22èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES, À TOURS
Vendredi 14 août 2020, de 17 h 30 à 19 h
« Léonard de Vinci vu par les écrivains » |
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Léonard de Vinci (1452 – 1519), homme exceptionnel, a séduit et intrigué de très nombreuses personnes. En 2019, à l’occasion des 500 ans de la Renaissance, il est revenu sur le devant de la scène. N’oublions pas qu’invité par le roi François Ier, il est venu en Touraine, au manoir du Clos Lucé à Amboise où il a vécu les trois dernières années de sa vie. Depuis 1854, la famille Saint-Bris y habite et continue d’ouvrir ses portes au public pour célébrer cet artiste de génie de multiples manières. Nous pouvons y découvrir Léonard de Vinci, visionnaire et aussi faire fonctionner des maquettes géantes, interactives, découvrir à l’extérieur, quarante toiles translucides des chefs d’œuvre de ce peintre extraordinaire, et tant d’autres prouesses de cet artiste et inventeur d’exception. (http://www.vinci-closluce.com/)
Pour prolonger sa mise en valeur en 2020, j’ai souhaité le mettre à l’honneur dans le jardin des Prébendes à Tours (37000).
Qui n’a pas admiré cet homme créatif aux talents si divers, si modernes, si originaux ? Comment le qualifier ? Est-il peintre, dessinateur, sculpteur, architecte, scientifique, chercheur, musicien, anatomiste, inventeur ? Oui, il l’est car son art est immense et il possède bien d’autres cordes à son arc ! Nous allons les découvrir au fil de cette rencontre.
Une partie du public.
Sa biographie :
Tout d’abord, suivons le fil de sa vie. Léonard est né le 15 avril 1452, dans un petit village de Toscane, Vinci. Il est le fils naturel de ser Piero da Vinci, notaire et de Catarina (ou Caterina), une paysanne. Son père se marie la même année avec une autre jeune fille de seize ans, Albiera Amadori. Nous ne savons presque rien de Catarina sinon qu’elle a aimé son fils, Léonard et l’a élevé jusqu’à l’âge de cinq ans. À cette date, son père n’ayant d’enfant légitime, le reprend.
Vers l’âge de douze ans, en 1464 ou 1465, Léonard est placé par son père dans l’atelier d’Andrea del Verrocchio à Florence, l’un des plus importants de la ville. Il se fait remarquer par ses dons en dessin, peinture, mathématiques, perspective, sculpture et architecture. La première œuvre datée de Léonard de Vinci est le dessin d’un Paysage de la vallée de l’Arno, daté du 5 août 1473. (Giorgio Vasari, Vie de Léonard de Vinci, 2019, note 6, p. 82).
Dix ans plus tard, il travaille pour Laurent de Médicis, maître de la cité toscane, Florence. Ce protecteur des artistes devient le patron de Léonard qui se présente comme peintre, sculpteur, mathématicien, musicien… Il reste là, une dizaine d’années et côtoie des artistes talentueux dont Alexandro di Mariano di Vanni Filiipepi dit Sandro Boticelli et Le Pérugin (Perugino), grand maître de la Renaissance qui a influencé Raphaël et le peintre et sculpteur Lorenzo di Credi (Gonzague Saint Bris, L’enfant de Vinci, p. 19). Il rencontre les meilleurs peintres, des humanistes, des intellectuels. Les Médicis ont véritablement lancé la carrière de Léonard de Vinci et l’ont recommandé à de riches mécènes. (https://www.geo.fr/histoire/italie-renaissance-florence-et-les-medicis-laurent-le-magnifique-habile-prince-des-arts-159441) Les années qu’il passe sous la direction de ce maître, ont une importance considérable dans son éducation.
La vie privée de Léonard de Vinci reste énigmatique et je pense qu’il le souhaitait.
Pour être plus précis dans sa peinture, il dissèque des corps humains et fait des croquis des os, des muscles, des tendons, imagine la tension des muscles selon les mouvements. Dans ses Carnets, nous trouvons une multitude de dessins d’une précision remarquable, prouvant sa passion dans ses recherches en ce domaine. (Les Carnets, tome I, éd. 1942, pp. 123 et 124) Pour lui, l’observation est indispensable pour comprendre et faire des découvertes :
« Il avait appris, dans les écoles des médecins, à disséquer les cadavres des criminels, malgré le caractère inhumain et dégoûtant de ce travail, afin de peindre les flexions et les efforts des différents membres selon l’action des muscles et l’ordre naturel des articulations. », nous dit Paul Jove dans sa Vie de Léonard de Vinci. (Léonard de Vinci, Traité de la peinture, p. 24)
Il voulait toujours voir pour mieux comprendre. Il écrit : « L’expérience ne se trompe jamais, ce sont nos jugements qui se trompent, quand ils attendent d’elle des choses qu’elle n’a pas le pouvoir de faire. » (Léonard de Vinci, Maximes, fables et devinettes, p. 19)
En 1478, à vingt-six ans, il est envoyé par les Médicis comme émissaire auprès du duc de Milan, Ludovico Sforza. Lors de son séjour à Milan, il est l’organisateur, le concepteur de fêtes et crée également des machines de théâtre et ses premières machines de guerre. Très fort pour l’artillerie et les jeux d’eau et autres créations curieuses, il ne cesse d’imaginer et de proposer de nouvelles inventions mais elles furent rarement réalisées en pratique (Vie de Léonard de Vinci par l’anonyme Gaddiano vers 1540, Traité de la peinture, p. 26).
Il fait aussi de nombreux tableaux, des projets scientifiques et des croquis. Grâce à ses compétences artistiques et scientifiques, il obtient une certaine notoriété, par exemple en géométrie et logique mathématique, dans sa démonstration de « La divine proportion » où dessins à l’appui, il commente sa recherche, alliance de déduction qui lui permet d’arriver au « triangle d’argent » (Giorgio Vasari, Vie de Léonard de Vinci, 2019, notes pp. 205 à 223)
De son premier séjour à Milan en 1482, il laisse deux œuvres capitales, « La Vierge aux rochers » (1483) et « La Cène ». Cette dernière peinte à Milan entre 1495 et 1497 se caractérise par la majesté des visages des apôtres mais celui du Christ est resté inachevé. On dit que Léonard ne pensant pas pouvoir lui conférer un aspect divin, préfère le laisser juste esquissé (Vie de Léonard de Vinci par Giorgo Vasari en 1550, Traité de la peinture, p. 35). De même, de nombreuses autres œuvres de Léonard resteront inachevées.
De 1485 à 1489, Léonard entreprend son tableau, « La dame à l’hermine ».
Il est aussi l’ordonnateur des fêtes de la cour de Milan (de 1482 à 1499) ; il donne ses compétences dont celle de savoir organiser des fêtes somptueuses dans la minutie des détails comme le montre cet extrait sur les costumes : « Pour faire un beau costume, prendre de la toile fine, l’enduire d’une couche de vernis odoriférante à base de Térébenthine et de vernis ; passe-la avec un patron de millet noir et le fond de millet blanc. » (Léonard de Vinci, Traité de la peinture, p. 164)
Très tôt, Léonard de Vinci joue de la lyre puis l’enseigne (à Atalante Migliorotti). (Vie de Léonard de Vinci par l’anonyme Gaddiano vers 1540, Traité de la peinture, p. 26). Ludovico Sforza apprécie son talent musical en fin connaisseur. Giorgio Vasari qui avait sept ans à la mort de Léonard et a connu ceux qui l’avaient côtoyé, a écrit : « Présenté au duc de Milan, il devait jouer de la lyre devant ce prince passionné par la musique. Il arriva portant un instrument qu’il avait fabriqué lui-même, presque entièrement en argent et ayant la forme d’un crâne de cheval. Cette forme était originale et bizarre, mais donnait aux sons quelque chose de mieux vibrant et de plus sonore. Il sortit vainqueur de ce concours ouvert à beaucoup de musiciens et se montra le plus étonnant improvisateur de son temps. (Giorgio Vasari, Vie des peintres, 1839, tome 4, Léonard de Vinci, p. 9) Léonard de Vinci loue aussi la musique, « sœur cadette de la peinture car elle est soumise à l’ouïe, sens second de l’œil, » (Léonard de Vinci, Éloge de l’œil, p. 36).
Léonard de Vinci part de Milan en 1499, suite à la chute des Sforza.
Entre 1501 et 1506, il crée son célèbre portrait de la Joconde, ou Mona Lisa, qui est une énigme autant par son sourire que par son origine contestée. Ce tableau a beaucoup intrigué et il prête à de multiples interprétations dont celle du portrait de lui à travers le visage de sa mère. Pour ma part, j’envisage mais sans preuve, que ce tableau est peut-être à la fois le portrait de sa mère et le sien car il y a des proximités avec les portraits de lui âgé et il aurait pu ainsi rendre hommage à celle qui lui a donné la vie et l’a élevé jusqu’à l’âge de cinq ans, avant que son père le reprenne, n’ayant pas d’enfant. Les érudits ne sont pas d’accord entre eux ; ce qui est sûr, c’est que Léonard aimait beaucoup ce tableau puisqu’il fait partie des trois qu’il emporta en France. La Joconde est certainement son préféré car lorsque François Ier lui demande de lui donner, il refuse, le supplie de lui laisser jusqu’à sa mort. Il lui promet qu’il sera alors à lui et le roi accepta.
Ce tableau a toujours fasciné le public. Quelle part de notre intériorité met-elle en jeu pour si bien capter notre attention ? Pourquoi retient-elle tant notre curiosité et reste-t-elle si moderne, d’une beauté hors du temps ? Il n’y a peut-être pas une réponse mais une multitude car chacun peut selon sa vie, son œuvre, son vécu, lui donner un sens différent.
En 1502, Léonard est appelé par le prince César Borgia, duc de Valentinois et fils du pape Alexandre VI, qui lui offre le titre de « capitaine et ingénieur général ». Léonard de Vinci séjourne aussi dans les Marches et la Romagne pour dessiner des plans ou des cartes des villes, remplissant ses carnets de multiples observations. (https://renaissanceitalienne.wordpress.com/tag/croquis/)
De 1503 à 1506 (ou 7), il travaille à nouveau à Florence pour Laurent le Magnifique. Il peint son célèbre tableau « La bataille d’Anghiari » puis reste plusieurs années au service de différents mécènes. (Vie de Léonard de Vinci par l’anonyme Gaddiano vers 1540, Traité de la peinture, p. 26)
Léonard de Vinci retourne ensuite à Milan de 1506 à 1513. Il réalise son tableau, « La Vierge et Sainte Anne avec l’enfant Jésus ». Il vit avec peu d’argent mais ce n’est pas son problème. Pourtant il lui faut un protecteur. Il choisit alors le plus offrant. Il travaille pour Charles d’Amboise (1506), lieutenant général du roi de France en Milanais (après 1501) puis Louis XII (1507).
De 1513 à 1516, Léonard de Vinci est à Rome. Il a alors pour patron Julien II de Médicis puis le pape Léon X. En 1513, Léonard peint son « Saint-Jean-Baptiste ».
En 1515, Léonard rencontre le nouveau roi de France, François Ier qui l’invite à venir à Amboise. Il accepte de quitter sa terre natale pour la France dans les derniers mois de 1516, à l’âge de soixante-quatre ans, malgré les fatigues d’un voyage de plus de trois mois à l’époque car cet appel correspond pour lui à une véritable reconnaissance. En Italie, il subissait la jalousie de ses rivaux qui étaient plus souvent choisis pour les commandes dont Michel-Ange (1475 – 1564) et Raphaël (1483 – 1520), tous deux plus jeunes que lui de vingt-trois ans pour Michel-Ange, de trente-trois ans pour Raphaël. De plus ils finissaient leurs œuvres alors que Léonard excellait dans l’inachevé.
Léonard de Vinci n’oublie pas d’emporter avec lui, ses tableaux préférés, « Saint-Jean-Baptiste », « La Madone et l’enfant sur les genoux de Sainte Anne » et bien sûr le plus célèbre, « La Joconde ».
François Ier peut être considéré comme l’un de ses mécènes car il lui a permis de montrer la force de son art dans sa vieillesse, et la reconnaissance de son talent en France.
À Amboise, Léonard est logé par le roi, au Clos Lucé, gentilhommière du XVème siècle. Il est ainsi près de la résidence du roi au château. Il est nommé « premier peintre ingénieur et architecte du roi » et vit d’une pension considérable de 2000 écus – soit 4000 livres par an. (Giorgio Vasari, Vie de Léonard de Vinci, 2019, note 49, p. 119)
Dans la dernière partie de sa vie, Léonard a pour compagnon, Francesco Melzi (1491 – 1570) qui posera pour de nombreux tableaux.
Léonard de Vinci est traité comme un prince et s’intéresse à de nombreux sujets scientifiques et artistiques. Il rassemble ses notes en vue de les publier. Surdoué en de très nombreux domaines, il réalise des études d’ingénierie pour des canaux et propose des idées de fêtes somptueuses. Trois ans après son arrivée à Amboise, ce grand génie italien de la Renaissance meurt au Clos Lucé, le 2 mai 1519, à soixante-sept ans. Il lègue de nombreux documents, manuscrits, carnets et instruments à Francesco Melzi, son disciple préféré qui devient ainsi son héritier.
Une fois disparu, Léonard de Vinci continue de vivre d’une certaine manière à travers ses œuvres qui continuent de fasciner le public au fil des siècles. Par exemple, le contenu de ses Carnets nous surprend toujours car ils sont une mine de renseignements sur son travail, ses inventions, son ingéniosité et les conclusions philosophiques qu’il en tire dans de multiples domaines. Léonard de Vinci les a écrits à l’envers d’une écriture fine et appliquée. Ils sont le fruit des réflexions de toute sa vie. Une partie a été publiée en deux livres d’environ 600 pages chacun, aux éditions Gallimard en 1987. En réalité, ils comprennent 5000 pages dont plus de 1000 ont été classées et éditées. Ils témoignent de la multiplicité de ses talents.
Léonard a choisi cette écriture inversée à lire dans un miroir, pour protéger ses écrits et éviter une condamnation par exemple pour ses dissections de cadavres interdites à son époque. Elles correspondaient à sa soif de connaître l’anatomie pour mieux représenter le corps humain. Dans la même quête de vérité, il écrivait en langue vulgaire, celle que l’on parle dans les rues et sur les places publiques et non en latin, langue réservée aux lettrés.
À son époque, ses recherches paraissaient du domaine de la science-fiction. Pourtant au XXIème siècle, elles nous passionnent toujours, à la lumière de nos connaissances. Elles témoignent de son immense talent et savoir. Citons des thèmes qu’il a abordés : Anatomie, Physiologie, Médecine, Optique, Acoustique, Astronomie, Botanique, Géologie, Atmosphère, Machine volante, Mouvement et pesanteur, Mathématiques (tome I), De la nature de l’eau, Hydraulique, Canalisation, Expériences, Armement naval, Comparaisons des Arts, Perspective, Architecture, Musique, Facéties, Fables, Bestiaire, Allégories, Prophétie, (tome II) et cette liste n’est pas exhaustive.
La précision de ses recherches approfondies est indéniable comme dans cet exemple alliant la botanique et les mathématiques : « Tous les ans, quand les branches des arbres ont achevé de se développer, leur grosseur – si on les réunit toutes – équivaut à celle d’un tronc ; et à chaque stade de leur ramification, tu trouveras l’épaisseur dudit tronc comme i, k, g, h, e, f, c, d, a, b. Toutes seront égales entre elles si l’arbre n’a pas été émondé. Sinon, il ne faillira pas à la règle. » (Les Carnets de Léonard de Vinci, tome I, p 323)
Il est ainsi arrivé jusqu’à nous par sa notoriété.
Partons maintenant sur les traces des auteurs qui l’ont mis à l’honneur et restent des passeurs de mémoire car ils ont montré la force de son talent dans de très nombreux domaines.
Tout d’abord, au XVIème siècle, Giorgio Vasari (1511 – 1574), artiste de talent, poète, peintre, architecte, avait sept ans quand Léonard de Vinci est mort. Il l’a connu de réputation, l’a admiré, a rencontré des gens de son époque puis a écrit une biographie sur ce génie. Une deuxième édition de son livre Le Vite de’ piú eccellenti pittori, scultori et architetti italiani (Les Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes italiens) est parue en 1568 et reste une référence sur les fondements de l’histoire de l’art. Dans celle-ci, Giorgio Vasari commence par Léonard de Vinci.
Dans les éditions de 1550 et 1568, nous pouvons admirer les décors qui ornent les pages de garde, et dans celle de 1568 le portrait de Léonard de Vinci aux longs cheveux dans un cadre aux deux piliers décorés de deux muses le regardant, et au fronton sculpté avec au centre un homme dominant l’ensemble.
Dans les pages correspondant à Léonard de Vinci, peintre et sculpteur florentin, Giorgio Vasari aborde autant la vie que les dons de Léonard. Dès son enfance, Léonard apprit une multitude de choses car ce surdoué exceptionnel changeait très facilement de sujets tellement il était passionné par tout, la musique, le chant, les mathématiques… Remarquons son intérêt pour le dessin durant toute sa vie.
Enfant, il se fait remarquer par la précocité de son intelligence : « Pendant quelques mois il étudia l’arithmétique : ses progrès furent si rapides, qu’il ne tarda pas à embarrasser son maître par les doutes et les questions qu’il soulevait. » (édition 1839, p. 2)
Dès son entrée dans l’atelier d’Andrea del Verrocchio, il est remarqué, par sa jeunesse par rapport aux autres et pour ses capacités supérieures : « Léonard avait trop d’intelligence pour s’attacher à une seule branche de l’art : tout ce que le dessin embrasse fut l’objet de sa recherche. Jeune encore, et déjà bon géomètre, il se montra sculpteur en modelant en terre quelques têtes de femmes et plusieurs têtes d’enfants, qu’on aurait pu attribuer à la main d’un maître. » (édition 1839, p. 2)
« Mais sa vocation voulait qu’il fût peintre : il dessinait beaucoup d'après nature, et modelait en terre des figures, qu’il drapait ensuite avec des chiffons mouillés et enduits de terre ; (…) » (édition 1839, p. 3)
Le talent de Léonard est indéniable. Il peut surpasser son maître : « Comme nous l’avons déjà dit, Léonard étudiait le dessin chez Andréa del Verrocchio. Celui-ci le chargea un jour de peindre un ange dans un Baptême du Christ. La figure du jeune élève se trouvait tellement supérieure à celle du maître, qu’Andréa, désespéré de se voir vaincu par un enfant, renonça pour toujours à la peinture. » (édition 1839, p. 5)
Léonard de Vinci avait aussi le talent de montrer l’horreur : « il se mit à réfléchir comment il pourrait y représenter quelque sujet bien effrayant, une sorte d’épouvantail comparable à la Méduse des anciens. » (édition 1839, p. 6)
À Milan, Léonard de Vinci participe pour la première fois à un concours de musique organisé par le duc Ludovic Sforce : « En 1493, Léonard, précédé de son immense réputation, vint à Milan et fut présenté au duc Ludovic Sforce, successeur de Jean Galéas. Il devait jouer de la lyre devant ce prince passionné pour la musique. Il arriva portant un instrument qu’il avait façonné lui-même, presque entièrement en argent et ayant la forme d’un crâne de cheval. Cette forme était originale et bizarre, mais donnait aux sons quelque chose de mieux vibrant et de plus sonore. Il sortit vainqueur de ce concours ouvert à beaucoup de musiciens, et se montra le plus étonnant improvisateur de son temps. Ludovic, séduit encore par l’éloquence facile et brillante de Léonard, le combla d’éloges et de caresses. » (édition 1839, pp. 9 et 10)
Le duc qui appréciait les différentes facettes de son art, « lui demanda un tableau d’autel, la Nativité du Christ, qu’il offrit à l'empereur quand il fut terminé. » (édition 1839, p. 10)
Léonard excelle dans les œuvres religieuses dont la Cène où il laissa la tête de Jésus inachevée car il pensait ne jamais réussir à traduire le côté céleste du Christ. Le fait de laisser un espace flou n’enlève rien à la force de l’œuvre : « A Milan, Léonard entreprit pour les dominicains, à Santa-Maria-delle-Grazie, son fameux tableau de la Cène. Il donna à toutes les tètes d’apôtres tant de noblesse et de majesté, que, craignant de rester impuissant à exprimer sur la face du Christ sa divine beauté, il s’arrêta sans la terminer. Cependant l’œuvre, restant ainsi pour finie, inspire la plus grande vénération aux Milanais et aux étrangers qui la visitent. » (édition 1839, p. 10)
Léonard de Vinci réalise avec soin les détails quand il le souhaite. Vasari montre combien Léonard de Vinci s’est appliqué à peindre le rendu des tissus : « Faut-il ajouter que chaque chose, dans cet ouvrage, est rendue avec un incroyable soin ? Il n’est pas jusqu’à la nappe, dont le tissu ne soit d’une beauté et d’une vérité inimitables. » (édition 1839, p. 10)
Léonard de Vinci pour exprimer les sentiments de manière extraordinaire, s’est toujours laissé conduire par son imagination quitte à ne pas être compris. Par exemple, devant l’étonnement du prieur des dominicains, il explique sa recherche d’idéal, d’excellence : « (…) De plus il confia au duc qu’il lui manquait deux têtes pour son tableau, celle du Christ et celle de Judas. Il n’espérait guère trouver sur la terre le type divin du Sauveur, dont son imagination était impuissante à concevoir l’idéale et céleste beauté ; et il lui semblait difficile de rencontrer sur une face d’homme assez de bassesse et de cruauté, pour exprimer d’une manière frappante l’ingratitude et la trahison du monstre. (…) » (édition 1839, p. 11)
« Cette peinture si noble par la pensée, si précieuse par le travail, fit grande envie au roi de France, qui voulait en enrichir sa capitale. (…) Mais la peinture tenait au mur : sa Majesté emporta son admiration et son désir, et laissa le chef-d’œuvre aux Milanais. » (édition 1839, p. 12)
Même s’il n’honore pas toujours ses commandes, il peut surprendre par des œuvres non commandées qu’il réalise avec talent comme celle du tableau de l’autel majeur de la Nunziata à Florence : « Enfin il fit son carton représentant la Vierge, sainte Anne et le Christ. Quand il l’eut terminé, il l’exposa deux jours. Non seulement tous les peintres l’admirèrent beaucoup, mais le peuple se pressa à l’envi pour le contempler, et s’assembla en foule comme aux fêtes solennelles. Ce triomphe fut complet. » (édition 1839, p. 15)
Parmi les plus tableaux les plus célèbres de ce peintre, l’un demeure un chef d’œuvre exceptionnel dans sa conception inachevée, celui de la Joconde. Il reflète sa quête d’un idéal jamais atteint. Nous sommes étonnés de la description de Giorgio Vasari qui met en valeur les détails avec beaucoup de minutie. Admirons le talent du peintre et celui du narrateur qui écrit :
« Il commença aussi pour Francesco del Giocondo le portrait de Mona Lisa, sa femme, et le laissa inachevé après y avoir travaillé pendant quatre ans. (…) Les plus petites choses y sont peintes avec la plus grande finesse. Le cristal brillant et humide de l’œil, l’ombre de ses cils, n’avaient jamais été rendus avec un tel bonheur. Ces teintes rougeâtres et un peu plombées qui cernent les yeux, et qui leur donnent tant de suavité et de charme quand on parvient à les distribuer avec une telle intelligence et une telle légèreté ; ces passages si délicats et ces tons si tendres par lesquels les sourcils et les poils s’harmonisent avec la chair ; ce nez avec ses belles ouvertures et ses facettes reflétées ; ces lèvres colorées et riantes avec leurs attaches si mobiles ; ce cou et ce creux de gorge ; toutes ces choses enfin si fines et si souples ne sont pas de la peinture : elles sont le désespoir des peintres ; on dirait une belle femme qui respire et qui vit. » (édition 1839, pp. 16 et 17)
Remarquons la force inouïe de ce peintre passionné par l’élan créateur par exemple dans les moindres détails des scènes guerrières où il rend par son talent, le dynamisme des mouvements et la rage de combattre chez les chevaux comme chez les humains. Giorgio Vasari nous transmet l’intensité de cette lutte au corps à corps :
« (…) Il prit pour sujet la défaite de Niccolò Piccinino, capitaine de Filippo, duc de Milan : c’est un groupe de cavaliers se disputant un drapeau ; composition digne d’un grand maître, et pleine d’intentions admirablement exprimées.
La vengeance, la colère, la rage animent les guerriers, dont les chevaux eux-mêmes partagent l’acharnement.
Deux de ces derniers, les jambes entrelacées, se déchirent avec les dents et se heurtent avec fureur. Le soldat porteur de l’enseigne, les épaules en avant et le corps retourné, presse son cheval et tire à lui le drapeau qu’il espère arracher brusquement aux quatre cavaliers qui l’ont saisi à la fois, deux pour le défendre, deux pour l’attaquer. Ceux-ci cherchent à couper la hampe, tandis qu’un vieux soldat, coiffé d’un énorme bonnet rouge, se précipite en criant, et le sabre levé, pour abattre les poignets de ceux qui, dans une attitude terrible, et grinçant des dents, retiennent cette enseigne tant disputée.
Sous les jambes des chevaux, et en raccourci, deux soldats aux prises se roulent l’un sur l’autre. Celui qui a l’avantage cherche à égorger avec son poignard le malheureux vaincu, qui lutte avec désespoir pour échapper à la mort. » (édition 1839, pp. 17 et 18)
Léonard de Vinci était fasciné par le vol des oiseaux dans sa soif de s’envoler lui aussi. Plus tard, il créera l’ancêtre du parachute mais déjà lors de son séjour à Rome avec le duc Guiliano de’Medici lors de l’élection du pape Léon, il cherchait à comprendre comment certains bêtes volaient. Ainsi Giorgio Vasari détaille pour les lecteurs, une de ses inventions : « Léonard, pour égayer le voyage, composait en cire des animaux si légers, qu’en soufflant dedans, ils s’envolaient jusqu’à ce que l’air qui les soutenait vînt à leur manquer. » (édition 1839, p. 19)
Bien sûr, Giorgio Vasari décrit de nombreuses autres facettes talentueuses de Léonard de Vinci mais nous ne pouvons pas tout aborder ici tellement l’œuvre de ce génie est immense. Giorgio Vasari termine son étude en abordant son départ pour la France et son arrivée à Amboise.
Après Giorgio Vasari, beaucoup d’auteurs célèbres ont voulu lui rendre hommage. Ils nous ont transmis leurs pensées sur Léonard de Vinci. Voici quelques exemples.
Dans son livre Observations sur quelques grands peintres, le peintre illustrateur, critique d’art, Jean-Joseph Taillasson (1745 – 1809), très connu de son vivant, fervent admirateur de Poussin (tableaux au Musée des Beaux Arts de Tours), membre de l’Académie de peinture et de plusieurs sociétés littéraires, considère le livre de Léonard Traité de la Peinture comme un ensemble exceptionnel par la diversité des points abordés et par la richesse des connaissances de Léonard de Vinci, surdoué dans de si nombreux domaines : « on ne sauroit en faire mieux l’éloge, qu’en disant que Le Poussin a voulu lui-même en dessiner les figures, et que ce savant homme avouoit qu’il lui devoit une partie des connoissances qui l’ont rendu si célèbre. » (Observations sur quelques grands peintres, p. 8)
Le romancier Stendhal (1783 – 1842), un des grands classiques de la littérature, a rendu hommage à ce génie dans de très nombreux domaines. Il a écrit un livre inachevé Histoire de la Peinture en Italie dont le livre troisième est consacré à Léonard de Vinci (pages 127 à 185). Cette partie vient d’être éditée en 2019, sous le titre La Vie de Léonard de Vinci aux éditions de l’Aube. Dès le début, l’auteur insiste sur la polyvalence de cet artiste et l’immensité de ses recherches dès sa jeunesse : « Toutefois la peinture ne prenait pas tous ses moments. On voit, par les récits aveugles de ses biographes, qu’il s’occupait également de chimie et de mécanique. » (Stendhal, Histoire de la Peinture en Italie, p. 128) « Non-seulement il cherchait les modèles du beau et du laid, mais il prétendait saisir l’expression fugitive des affections de l’âme et des idées. Les choses bizarres et altérées avaient un droit particulier à son attention. » (id., p. 128)
Stendhal considère que Léonard utilise trois styles :
« Pour le premier, l’Enfant au berceau, qui
est à Bologne.
Sa seconde manière fut chargée d’ombres extrêmement
fortes ; je citerais la Vierge aux Rochers, et surtout la figure de
Jésus qui bénit le petit saint Jean.
Les demi-teintes composent presque en entier son troisième
style, plus tranquille et d’une harmonie plus tendre. (…) » (id.,
pp. 131 et 132)
Au XIXème siècle, Charles Baudelaire (1821 – 1867) met à l’honneur Léonard de Vinci à côté d’autres grands noms, Rubens, Rembrandt, Michel-Ange, Watteau, Goya, Delacroix (dans son poème Les Phares). Voici le quatrain correspondant à Léonard de Vinci où le poète associe cet artiste à une vision hors du monde :
Léonard de Vinci, – miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l’ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays ;
(…)
(Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857, p. 23)
La romancière George Sand (1804 – 1876) n’a pas hésité à exprimer son ressenti et même sa fascination devant La Joconde de Léonard de Vinci dans un chapitre de son livre Souvenirs et impressions littéraires paru en 1862 : « Quelle est cette femme sans sourcils, aux mâchoires développées sous leur luxuriante rondeur, aux cheveux extrêmement fins ou très-peu fournis, au front très-découvert ou très-puissant, à l’œil sans éclat, mais d’une limpidité surhumaine ? » (Souvenirs et impressions littéraires, p. 205) « Cette beauté célèbre offre dans son expression un tel problème, que personne ne l’a regardée sans émotion, et que personne, après l’avoir vue un instant, ne l’a oubliée. Le modèle n’offrait-il aux regards le même mystère que le portrait ? » (id., pp. 206 et 207) George Sand explicite ensuite son point de vue sur le peintre : « Il fit là ce qu’ont fait tous les maîtres véritables : il donna sa propre puissance à son œuvre, en croyant la surprendre dans l’âme de son modèle. » (id., p. 210)
D’une manière très différente, Maurice Rollinat (1846 – 1903), lui rend hommage. Cet artiste polyvalent, poète et musicien du fantastique, appréciait aussi La Fontaine pour ses fables mettant en scène les animaux, Baudelaire pour son spleen, Edgar Poe pour sa veine fantastique. Maurice Rollinat jouait du piano de manière moderne et authentique. Il se laissait guider par son inspiration. Il eut ses heures de gloire à Paris, au Chat Noir, dans les cabarets et salons de la capitale (1883) puis écœuré par la vie parisienne et ses détracteurs, il choisit de se retirer dans la Creuse, à Fresselines, près de la nature qu’il aimait tant et a décrit avec talent. Conseillé par George Sand, il écrivit des poèmes animaliers qui ont été appris dans les écoles de France pendant toute la première moitié du XXème siècle et sont encore connus par ci, par là.
Dans un poème sur le tableau préféré de Léonard de Vinci, Maurice Rollinat déploie étonnamment sa veine sombre, fantastique et morbide. Il nous surprend par sa manière inhabituelle de traiter ce tableau en miroir avec son spleen :
LA JOCONDE
Le mystère infini de la beauté mauvaise
S’exhale en tapinois de ce portrait sorcier
Dont les yeux scrutateurs sont plus froids que l’acier,
Plus doux que le velours et plus chauds que la braise.
C’est le mal ténébreux, le mal que rien n’apaise ;
C’est le vampire humain, savant et carnassier
Qui fascine les cœurs pour les supplicier
Et qui laisse un poison sur la bouche qu’il baise.
Cet infernal portrait m’a frappé de stupeur ;
Et depuis, à travers ma fièvre ou ma torpeur,
Je sens poindre au plus creux de ma pensée intime
Le sourire indécis de la femme-serpent :
Et toujours mon regard y flotte et s’y suspend
Comme un brouillard peureux au-dessus d’un abîme.
(Maurice Rollinat, Les Névroses, p. 315)
Gabriel Séailles (1852 – 1922), agrégé de philosophie (1875), docteur ès lettres (1884), professeur titulaire de la chaire d’histoire de la philosophie à la faculté des lettres de Paris (1898), préfigurateur de la Ligue des droits de l’homme, a écrit une biographie de Léonard de Vinci. Gabriel Séailles nous permet de bien différencier le savant et l’artiste, le chercheur passionné et celui à l’affût de nouvelles découvertes. Ce n’est pas un hasard si l’auteur utilise le mot « âme » car il veut montrer combien Léonard de Vinci travaille en miroir avec lui-même, au plus profond de sa pensée et il nous montre la richesse de ses recherches, de ses études, de sa soif de comprendre et de connaître le plus profond de l’être. Dans son livre, Léonard de Vinci, l’artiste et le savant, Gabriel Séailles écrit :
« Après avoir étudié l’œuvre du Vinci sous ses deux aspects : les créations de l’artiste et les travaux du savant, nous sommes préparés à entrer plus avant dans l’intimité de ce grand esprit. Miroirs où se réfléchit son âme, ses tableaux nous en renvoient l’image. (…) » (Gabriel Séailles, Léonard de Vinci, l’artiste et le savant, p. 397)
Gabriel Séailles nous présente aussi sa force de création :
« (…) Son originalité est le merveilleux équilibre d’une âme qui fait conspirer en une harmonie puissante les dons que les autres hommes ne se partagent qu’en les opposant. Curiosité universelle, affranchissement de l’autorité, conscience claire de la vraie méthode et de ses procédés, hypothèses fécondes, tout ce qui constitue le génie scientifique de Léonard me paraît se relier sans effort à son libre génie d’artiste, n’en être à dire vrai qu’une métamorphose en une âme vraiment humaine. » (id., p. 399)
Au début de la conclusion de ce livre, Gabriel Séailles insiste sur la puissance de pensée de ce génie de la Renaissance :
« La vie de Léonard de Vinci montre que la réflexion et l’imagination ne s’excluent pas nécessairement, qu’un grand artiste peut être un grand savant, et que ces facultés contraires, par leur concours, peuvent élever tout à la fois le savant et l’artiste à une hauteur extraordinaire. (…) » (id., p. 509)
Paul Valéry (1871 – 1945) a écrit un essai philosophique, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci (1894), dans lequel il n’en finit pas de s’étonner des capacités créatives si diverses de cet homme hors du commun dont il analyse la pensée :
« Il s’agit, en somme, d’un usage du possible de la pensée, contrôlé par le plus de conscience possible. » (Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, édition 1957, p. 13)
« Il faut avouer que l’Esthétique est une grande et même une irrésistible tentation. » (id., p. 102)
Paul Valéry décortique l’énigme du sourire de la Joconde, sans toutefois lui enlever la magie de son mystère :
« Ce pli de visage a eu la fortune de susciter la phraséologie, que légitiment, dans toutes les littératures, les titres de « Sensations » ou « Impressions » d’art. Il est enseveli sous l’amas des vocables (…) » (id., p. 47)
Paul Valéry a aussi préfacé Les Carnets de Léonard de Vinci, avec une fougue qui témoigne de son admiration pour cet auteur. Prenant la formule de la genèse et en l’adaptant à Léonard, il montre combien ce peintre apportait sa touche personnelle dans l’art de peindre par sa vision globale de sa recherche :
« Il y eut une fois Quelqu’un qui pouvait regarder le même spectacle ou le même objet, tantôt comme l’eût regardé un peintre, et tantôt en naturaliste ; tantôt comme un physicien, et d’autres fois, comme un poète ; et aucun de ces regards n’était superficiel. » (Préface des Carnets, tome I, p. 7)
« Créer, construire, étaient pour lui indivisibles de connaître et de comprendre. » (id., p. 8)
Paul Valéry nous fait part ensuite de ses réflexions sur l’écriture de Léonard de Vinci, étant intrigué par ses « cahiers couverts d’écriture et de croquis. Cette écriture est inversée ; il faut la lire par réflexion dans un miroir. » (id., p. 10)
Gaston Luce, poète tourangeau né en 1880, connu pour ses écrits sur le spiritisme (dont « La parole d’Amour », « La harpe d’argent »), a aussi rendu hommage aux frères Bühler, Denis (1811 – 1890) et Eugène (1822 – 1907), tous deux architectes-paysagistes très connus pour avoir conçu en particulier le Parc de la Tête d’or à Lyon et le jardin des Prébendes d’Oé à Tours en 1872. Gaston Luce a écrit de nombreux poèmes sur la Touraine dont un quatrain sur Léonard de Vinci dans son livre Les Roses dans l’Enclos :
LÉONARD DE VINCI
Noble est ta mission, Amboise-le-beau-lieu,
De sertir, en ton cadre unique dans l’Histoire,
Le nom du grand toscan porteur de cette gloire
Qui, dépassant l’humain, l’a promu demi-dieu.
(Gaston Luce, Les Roses dans l’Enclos, p. 28)
Irna Dubreuil, décédée à la fin du XXème siècle, poète de Touraine membre de « Présence de la Poésie », a obtenu le prix de poésie classique 1998-1999 et le prix de poésie néo-classique 2000 aux « Joutes poétiques de Touraine ». Dans son poème « Nostalgique Touraine », elle n’oublie pas Léonard de Vinci :
Comme j’aurais aimé vivre pendant la Renaissance
Pour y redécouvrir une ancienne existence
Les châteaux de la Loire c’est toute la Touraine
Où mon esprit voyage un peu en souveraine
Je me sens transportée dans un monde familier
Dans le château d’Amboise avec François Ier
Mais mes racines étrusques me portent un peu plus loin
Vers ce beau Clos Lucé tout en haut du chemin
C’est tout un patrimoine qui se rassemble ici
Où trône le génial Léonard de Vinci.
(…)
Gonzague Saint-Bris (1948 – 2017) qui a dormi étant enfant, dans la chambre de Léonard et venait régulièrement au Clos Lucé, continue tout au long de sa carrière littéraire, à s’intéresser à ce personnage hors du commun. Après L’enfant de Vinci sorti au printemps 2005, il a fait paraître au mois de mai, Léonard de Vinci ou le génie du roi au Clos Lucé, puis en mai 2006, Sur les pas de Léonard de Vinci.
Dans son roman initiatique L’enfant de Vinci, il nous transmet son ressenti devant la force esthétique de La Joconde : « Tout le travail de l’artiste était de faire apparaître la lumière intérieure qui éclaire notre âme et j’ai toujours pensé que le visage de la Joconde ressemblait à une lampe d’albâtre. » (Gonzague Saint Bris, L’enfant de Vinci, pp. 33 et 34) Personne ne reste indifférent devant le visage de « La Joconde ». À la fin de ce livre, Gonzague Saint Bris écrit « Meurs et deviens dans ce qui survit de ton œuvre. » (id., p. 383).
Laure Fagnart, a soutenu une thèse de doctorat sur Léonard de Vinci en 2004, (« La fortune et la réception des œuvres de Léonard de Vinci, en France »), au Centre d’études supérieures de la Renaissance à Tours ; elle n’hésite pas à distinguer la part de fiction du film « Da Vinci Code » et à justifier scientifiquement ses dires. Par exemple, elle explique que dans le tableau « La Cène », le disciple de Jésus, Jean, peut être confondu avec une jeune femme car il est jeune et imberbe, il porte les cheveux longs ce qui était habituel chez les apôtres dans de nombreuses Cènes de l’époque de Léonard, que l’apôtre Pierre tient un couteau qui préfigure son geste lorsqu’il coupera l’oreille d’un soldat venu arrêter Jésus et Judas. Elle conclut : « Enfin, le visage de Jean est typique de la peinture de Léonard (…) : il est androgyne ce qui pour Léonard correspond à la beauté idéale ». (La Nouvelle République du Centre Ouest du 22 mai 2006, page 9).
Laure Fagnard a publié son livre Léonard de Vinci à la Cour de France en 2019, aux Presses universitaires de Rennes et elle a obtenu, pour ce livre, le prix international Léonardo da Vinci. Elle aborde les relations de Léonard, ses engagements, son lien avec les rois de France. Elle explique aussi comment certains tableaux sont devenus propriétés des rois de France, de François Ier puis de leurs successeurs au fil du temps. (http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4802)
Dans le cadre des 500 ans de la Renaissance en 2019, de nombreux livres sur Léonard de Vinci sont parus en France.
Serge Bramly (1949 à Tunis – ), romancier, scénariste, critique d’art français, spécialiste de photographie, a entièrement remis à jour en 2019, sa biographie de Léonard de Vinci parue en 1988. Elle est ainsi devenue un best-seller mondial traduit dans vingt pays. Il l’a enrichie de nouveaux documents dont la consultation de l’incunable annoté par un secrétaire de Machiavel, où il est question du modèle de La Joconde. (https://www.babelio.com/livres/Bramly-Leonard-de-Vinci/25395)
Les éditions du Musée du Louvre ont publié sous le titre Giorgio Vasari, Vie de Léonard de Vinci peintre et sculpteur florentin, une nouvelle édition du texte de Vasari traduite et commentée par Louis Frank et Stefania Tullio Cataldo. Ces deux chercheurs ont effectué une analyse approfondie de ses œuvres grâce aux outils du XXIème siècle, montrant ainsi sa modernité. Dans ce livre, nous trouvons une mine de renseignements sur ce génie. Xavier Salmon, directeur du département des Arts Graphiques du Louvre, insiste dans sa préface sur l’importance du travail réalisé par ces deux auteurs donnant une vision renouvelée des sujets par la confrontation du texte avec les sources de l’époque. (Giorgio Vasari, Vie de Léonard de Vinci peintre et sculpteur florentin, 2019, p. 9)
D’autres écrits sont aussi parus dans le cadre du 500ème anniversaire de la mort de Léonard de Vinci dont les travaux de Frank Zöllner et Johannes Nathan.
Frank Zöllner a réalisé une thèse de doctorat d’État sur les études de mouvement de Léonard de Vinci (parue en 2010). Ce titulaire d’une chaire d’histoire de l’art médiéval et moderne à l’université de Leipzig depuis 1996, est l’auteur de nombreuses publications sur l’art et la théorie de l’art de la Renaissance et sur l’art du XXème siècle. Il a publié en 2019 Léonard de Vinci. Tout l’œuvre peint, catalogue raisonné synthétique de toutes ses peintures remarquables (chez Taschen). (https://www.taschen.com/pages/fr/catalogue/art/all/49356/facts.leonard_de_vinci_tout_luvre_peint.htm)
Avec Johannes Nathan dont la thèse de doctorat a porté sur les méthodes de travail de Léonard de Vinci, ils ont publié Léonard de Vinci. Tous les dessins, incluant la reproduction de 663 dessins de Léonard, études anatomiques, plans d’architecture, des dessins techniques complexes… (chez Taschen). (https://www.taschen.com/pages/fr/catalogue/art/all/05421/facts.leonard_de_vinci_tous_les_dessins.htm)
Johannes Nathan, auteur de nombreuses publications d’art, dirige la galerie Nathan Fine Art (Berlin et Zürich) et enseigne l’histoire de l’art à l’Université technique de Berlin. Grâce à ces deux chercheurs, nous pouvons admirer toute l’œuvre peinte et graphique de Léonard, l’ensemble de ses œuvres même celles disparues. Elles sont agrandies pour permettre de mieux apprécier la finesse des détails, d’admirer les subtilités des traits de pinceaux.
En conclusion, Léonard de Vinci a révolutionné l’histoire de l’art et son aura continue de rayonner sur le monde par l’immensité de sa création et par les écrivains, passeurs de mémoire, qui ont mis en valeur les mille-et-une facettes de son talent. Dans leurs livres, parus au fil des siècles, nous n’avons jamais fini de nous émerveiller de ce génie ; nous admirons son sens de l’observation, sa curiosité, ses trouvailles, la beauté et la force de ses créations artistiques, musicales, ses démonstrations mathématiques, ses connaissances en perspective et cette liste n’est pas exhaustive ! Oui Léonard de Vinci, surdoué et inventeur exceptionnel, reste indémodable. Un demi-millénaire est passé depuis la mort de Léonard de Vinci et nous n’avons jamais fini de le mettre à l’honneur comme ici, dans le jardin des Prébendes à Tours.
Catherine Réault-Crosnier
Juin / août 2020.
Bibliographie :
Ouvrages utilisés pour les citations :
– Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Poulet-Malassis et de Broise libraires-éditeurs, Paris, 1857, 252 pages.
– Gaston Luce, Les Roses dans l’Enclos, Le Colombier, Tours, 1963, 44 pages.
– Maurice Rollinat, Les Névroses, G. Charpentier, Paris, 1883, VIII + 399 pages.
– Gonzague Saint Bris, L’enfant de Vinci, éditions Bernard Grasset, Paris, 2005, 408 pages.
– Gonzague Saint Bris, Léonard de Vinci ou le génie du roi au Clos Lucé, éditions CLD – La Nouvelle République, Tours, 2005, 62 pages.
– Gonzague Saint Bris, Sur les pas de léonard de Vinci (illustrations de Philippe Lorin), Presses de la Renaissance, Paris, 2006, 107 pages.
– Georges Sand, Souvenirs et impressions littéraires, E. Dentu libraire, Paris, 1862, 323 pages.
– Gabriel Séailles, Léonard de Vinci, l’artiste et le savant, Perrin et Cie libraires-éditeurs, Paris, 1892, XV + 549 pages.
– Stendhal, Histoire de la peinture en Italie, Michel Lévy frères libraires-éditeurs, Paris, 1860, 432 pages.
– Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, Gallimard, Paris, 1957, 140 pages.
– Giorgio Vasari, Vie des peintres sculpteurs et architectes, traduites par Léopold Leclanché et commentées par Jeanron et Léopold Leclanché, tome quatrième, Just Tessier libraire-éditeur, Paris, 1839, XVI + 361 pages.
– Giorgio Vasari, Vie de Léonard de Vinci peintre et sculpteur florentin, version éditée, traduite et commentée par Louis Franck et Stefania Tullio Cataldo éditions Hazan, Paris, 2019, Musée du Louvre, Paris, 2019, 344 pages.
– Léonard de Vinci, Dessins anatomiques présentés par Pierre Huard, Les éditions Roger Dacosta, Paris, 1961, 208 pages.
– Léonard de Vinci, Éloge de l’œil, L’Arche éditeur, Paris, 2001, 59 pages
– Léonard de Vinci, Les Carnets de Léonard de Vinci, introduction, classement et notes par Edward Maccurdy, traduit de l’anglais et de l’italien par Louise Servicen, préface de Paul Valéry, éditions Gallimard, Paris, 2004, tome I 669 pages et tome II 593 pages.
– Léonard de Vinci, Maximes, fables et devinettes, traduites de l’italien et présentées par Christophe Mileschi, Arléa, Paris, 2001, 105 pages.
– Léonard de Vinci, Textes choisis, pensées, théories, préceptes, fables et facéties, avec une introduction par Péladan, Mercure de France, Paris, 1907, 384 pages.
– Léonard de Vinci, Traité de la peinture, Textes traduits et commentés par André Chastel, nouvelle édition revue, corrigée et augmentée par Christiane Lorgues, éditions Calmann-Lévy, Paris, 2003, 224 pages.
Sites Internet cités ou utilisés :
– http://www.vinci-closluce.com/
– http://www.crcrosnier.fr/articles/vinci-2019.htm (conférence de Catherine Réault-Crosnier, Léonard de Vinci, un écrivain énigmatique, lue le 20 octobre 2019 lors d’un moment littéraire organisé dans le cadre de l’exposition annuelle d’Art et Poésie de Touraine)
– https://renaissanceitalienne.wordpress.com/tag/croquis/
– http://agora.qc.ca/dossiers/Giorgio_Vasari
– http://www.crcrosnier.fr/mur1/pp1/dubreuil1.htm
– http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4802
– https://www.babelio.com/livres/Bramly-Leonard-de-Vinci/25395
Article de presse cité :
« Da Vinci : Dan Brown se trompe ! », interview de Laure Fagnart par Thierry Noël, La Nouvelle République du Centre Ouest du 22 mai 2006, page 9.
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