POÈTE À DÉCOUVRIR

 

Maria LABEILLE :

auteur, compositeur, interprète.

Maria LABEILLE, le 24 octobre 1997

 

 

J’ai rencontré Maria LABEILLE pour la première fois dans le cadre du Groupement des écrivains médecins (GEM), en 1996 et j’ai été tout de suite envoûtée par ses poèmes et ses chansons. J’ai alors voulu la connaître pour mieux comprendre l’origine de son inspiration romantique alliée à une féminité toujours présente ; de plus Maria est proche de nous par son inspiration et elle sait faire vibrer les cordes intérieures de l’arc de la poésie en restant dans le monde contemporain.

Maria LABEILLE est née dans le Valois d’une mère originaire de l’Aisne et d’un père franc-comtois. Très tôt, elle manifeste des goûts pour les Arts : musique, poésie, peinture, lecture.

Elle fait ses études de médecine à Paris et s’installe en tant que rhumatologue dans la banlieue parisienne. Elle travaille aussi à l’hôpital Cochin à Paris. Elle se marie et devient Maria LABEILLE, nom empreint de poésie et qui sied bien à un auteur qui aime butiner de poèmes en poèmes, chanter comme l’abeille bourdonne et récolter le miel et le nectar des mots.

Elle a trois enfants. Le déclic littéraire lui arrive le jour où elle est touchée par la mort brutale d’un ami très cher, en 1985 et elle écrit alors pour exorciser son chagrin de plus elle crée elle-même la musique de ses poèmes. Ce déclic une fois amorcé, devient un engrenage : les poèmes arrivent un peu comme un volcan qui ne peut qu’éclater au grand jour, s’exprimer. Elle rencontre le prodigieux orchestrateur François RAUBER (orchestrateur en autres de Jacques BREL) qui met en valeur ses créations et elle enregistre un trente trois tours chez Arion, "De la douceur des choses" et deux ans plus tard, une cassette "Un ange à ma table" (treize chansons) éditée par le Club des Poètes. Elle participe à des émissions poétiques à la radio, à des galas à Paris et en province.

Elle reste proche de la peinture qu’elle a appréciée dès son enfance puisque dans son recueil "La centaurelle épousée", elle dédie un poème à des peintres : Menguy, Muriel Braun, Carzou, Dali et Gualtieri. Les œuvres de certains de ces peintres illustrent ce recueil de poésie.

Ses auteurs préférés sont Aragon, Eluard, Rilke, Marie-Noël, Jean-Pierre Rosnay ou encore Yeats -elle aime parfois les mettre en musique-.

Elle exprime par le truchement de son moi profond le bouillonnement intérieur qui jaillit naturellement comme la lave du volcan pour fertiliser les mots et recréer la tendresse, la sensibilité, l’intimité et la douceur de vivre.

Ses chansons romantiques sont un contrepoids à l’oubli de soi qu’implique l’écoute des patients.

Maria LABEILLE est aussi publiée dans des revues littéraires comme "Vivre en poésie", "Rencontres", "Visages du XX° siècle", "Cahiers de La Baule"... et a reçu de nombreuses distinctions : récemment, en 1996, elle a obtenu la médaille d’argent de l’Académie Internationale de Lutèce pour ses poèmes et le Grand Prix de l’École de la Loire.

Elle figure aussi dans un très beau livre sur Van Gogh (De la toile au poème, Éditions CAP 1990), avec "Les yeux bleus du docteur Gachet" (qui a obtenu le prix du Syndicat d’initiative de la ville d’Auvers-sur-Oise).

Son premier recueil, La centaurelle épousée, a été récompensé par le Grand Prix de la ville de La Baule et vient d’être publié au Club des Poètes, 30 rue de Bourgogne, 75007 Paris (où l’on peut se procurer disque, cassette et recueil).

 

Après avoir approché la vie de Maria LABEILLE et son élan de créativité, imprégnons-nous de ses poèmes à travers son recueil "La centaurelle épousée".

La douceur de ses textes et leur romantisme nous entraîne à fredonner comme dans "Sous la carte du ciel" :

"La nuit nue
ferme ses immenses yeux
liquides
fragile est son sommeil
de mère
Il s’est pleuré
tant et tant d’eau
en son giron
que son ventre
est rivière
où nous les éperdus
les transis d’absolu
gîtons incessamment
d’une à l’autre des rives
(...)

dégustant l’infini
sous la carte du ciel."

Un peu comme Icare, au risque de se brûler les ailes, Maria LABEILLE nous entraîne dans le rêve, l’infini et rend l’impossible accessible.

Maria aborde aussi le thème du temps qui passe, des vertes années aux tombes abandonnées, envahies par la végétation ; là le temps efface les traces comme dans "Prière d’une gisante" :

"Cœur sage dans la pierre
emmuré mais vivant
entre les bras du lierre
muet au bois dormant."

Ici la mort fleurit de "rose rouge feu" et le lierre envahit le corps. L’être humain ne fait plus qu’un avec la nature.

De même dans "L’intemporelle", Maria LABEILLE cherche à "tuer le temps" et dans "Lecture d’un visage", elle nous dit, en parlant d’un visage, "beau masque où le temps s’inscrivait". La marque des ans est indélébile, incontournable mais si ce poète nous le suggère, ce n’est jamais d’une manière obsessionnelle mais toujours en douceur, sans désespoir. Il semble toujours rester une trace de lumière, une douceur qui domine le temps par exemple dans "Lecture d’un visage", elle nous confie à la fin du poème :

"au regard fasciné
que le sourire lisse énigmatique et doux
sous le sceau du soleil
d’un vierge premier jour".

Son romantisme culmine dans les évocations florales et féminines comme dans le "Bouquet" et dans un poème sans titre très coloré où chaque vers est décalé d’une lettre vers la droite :

"Du vert à l’orangé
Passe
À pas de velours
Le temps imaginaire
Où l’oiseau
De chimère
Vient boire
À la corolle 
(...)"

Chaque vers s’enchaîne au précédent et ce poème n’est qu’une seule phrase pleine de fantaisie comme l’image des "caresses du pinceau". Voici encore un autre passage empreint de romantisme dans "Sérigraphie" :

"Sur soie sauvage
rousse et turquoise
de l’automne
(...)".

Dans ce poème les hirondelles portent "l’espoir comme un fil". Maria LABEILLE semble vivre en communion d’esprit avec la nature et ses sentiments sont influencés par l’aspect de celle-ci, rythmés par la saison (par exemple, l’espoir est associé au vent printanier).

Rares sont les poèmes où elle parle de sa vie, de ceux qu’elle aime mais lorsqu’elle se confie, elle le fait avec beaucoup de profondeur et d’amour comme dans "Éphémère" qui est un poème débordant de l’amour pour sa mère et pour les autres ainsi que de la fuite incontournable du temps. La fin de ce texte est un cri, un appel au secours :

"Ne me laissez pas
avec ce long chagrin lové au fond du cœur
ne me laissez pas là
dans la peine et la peur
de ne pas être sûre qu’on se retrouve ailleurs".

Cet appel au secours est une prière, une supplication et celle-ci se mêle à un amour profond enraciné dans la fuite du temps :

"Ma mère
malgré toi
tu m’as faite éphémère
et livrée vive aux mains du temps
cet enragé sculpteur de rides
ce gaspilleur d’éphémérides
ce damné donneur de leçons.
Et à dire vrai peu m’importe
de vite passer d’être morte".

Cette hantise du temps qui passe n’est pas sans rappeler le poème d’Appollinaire "Sous le pont Mirabeau", en particulier le passage :

"Sous le pont Mirabeau
Coule la Seine
Et nos amours, faut-il qu’il m’en souvienne,
la joie venait toujours après la peine.
Vienne la nuit, sonne l’heure,
Les jours s’en vont, je demeure."

Dans ces deux textes nous retrouvons la fuite du temps, l’amour qui passe.

Même si le temps s’enfuit, Maria LABEILLE sait aussi profiter du temps présent et rire, prendre la vie avec humour par exemple quand le sommeil ne vient pas comme dans le poème "À compter les moutons" :

"À compter les moutons par deux
À la fin tous mes rêves bêlent,"

Un peu plus loin dans ce poème, elle associe Debussy aux moutons dans une image emplie de finesse et d’originalité :

"La mer de Debussy moutonne".

Maria LABEILLE garde toujours l’espoir, le regard tendu vers l’infini. Comme dans "Le bateau ivre" de Rimbaud, elle veut partir vers un ailleurs à la recherche de l’infini. Par exemple dans "Immensément" :

"(...)
mesuré au rêve mythique
de l’éternité
de l’amour.
(...)

ce sur-bleu d’infini
du ciel et de la mer mêlés
dans l’estuaire
du grand large
(...)".

Elle associe l’immensité à l’amour :

"une double statue vivante
inlassablement enlacée
les yeux ouverts
immensément
brûle
en s’aimant."

Maria LABEILLE a soif d’absolu paisible. Elle veut boire à la fontaine de la vie comme dans "Princière sérénité" :

"Alors je t’ai cherchée
entre les bras d’une algue noire
aux brisants du silence
dans le souffle iodé
d’une irrémédiable
immersion."

Il y a toujours beaucoup d’émotions qui transpercent à travers les mots car Maria est aussi un poète intimiste qui ne peut pas s’empêcher de penser à la mort comme dans "Les yeux fermés" :

"J’ai peur du face à face avec Toi "
(...)

Tu es mon seul Pays
si tu t’appelles AMOUR".

Maria LABEILLE aborde aussi des thèmes philosophiques par exemple lorsqu’elle se pose des questions sur l’âme, "vue de l’esprit ou présence profonde ?".

Dans le poème "Si quelqu’un parle encore des âmes", elle essaie à travers des paysages, des reflets, de transmettre ses impressions, pour terminer par un concret qui tranche sur la question et affirme :

"Si quelqu’un parle encore des âmes
Je lui parlerai de la tienne".

Ce côté un peu mystique peut paraître éloigné de ce poète au premier abord mais ce n’est qu’illusion car à travers son questionnement, on décèle un sens religieux profond comme dans la chanson "Le temps des cathédrales" :

"O Marie Notre Mère
(...)

notre époque est légère.
(...)

Demain vont resurgir des cathédrales
(...)

où des chants inouïs
Des sons et des lumières
Sur le fil des prières
Sublimeront la vie
Pour longtemps "

Le titre du livre est celui du dernier poème , "La centaurelle épousée" et celle-ci apparaît chevauchée d’un " clown blanc aux rêves-bulles qui nous entraîne dans un monde irréel et bienfaisant, monde de rêves et de tendresse, qu’elle nous suggère sur une page finale écrite de sa main :

"Le rêve,
ce tissu au fil d’ailleurs et à la trame
de tendresse est la doublure
arachnéenne de la raison.
Du juste assemblage
de l’un à l’une, du
mariage heureux du réel
et de l’imaginaire dépend
la tenue de la pensée.
Est-il déraisonnable alors
de chevaucher une Centaurelle ?"

Pour terminer ce recueil, un poème unique de six pages est accroché à la "Centaurelle épousée" ; c’est " Linéaments " qui ne fait qu ’affirmer la personnalité poétique de cet auteur, dans une alliance de romantisme, de sentiments, d’amour à la recherche du temps perdu et à venir, en marche vers l’éternité :

"Visage
par l’amour pétri
où palpite fragile en promesse
l’éternité
et si prompt à te délier".

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

Juin 1997

 

Bibliographie :

LABEILLE Maria, La centaurelle épousée, Éditions Collection du Club des Poètes.
Revue "Rencontres artistiques et Littéraires", 3ème trimestre 1995, N° 68.69.
Lettre manuscrite de Maria LABEILLE du 10.05.1997 comprenant une autobiographie.

 

NB : Outre le présent article, vous pouvez lire sur ce site six poèmes de Maria LABEILLE ayant participé aux " Murs de poésie de TOURS " : "sans titre" en 2000, "J’entends sur ta pensée…" en 2001, "La fontaine aux fées" en 2002, "Le bouquet" en 2003, "Vernissage" en 2004 et "Vacance" en 2005.