbaud, le blessé de la vie, l’éternel vagabond. Alain Borer va sur ses pas, pour mettre son regard dans le regard d’Arthur Rimbaud. Ce qui compte le plus, c’est le regard, la descente en soi qui s’accomplit au loin.

 

En 1991, « Rimbaud d’Arabie » (Seuil) relate les différents voyages effectués par Arthur Rimbaud tout au long de sa vie. Alain Borer a voulu nous transmettre ici la puissance de vie de ce poète, pendant ces séjours dont on ne sait rien. Il a voulu imaginer le réel, le reconstituer par des lectures et des voyages au plus près de la vérité. Il a retrouvé des personnages secondaires ayant côtoyé Rimbaud et les a interrogés pour approcher la vérité à travers l’impossibilité de cerner ce personnage. Le voyage devient alors un « mode d’être », « une forme de déambulation » (extrait du discours du 30 mai 2005, lors de la remise du prix Édouard Glissant à Paris).

Un extrait de Stéphane Mallarmé, daté d’avril 1896, est cité en introduction : « Il trafiqua, sur la côte et l’autre bord, à Aden – le rencontra-t-on toutefois à ce point extrême ? féeriquement d’objets précieux encore, comme quelqu’un dont les mains ont caressé jadis les pages – ivoire, poudre d’or, ou encens. » Qu’en est-il dans la réalité ?

Après le froid et la neige à Charleville, (lors de l’hiver rigoureux de 1879-1880), Arthur Rimbaud trouve l’opposé en Arabie, une atmosphère « torride » mais est-ce une réussite que cette descente aux enfers, dans ce four au sens propre du terme ? les « Illuminations » de Rimbaud ne reflètent-elles pas par avance cette ambiance de lumière totale ? Alain Borer nous dit que « L’Orient se forme au square de la gare. » (p. 14) ; il nous fait bien comprendre que Rimbaud est en quête d’un lieu extraordinaire, un « lieu perdu, dont il s’éloigne à mesure qu’il fuit vers lui. » (p. 15)

En 1878, Rimbaud débarque à Alexandrie et Eugène Villemin, ingénieur des Travaux Publics, s’inquiète « du jeune Français aux traits tendus, à la barbe blond-fauve, vêtu d’un costume neuf déjà fripé (…) » (p. 23). En 1880, Rimbaud séjourne au Yémen où Alain Borer le décrit ainsi : « épuisé, affamé, déshydraté, aveuglé, poussiéreux, ruiné, désillusionné, (...) » (p. 39). En janvier 1883, Rimbaud se trouve à Aden Camp où il répond impulsivement à une offense puis demande la protection du consul, disant qu’il est « un Français très honorable » (p. 50). En juillet 1884, à Aden Town. « Rimbaud a pris femme en Abyssinie, comme il faisait venir les meilleurs instruments de précision, dans un but assez vague (…) » (p. 55). En 1891, à Zeilah, Arthur Rimbaud qui souffre du genou droit à la suite d’un ostéosarcome, part sur une civière vers la France pour être amputé de sa jambe droite. C’est la fin de son voyage en Arabie.

Alain Borer, dans cet ouvrage, a essayé de décoder le mystère « Rimbaud », de s’approcher de la démarche du poète voyageur, de recueillir des impressions personnelles et des gens l’ayant connu pour nous les transmettre, à la recherche d’une quête jamais atteinte, celle de l’inconnu.

En 1991, Alain Borer continue ses recherches autour de Rimbaud dans son livre « Rimbaud, l’heure de la fuite ». Cet ouvrage fourmille de détails, de documents se juxtaposant les uns aux autres ; l’auteur préfère refléter l’atmosphère de l’époque, la personnalité d’Arthur Rimbaud plutôt que de développer l’aspect cartésien d’une simple biographie. « Rimbaud, l’heure de la fuite » est pour Alain Borer, une étape, celle d’un livre unique sur un itinéraire de vingt années. Alain Borer a écrit cet essai à Aden, dans l’ambiance de l’époque, sur les traces de ceux qui ont connu Arthur Rimbaud. Cet ouvrage pour découvrir Rimbaud ou approfondir sa démarche, est attrayant par la diversité de ses illustrations et de ses documents ; c’est donc un livre-phare pour mieux éclairer la vie et les visions de ce poète voyageur.

Alain Borer veut nous faire partager l’importance de sa découverte au sujet de la hâte de Rimbaud, toujours pressé, aussi bien dans ses écrits que dans sa manière de vivre. La hâte, la précipitation, la vitesse sont en relation avec sa vie et son œuvre, reflétant sa manière d’être. Il veut tout savoir : Quoi ?, où ?, comment ? Dans chaque lettre, on découvre que cet homme répète le mot « pressé » presque à chaque page. Les lettres, les poèmes et la biographie constituent un ensemble cohérent, une preuve qu’il n’y a pas deux Rimbaud mais un seul homme en recherche.

 

Emmanuelle Favier qui prépare une thèse sur « Rimbaud et le théâtre » pour 2006, a réalisé un mémoire en 2004, sur « Rimbaud dans l’œuvre d’Alain Borer : une poétique de la « quérance » » :

« Le poète lui pose « un problème de délivrance, où s’entend le mot livre ». Mais ce qui caractérise le rapport que Borer entretient avec Rimbaud, c’est, outre cette dimension obsessionnelle, une découverte fondamentale du point de vue de la compréhension de l’œuvre, une approche rigoureusement originale. » (p. 3)

Emmanuelle Favier nous conduit au but de ce chercheur qui est de viser à :

« atteindre le lieu qui le ferait parvenir à « saisir l’Éternité sur-le-champ », à « posséder la vérité dans une âme et dans un corps » ». (p. 3)

« Le voyage et l’écriture sont en réalité deux formes de la poésie au sens vital du terme, (…) » (p. 3) et la poésie est bien omniprésente dans les écrits d’Alain Borer de même que la dimension rimbaldienne et la « poétique de la partance, de l’en-allée » (p. 4). Ce voyage devient une « quête » (p. 4), quête de l’absolu, de l’inaccessible, du rêve dans l’« insatisfaction » (p. 6) présente. La notion de déplacement devient alors fondamentale puisqu’il existe une interrelation entre « écriture et déplacement physique » (p. 7) : dans la poésie de Rimbaud, il y a une « volonté essentielle de départ. Ou plutôt de « départure » » (p. 7), terme utilisé par Alain Borer pour décrire « cette jubilation dont tout poème offre l’idée » (p. 7). Là où Rimbaud rêve d’un ailleurs, d’un inconnu, Alain Borer rêve d’espace, de « voyage sidéral », d’étoiles, de comètes personnifiées, traduisant par la modernité de son siècle, celle de Rimbaud à son époque (p. 12). « Ce que Borer tente dès lors de saisir, c’est en quelque sorte l’arrêt qui est dans le départ » (p. 13). Alain Borer invente une nouvelle forme d’écriture pour « faire en sorte que son voyage se poursuive dans le rêve des autres » vers le « voyage total » (p. 14). Ses écrits deviennent alors un dépassement de soi, un « rituel » (p. 16) créant une « forme de sacralisation » (p. 16). Restant profondément humain, Alain Borer s’attache au détail autant qu’à l’essentiel, faisant œuvre de collectionneur pour mieux cerner la vérité de Rimbaud. Livre en partance ou voyage concret se mêlent dans une même quête jamais atteinte, pour aller toujours plus loin.

 

Son roman « Koba » :

Alain Borer a publié un roman « Koba » (Seuil), couronné par le prix Joseph Kessel en 2002. Ce livre décrit un défi, le projet d’un barbare qui veut se venger de tous les dieux. Alors tous les peuples du Caucase ravagent la Mésopotamie, l’Égypte et la Grèce. Ce roman est complètement imaginaire et veut témoigner d’un esprit de révolte contre les dieux et en même temps saisir l’essentiel des grandes religions.

« Koba » est un livre de fiction (en dehors de la géographie), empreint de mystères dès le début puisqu’il nous faut ouvrir des portes, tout d’abord celle d’Anubis, dieu des morts dessiné dans un encadrement partiellement découpé donc que l’on peut ouvrir puis à la page suivante celle de « Tôt », dieu de l’écriture chez les égyptiens. Faut-il mourir pour accéder à l’écrit ? Pour le côté réel, « Koba » (l’indomptable) est le premier surnom que Iossip Vissarionovitch Djougachvili choisit avant de prendre celui de « Staline » (l’homme d’acier), et Alain Borer accuse à travers son personnage, le stalinisme bien que cela ne soit pas clairement exprimé mais seulement esquissé comme dans le passage décrivant Koba comme un dictateur ayant seul le droit de penser, le droit de vie et de mort sur les autres.

Cette épopée décrit la chasse insensée des insoumis contre les dieux au début de notre ère, avec des mots d’aventuriers proches de Rimbaud (comme dans le « Bateau ivre » et « Une Saison en enfer ») ou de la descente aux enfers de Dante : « nuages libres, falaises infranchissables, grondement fou et glacé, écume, esprit du vent, impétueux, poumons de l’enfer, indomptable, fuir, hurlements, fureur, sans issue, extrême limite du monde… »

« (…) le navire tanguait et roulait, et à chaque lame sa proue, éperonnant le dôme liquide, se soulevait tout entière, se cabrait (…) » (p. 198).

Du Caucase à l’Arménie, vision de déluge, de fin du monde. Ainsi se succèdent les images frappantes d’anéantissement des traqueurs de dieux conduits par leur chef, Koba :

« (…) les sommets disparurent et l’orage s’effondra sur la muraille de schistes noirs, tandis que Koba, ne distinguant plus autour de lui que la sombre étoupe du nuage, sentit sous ses bottes les rondins du toit dériver tel un radeau (…) » (p. 11).

Comme Arthur Rimbaud, Alain Borer cherche la lumière dans un Orient inouï et il part dans le passé, l’inconnu, le monde des légendes pour suivre la trace d’une histoire, celle de « Koba ».

À force de chasser les dieux pour les exterminer, Koba est prêt d’anéantir la race humaine. Assoiffés de sang divin, ses partisans parcourent de longues étendues avec la volonté implacable de tout détruire. Ce roman est donc une cavalcade folle, effrénée, sans limites, cruelle, impitoyable que seule la mort de tous peut arrêter :

« (…) et Koba, les membres liés par l’algue des ténèbres, sans savoir s’il montait ou descendait, aperçut bientôt les lumières du palais de Poséidon, un immense palais aux colonnes dorées dont il s’approchait très lentement, en planant, en ondulant, agrippé à ses trophées, le masque d’Horus et le grand chandelier, tandis que plus rien ne vivait tout en haut sur la mer où s’attardait le vent. » (p. 199 et 200)

Vision de chaos, de violence extrême, de voyage initiatique, de dépassement de la mort, de lutte contre la nature qui dicte sa loi envers et contre tous, voilà le souffle de ce roman envoûtant sous la plume magistrale et déchaînée comme une tempête, de l’écrivain Alain Borer.

 

Sa poésie :

Tout livre d’Alain Borer est un récit de voyage, un seul poème, de Roissy aux confins du système solaire ; nous sommes toujours en partance comme dans « Koba » ou dans « Rimbaud en Abyssinie ».

Pour Alain Borer, la poésie a explosé historiquement avec les « Illuminations » de Rimbaud en 1886, puis en chaîne avec le mouvement Dada pour ne plus exister en tant que poésie habituelle mais avec des sens très variés et très éloignés les uns des autres d’où son idée de la renommer et de l’appeler « poétrie », base de ses cours aux USA. Puisque la pensée poétique a des formes particulières accessibles à tous, Alain Borer a choisi de considérer ses écrits poétiques comme des « noèmes ». Il aime à dire que « la poésie est oxymorique » c’est-à-dire qu’elle peut signifier deux sens opposés côte à côte sans que cela soit une erreur.

1984 est une année féconde pour Alain Borer car en plus de ses deux livres cultes sur Rimbaud, il publie un livre de poésie personnelle « Zone bleue » constitué de deux parties, « La chevelure de Bérénice » et « Le Nuage de Magellan, extrait III ». Par la magie du voyage, il faut tourner le livre d’un quart de tour pour le lire, effectuant notre envol pour ainsi dire et le gardant tout au long de ce voyage. Alain Borer, l’amoureux des voyages, se retrouve bien ici. Des phrases concrètes, inattendues, se pressent au fil des pages comme la deuxième ligne :

« Il neige sans arrêt dans mon téléviseur et j’ai trop attendu au bureau des longitudes »

Plus loin le poète nous parle des grands départs à travers « Roissy », le « péage », le « missile », le « Pacific Fruit Express ». Le lecteur surpris ne peut s’endormir dans la routine. Il est à l’affût des mots et surprend alors l’appel des grands départs :

« la Terre émet des mots qui rebondissent sur la Lune vers le fond des galaxies
j’en capte un au rebond et j’atteins ma vitesse de libération
 »

« j’ai perdu mon étoile », « je crawle dans la nuit chercher mon empennage », nous dit le narrateur ; ainsi comme le petit Prince, l’auteur cherche un autre univers :

« je me trouve à la douane absolue du cosmos et j’attends les passeurs ».

Dans la deuxième partie, « Le Nuage de Magellan, extrait III », la fiction domine le réel comme par exemple « zone bleue changer mon disque » (deuxième page) ou de longues énumérations de cycles, de chiffres mêlés au texte. Sommes-nous chez les extra-terrestres ? Saurons-nous déchiffrer leurs codes, dans ce monde aux « trous noirs troublants » (troisième page), cette « nouvelle route de la soie » (troisième page) ? On essaie de se connecter : « allo » (quatrième page) mais pourra-t-on rejoindre cet univers ?

« navette au sky extrême
point de non retour des galions
 » (quatrième page)

 

En parallèle de « Rimbaud, l’heure de la fuite », en 1991, Alain Borer publie « Le chant du rien visible », pièce de théâtre en vers à deux personnages, Giotto et la belle de Halley. C’est le voyage sur la sonde nommée « Giotto » comme le nom du peintre qui avait peint la comète de Halley. La sonde dialogue avec la comète Haley qui porte le même nom que Bill Haley le fondateur du rock’n’roll aux USA dans les années 1950 et auteur du célèbre tube « Rock Around The Clock ». Cette pièce de théâtre est donc un voyage, cette fois-ci en direction de la comète.

Ce recueil est dédié à « Arthur, mon Tout venu pendant ce Rien ». Le modernisme et la magie du voyage caractérisent l’ensemble de ce petit livre, par exemple, il y a des mots fétiches, « Lueur », « croisière » (p. 17), « phare » (p. 18), « océan » (p. 19), mots partis en voyage avec des termes d’un concret très terre à terre comme « kermesse », « assiette », « star », « spots » (p. 19) et même des mots anglais du vocabulaire courant « Rock and Roll » (p. 28), « around the clock » (p. 31), mais ceux-ci prennent tout leur sens lorsqu’on les rapprochent du dialogue décrit ci-dessus. Cette opposition surprend et met en relief le concret comme l’abstrait de ce texte. Celui qui aspire au romantisme, vibre avec la belle de Halley :

« Je suis la Revenante
Qui traverse la nuit
Par un pont de soupirs
Sans être jamais vue…
 » (p. 20)

« Peut-on luire et n’être rien ? » (p. 28)

Puis le lecteur redescend brutalement sur terre sans transition, quand la comète parle :

« Explique-nous ton go-between. » (p. 30)

Ou quand elle est questionnée :

« Belle, fais-tu du ski nautique » (p. 28)

Alain Borer est à la recherche du tout et du rien en poésie, dans un univers insolite mi-céleste, mi-moderne, mis en valeur par l’emploi de termes oxymoriques ou inhabituels :

« Nous sommes les élus du Rien rassemblés ! » (p. 39)

« Allons dans l’univers explosif où éclate le rire des dieux, l’immense rire des dieux ! » (p. 42)

 

En 1995, Alain Borer dédie à sa fille aînée, Alexandra, son recueil de poésie « Le livre de repousser Apopis » paru aux éditions La main courante. Il y invente le concept de « noème » qui est pour lui « une idée de poème et qui s’en suffit. » (p. 9) « Petit poème en prise, il cherche à dire le plus dans le moins qui dispenserait de parler. » (p. 9). Comme on ne peut pas penser sans image mentale, Alain Borer introduit la notion de « noèse » qui est pour lui, une « surgissante idée (…) où se découvre un champ, fût-il sonore ou futile apparemment » (p. 10).

Apopis veille sur ce livre. Dans l’Égypte ancienne, le Dieu du Soleil, Rê, parcourt chaque jour le ciel d’Égypte dans sa barque ; à la nuit tombée, il gagne le monde inférieur où il doit combattre le monstrueux serpent Apopis afin de pouvoir renaître le lendemain. Alain Borer, utilise cette image pour définir la poésie : « Telle serait la fonction de la poésie comme parole pensante » pour « refouler le démon » (p. 11).

Dans ce livre, les noèmes sont de petits poèmes courts de quatre à neuf vers, très condensés. Les mots laissent place à notre interprétation, notre imagination, nous emportant en voyage, nous préparant à partir dans un autre univers, celui de l’intériorité en même temps qu’à s’envoler dans l’espace. Par exemple suivons Érèbe, personnification des Ténèbres infernales dans la mythologie grecque, dans ce noème :

« Érèbe et Nuit

Flots du jour chargent la plage
que flots de nuit lavent à l’auge
les uns retournent instruits
en rêves de naufrages
pour d’autres que le feu talonne
La galaxie en son transept
éclaire par intermittence
mes caves
et dans l’éclair mes yeux s’aiguisent »
(p. 23)

 

ou partons en voyage, à la recherche de l’énigme du monde, dans l’univers avec « Noème 27 » :

« Sur le rocher luisant de sel
tour à tour
le soleil et la lune
 » (p. 23)

 

Le paysage peut être tour à tour ombre et lumière, de même Alain Borer veut que son texte soit une « obscurité éclairante » d’où la constance des oppositions dans ses écrits. La soif n’est jamais tarie d’un ailleurs qui désaltère déjà par la pensée et tend vers la philosophie et les origines du monde, comme dans « Noème 59 » :

« Le désir
né du corps
meurt dans vie.
 » (p. 40)

 

ou dans « Je/eux » :

« Se regarder en face
épreuve de passage
 : » (p. 51)

 

Pour les titres de ses noèmes, Alain Borer invente souvent des mots qui nous entraînent déjà en partance en mer ou vers le rêve, comme avec « Contre-jour » (p. 22), « Perce-vent » (p. 25), « Arc-en-mer » (p. 55). Certains de ses livres sont édités presque de manière confidentielle pourtant ses talents de créateur n’ont pas de limites ; il peut aussi bien parler d’astrophysique, de mythologie, mariant les extrêmes comme les classiques du rock’n’roll (dont il nous livre une exégèse) à côté d’inventions de mots à caractère polyglotte ou de proliférations verbales inventives, avec toujours la même aisance. Pour cet auteur, le poème peut être « conjuratoire pour dissoudre l’adverse » (discours du 30 mai 2005) car « la poésie va éclater. Elle est à l’état gazeux. » (discours du 30 mai 2005).

 

Le présent et l’avenir :

Son œuvre poétique a fait l’objet d’un récital « Pour l’Amour du Ciel », créé par André Velter et Claude Guerre au Théâtre du Rond-Point et enregistré pour France-Culture en 1996 (collection Les Poétiques). André Velter est connu de tous ; directeur de la collection Poésie/Gallimard, amoureux de l’Afghanistan et de la Haute Asie, il a été publié dès l’âge de vingt ans chez Gallimard. Son écriture poétique est un défi, une tentative d’inventer un monde respirable contre l’écriture habituelle. Pour lui, « le grand passage est un questionnement sur toutes les grandes voies poétiques » (extrait de la conférence d’André Velter à la librairie La boite à livres à Tours, le 27 mars 2001), en cela il est proche de Rimbaud et d’Alain Borer.

En 2001, Alain Borer a été nommé directeur artistique du « Printemps des Poètes », rôle qui lui tient à cœur. Dans ce cadre, en 2002, il a mené à la demande de Jack Lang, un projet proposant aux élèves des collèges et lycées d’établissements français et étrangers d’échanger des poèmes via Internet.

On parle d’Alain Borer dans le monde entier en Australie, au Brésil, en Corée où il s’est rendu du 15 au 20 mars 2004, pour le 150ème anniversaire de la naissance de Rimbaud. Au Québec, Robert Dion l’a mis à l’honneur le 9 mai 2005, à travers une conférence intitulée « Deux vies une œuvre : Rimbaud en Abyssinie d’Alain Borer » lors du 73ème congrès de l’Association francophone pour le savoir (CFAS), à l’Université du Québec à Chicoutimi.

Il est aussi présent en Touraine où par exemple, il a dédicacé ses livres lors d’une rencontre de la librairie « La boite à livres », le vendredi 19 novembre 2004 à 20 h. Cette soirée était principalement centrée sur ses écrits sur Rimbaud.

Le lundi 31 mai 2005, Alain Borer a reçu à l’Université Paris 8, le prix Édouard Glissant, du nom du grand écrivain martiniquais aujourd’hui âgé de soixante-seize ans. Ce prix créé en 2002, veut promouvoir une personnalité militant en faveur de l’émancipation humaine et de la diversité culturelle, favoriser la modernité des traditions et leur transmission dans l’invention du nouveau et dans la richesse accueillant la polémique. Dans le cadre de cet après-midi, la globalité de l’œuvre d’Alain Borer a été analysée, le côté rimbaldien en premier avec un extrait du film « Voleur de feu » et une conférence d’Emmanuelle Favier sur « Rimbaud dans l’œuvre d’Alain Borer : une poétique de la « quérance » » ; pour présenter sa poésie personnelle, des « noèmes » ont été lus par des comédiens d’une manière théâtrale ; enfin son roman Koba a été mis en valeur par une variation au piano de Bruno Lavillate.

 

Conclusion :

Alain Borer n’est pas le seul à s’être intéressé à Rimbaud ; d’autres grands écrivains ont été fascinés par ce poète comme Yves Bonnefoy qui a écrit un ouvrage sur Rimbaud mais Alain Borer a une approche différente de la plupart des autres écrivains puisqu’il est retourné aux sources du mystère, sur les pas du voyageur.

Alain Borer, alliant érudition et désinvolture, aimant marier les extrêmes, est un voyageur hanté par les pays de la corne d’Afrique ; il a un merveilleux talent d’écrivain : poésie, humour, érudition, profondeur de l’analyse, vivacité du regard caractérisent son œuvre emplie de vérités bouleversantes, partant de faits concrets vers l’analyse plus intime et l’élan philosophique qui transcende les actes. Alain Borer est un écrivain prolifique et passionné en même temps qu’un critique d’art, sujet qui n’a pas été abordé ici. Il avoue en toute simplicité qu’il a écrit environ trente livres et qu’il en a de nombreux en préparation, une trentaine dont un sur Rimbaud et un sur la « Poétrie ». Il doit bientôt rendre cinq livres. Tous ses écrits sont centrés sur le voyage, peut-être est-il à la recherche du voyage dans l’infini des possibilités, du jamais atteint, lui qui est toujours en recherche, prêt au départ ?

Si la poésie est pour Rimbaud comme pour Alain Borer, un voyage, le voyage en contre partie, n’est-il pas la poésie ? Alors n’hésitons pas à larguer les amarres de notre vie quotidienne pour partir sans nous lasser et sans savoir si nous arriverons à bon port, à la recherche de la poésie absolue. Alain Borer lui qui enseigne la « poétrie », nous dit que la poésie a disparu dans sa forme unique ; elle est devenue multiple. Pour terminer, je rapporte des propos qu’il tenait sur le seuil de notre maison, juste après une rencontre pour préparer ce texte : « Nous avons tous en nous, une voix intérieure, une philosophie. Qui sommes-nous ? Nous sommes un entretien car nous pouvons prendre le monde par le langage. » (interview du mercredi 2 février 2005, au domicile de Catherine Réault-Crosnier)

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

Alain Borer félicite et remercie Catherine Réault-Crosnier, en lui accrochant une rose à sa boutonnière.

Alain Borer félicite et remercie Catherine Réault-Crosnier, en lui accrochant une rose à sa boutonnière.

 

Bibliographie :

Alain BORER, Philippe SOUPAULT, Arthur AESCHBACHER, « Un sieur Rimbaud se disant négociant », éditions Lachenal et Ritter, Paris, 1984, 550 pages

Alain BORER, « Rimbaud en Abyssinie », éditions du Seuil, Paris, 1984, 386 pages

Alain BORER, « Rimbaud d’Arabie – Supplément au voyage », éditions du Seuil, Paris, 1991, 88 pages

Alain BORER, « Rimbaud, l’heure de la fuite », éditions Découvertes Gallimard Littérature, Paris, 1991, 176 pages

Alain BORER, « Zone bleue », éditions Lachenal & Ritter, Paris, 1984, 28 pages

Alain BORER, « Le chant du rien visible », éditions fourbis, 1991, 47 pages

Alain BORER, « Le livre de repousser Apopis », éditions La main courante, La Souterraine, 1995, 25 pages

Emmanuelle FAVIER, « Rimbaud dans l’œuvre d’Alain Borer : une poétique de la « quérance » », mini-mémoire rédigé sous la direction de Pierre Brunel (Paris IV Sorbonne) dans le cadre de son DEA durant l’année universitaire 2001-2002.

Arthur RIMBAUD, « Œuvres poétiques », éditions France Loisirs, Paris, 1982, 352 pages

Conférence d’André VELTER à la librairie « La boite à livres » à Tours, le 27 mars 2001

La bibliothèque de poésie de France Loisirs, sous la direction de Jean Orizet, Tome 12 « La poésie surréaliste », pages 95 à 104 consacrées à Philippe Soupault

Université Paris 8, Programme de la cérémonie de remise du prix Édouard Glissant, lundi 30 mai 2005 et extraits du discours d’Alain Borer

 

Textes sur Internet :

Alain NICOLAS, Le crépuscule du tueur de dieux Déicide, article paru dans l’édition du 7 novembre 2002 du journal L’Humanité (http://www.humanite.presse.fr/popup_print.php3?id_article=126629, consulté le 26/04/2005)

Éric TOULOT, Portraits d’écrivains en Franche-Comté, Alain Borer (http://crlfranchecomte.free.fr/ecrivains/eric-toulot/e07-alain-borer.html, consulté le 17 janvier 2005)

Site de l’Alliance Française en Corée – Présentation du voyage d’Alain Borer prévu du 15 au 20 mars 2004 (www.afcoree.co.kr/index.php?idobjet=34, consulté le 17 janvier 2005)

?, Alain Borer (http://perso.wanadoo.fr/hotelbeury/hotelbeury_html/hotel_beury_borer.html, consulté le 17 janvier 2005)

?, « Arthur Rimbaud, notre contemporain » (http://www.leguide.be/Guide/livres/page_5379_265810.shtml, consulté le 26/04/2005)

73ème congrès de l’ACFAS – Programme du colloque « La problématique vie/œuvre dans les discours de la littérature » (http://www.crilcq.org/colloques/2005/vie-oeuvre.asp, consulté le 26/04/2005)

Présentation de « Pour l’amour du ciel » d’Alain BORER, publié dans la collection « Les poétiques » de France Culture (http://livraphone.com/Catalogue/poesieauteurAK.htm, consulté le 25/04/2005)

Présentation du prix Édouard Glissant (http://recherche.univ-paris8.fr/gli_pres.php, consulté le 25/04/2005)

 

Après la lecture de ce texte, Alain Borer a pris la parole (lire le texte de sa réponse).