6èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES, À TOURS

Vendredi 27 août 2004, de 17 h 30 à 19 h

 

Loys MASSON

(1915 – 1969)

poète chrétien de la Résistance et de la solidarité

Portrait de Loys MASSON par Catherine RÉAULT-CROSNIER.

 

Loys MASSON est un poète de la Résistance connu au milieu du XXème siècle et dont les œuvres sont parues aux éditions Seghers. Ce poète est venu en Touraine, une première fois en 1940 (il y a connu alors sa future fiancée), une seconde fois pendant la guerre en 1943 et 1944, pour se cacher dans un château isolé et sans confort, à Thilouze. Ce château lui a servi de cadre pour son roman, « La douve ». Loys MASSON est donc un écrivain en rapport avec la Touraine et c’est en même temps un poète à réhabiliter car sa force d’écriture est à la fois troublante et surprenante.

Je remercie, son neveu, Jacques MASSON, conteur et cinéaste parisien ici présent, qui m’a encouragée dans ma démarche littéraire, étant très attaché à la mémoire de Loys MASSON ainsi que Monsieur François DE LANNOY, propriétaire du « Châtelet » à Thilouze où Loys MASSON a vécu plus d’un an. Je remercie également les sœurs de Paula Masson et les membres de leur famille présents aujourd’hui.

 

Cheminons sur le parcours de sa vie. Loys MASSON est né en 1915, à Rose-Hill dans l’île Maurice (Océan Indien). Son père y était établi comme avoué et était de nationalité britannique. Il adore sa mère, elle sera source pour lui, d’émotions intenses et d’inspiration profonde et elle lui transmettra sa foi chrétienne.

Loys MASSON a trois frères et trois sœurs. Il est l’aîné et son frère cadet est le peintre Hervé MASSON, père de Jacques MASSON ici présent.

Très bon élève et champion de boxe, il est évincé du collège pour coups sur un professeur.

Il écrit très tôt des poèmes. En 1937, il commence à publier ses poèmes dont « Fumées », d’inspiration verlainienne. Il veut oublier ce style qui fut le sien à cette époque car il pense que ces écrits ne sont pas significatifs de lui.

En 1938, paraît son premier livre de poésie sous le titre « Les Autres Nourritures ». Il y parle des maisons familiales successives où il a vécu et de sa maison natale. Le titre de ce livre ressemble à celui des « Nourritures terrestres » d’André GIDE et en effet, il y a des similitudes d’inspiration entre ces deux recueils. À cette époque, Loys MASSON est un fervent catholique bien qu’il ignore la théologie. Il croit avec le cœur, pour le sens de l’idéal ce qui donne à ses poèmes, une force inhabituelle.

Il vit de petits métiers dont peseur de canne à sucre, employé de banque, pour faire vivre sa famille.

À l’île Maurice, certains croient à son talent de poète et veulent qu’il soit connu en France. Ils ouvrent une souscription pour lui payer son voyage car il n’a pas d’argent d’avance. Il travaille en plus, fait des conférences pour compléter la somme et finit par pouvoir acheter son billet du trajet en bateau. En 1939, il part pour la France.

Cette chance est à double tranchant puisqu’il arrive en France le jour de la mobilisation. Le 19 août 1939, dans un Paris sombre, il est là, accablé, sans argent dans un pays où la guerre est déclarée. Le drame de la guerre le bouleverse et il essaie de s’engager mais les Anglais ne veulent pas de cet Anglais des colonies et les Français de ce citoyen anglais. Il s’engage donc dans la Légion Étrangère pendant l’hiver 1939. Réformé pour problèmes de santé en 1940, il retourne à Paris où il vit du strict minimum, une baguette de pain et un café crème par jour mais il se nourrit de passion littéraire. Il profite de ce temps pour écrire en particulier le début de « L’Illustre Thomas Wilson » qui reflète une énergie et une fantaisie étonnantes en ce temps de misère. C’était sa manière de s’évader, de se libérer de son univers quotidien.

En 1940, c’est l’exode. Il se réfugie à Tours, dans une famille ayant un lien de parenté éloigné avec la sienne. Il y fait la connaissance de Paula SLAWESKA avec laquelle il se fiancera. Elle est la correspondante d’une de ses sœurs. Puis il repart en exode à Lyon avec sa famille et entre dans la clandestinité dès l’armistice.

En 1941, il fait la connaissance de Pierre SEGHERS qui l’emploie comme secrétaire de rédaction de « Poésies 41 ». Il publie un appel à la révolte dans « Esprit », avec son tout premier poème de la Résistance « Notre-Dame des Exodes ».

En 1942, il fait paraître, « Délivrez-nous du mal » aux éditions Seghers.

Il se marie religieusement avec Paula SLAWESKA car n’étant pas de nationalité française mais britannique, il ne peut se marier civilement.

En 1943, pour ne pas être arrêté, il se réfugie avec sa femme, dans un château inhabité, « Le Châtelet », à deux kilomètres du bourg de Thilouze, sur la route de Sorigny, en Touraine :

Le Châtelet à Thilouze, où Loys MASSON s'est réfugié d'avril 1943 à septembre 1944.

Le Châtelet à Thilouze, où Loys MASSON s'est réfugié d'avril 1943 à septembre 1944.
(photographie mise en ligne avec l'aimable autorisation de M. François DE LANNOY, actuel propriétaire)

« Plus ou moins condamnés à mort par les nazis, recherchés – traqués dans chaque ombre – ma femme, Paula, et moi avions quitté Villeneuve-lès-Avignon en mai de l’année précédente [1943]. N’ayant pour toute arme que la colère et un peu d’orgueil et un petit revolver avec seize balles, nous nous étions réfugiés dans ce châtelet délabré, adossé à sa futaie, sans meuble et sans lumière, prisonnier de sa douve et de sa mélancolie. » (« Les mutins », p. 9, préface)

Le grand-père de Monsieur François DE LANNOY, était à l’époque propriétaire du « Chatelet ». Soigné pour une sciatique, il a fait la connaissance de Monsieur SLAWESKI, kinésithérapeute à Tours. Devenus amis, le propriétaire prêtait les clés du « Châtelet » à la famille SLAWESKI dans les années 1930. Monsieur SLAWESKI est alors venu avec ses filles et Loys MASSON a pu y être hébergé avec Paula en 1943. Loys MASSON dormait sur un lit de camp américain que Monsieur François de LANNOY a conservé en souvenir de lui. Loys et Paula MASSON étaient alors nourris par les fermiers du château, la famille SIROTEAU.

En 1943, Loys MASSON fait publier à Genève « Poèmes d’ici » (car ses poèmes étaient interdits de publication en France alors) puis « Icare » (1950), « Les vignes de septembre » (1955). À partir de 1945, suivent des romans dont voici les plus connus : « L’étoile et la clef » (aux éditions Gallimard en 1945), « Les mutins » (aux éditions de la paix, 1951), « Les tortues » (1956), « La douve » (1957).

En 1945, il devient secrétaire du Comité National des écrivains et se marie civilement.

En 1946, il est rédacteur en chef des « Lettres françaises », hebdomadaire sans doute de tendance communiste large d’esprit. Son engagement communiste n’était pas pour lui, incompatible avec sa foi chrétienne transmise par sa mère.

En 1948, il abandonne le journalisme. Il sort son livre « L’Illustre Thomas Wilson » qui est un divertissement illustré de sept lithographies originales de Fernand LÉGER.

En 1951, Il écrit « Le pape », pièce en sept tableaux dont la version radiophonique obtint le prix Carlos-Larronde donné par l’Union des Arts de la Radio et de la Télévision pour le meilleur texte de l’année 1959. (Poètes d’aujourd’hui, p. 84)

Son talent littéraire est vaste puisque Loys MASSON a aussi écrit des pièces de théâtre dont « La résurrection des corps » (1952), « Christobal de Lugo » (1960).

En 1953, son livre « Poème-dialogue de la résurrection » est illustré de sérigraphies en couleurs de Francis BOTT (éditions Caractères).

En 1955, il a un fils Grégoire (aujourd’hui décédé).

En 1958, il publie le roman « Les sexes foudroyés » aux éditions Robert Laffont.

Il n’a pas dédaigné d’utiliser les moyens de son temps, dont la radio pour laquelle il a écrit de nombreuses œuvres dramatiques et littéraires, des cantates, un opéra bouffe. Deux de ses pièces « Christophe C… » (1955) et « Christobal de Lugo » ont été représentées à la télévision.

Son roman, « Le Notaire des Noirs » obtient le Prix des Deux Magots en 1962, Son livre de poèmes, « La Dame de Pavoux », le prix Arthaud en 1966.

Le prix Del Ducca lui a été attribué pour l’ensemble de son œuvre en 1962.

Loys Masson est décédé le 29 octobre 1969, à Paris ; il est enterré au cimetière de Pantin (93).

 

Son portrait :

Loys MASSON veut être le porte-parole d’une énorme liberté, celle des hommes qui ne l’ont pas encore trouvée ; il est l’homme de la colère et des violences mais aussi celui des tendresses. Il veut rester spontané.

Durant l’été 1941, le poète Claude ROY l’a rencontré en Provence lors d’un congrès d’écrivains et de musiciens, et le décrit ainsi :

« Un seul de ces poètes-poètes était de couleur grise, gris de peau, gris de mauvais papier mâché, gris de ventre très creux, gris tirant sur le blême-vert. Il ne prononçait pas les « r », avait des yeux d’enfant, il nous tombait du ciel, c’était Loys Masson. » (Poètes d’aujourd’hui, p. 24)

Le poète catholique, Pierre EMMANUEL, précise en 1943 :

« Avec une tremblante, une amoureuse familiarité, ne chemine-t-il pas côte à côte avec Dieu, compagnon fraternel des soirs de lutte ? (…) Loys Masson se sent le contemporain du Christ (…) » (Poètes d’aujourd’hui, p. 42)

En 1943, ARAGON prend position au sujet de sa poésie :

« Poésie optimiste qui cherche le bien… Poésie dangereuse pour ceux qui ont intérêt à la conservation du mal, pour ceux qui font du mal leur rayon, leur théâtre et leur boutique. » (Poètes d’aujourd’hui, p. 54)

Sa double appartenance à l’église catholique et au parti communiste lui a occasionné bien des difficultés mais il est resté loyal envers ses idéaux et fidèle à lui-même. Sa foi lui a été inculquée par sa mère et est pratiquement viscérale ; de même est sincère son appartenance politique venue de ses convictions face à la misère et l’injustice envers les petits.

 

Son œuvre :

Ses livres sont presque tous imprégnés de l’atmosphère de son île natale. Il s’est fait tout d’abord connaître comme poète (« Délivrez-nous du mal », « Chroniques de la grande nuit », « Quatorze poèmes du cœur vieillissant », « La Dame de Pavoux »…) puis comme essayiste au sujet d’un christianisme social : « Pour une église » (1946). Enfin il fut aussi romancier traduisant dans ses livres, ses convictions religieuses chrétiennes, narrant son expérience de résistant et montrant son appartenance à son île dans la plupart de ses livres comme : « L’Étoile et la clef » (aux éditions Gallimard en 1945) où il évoque les habitants de l’île Maurice tout en dévoilant son instinct de révolte sous les traits du héros, ce « petit Barnèse » (p. 141) qui lui ressemble, « Le requis civil » (1946), « Les Mutins » (1951), « Les Tortues » (1956), « Le Notaire des Noirs » (1961), « Les Noces de la vanille » (1962)… L’empreinte mystique est une autre caractéristique de l’ensemble de l’œuvre de Loys MASSON, trace de son amour envers sa mère profondément catholique, trace aussi de l’influence sur lui, de son frère et romancier, André MASSON qui alla au séminaire.

La magie domine dans ses écrits, en particulier dans « Le Notaire des Noirs », « Les Anges noirs du Trône » (1969), « La Résurrection des Corps » (1952), « Christobal de Lugo » (1960).

 

Loys MASSON a écrit son roman « Les Mutins » à Thilouze, pendant les périodes noires de l’occupation. Ce document a été caché, enterré, déterré dans la futaie derrière Le Châtelet (p. 11 à 14 de la préface) pour finalement paraître en 1951. C’est un récit poétique et « réaliste », associé à une affabulation romanesque ce qui donne une association inhabituelle. Le côté mystique de Loys MASSON y est présent sous forme d’une épopée un peu comme à l’époque médiévale empreinte d’une poésie sous forme d’images :

« Toute la nuit une grande lune occupait le ciel. Elle roulait entre des vapeurs roses, parfois à moitié cachée, parfois épanouie, radieuse comme un visage de sainte. Et les étoiles naviguaient doucement sous son menton, d’un bout de ciel à l’autre. » (p. 169)

Un brick « La Marie Longue » vogue quelque part dans les mers du Sud et cingle au secours d’une ville qui s’est révoltée contre ses oppresseurs. Ici le mysticisme naïf domine, empreint de sensualité, d’humour ingénu, emportant le lecteur dans un monde exotique :

« Je croyais entendre, par instants, derrière la voûte de silence, le chant des anges. » (p 147)

Selon Jean MAUDUIT dans Témoignage chrétien, c’est aussi « un itinéraire poétique et spirituel », selon Edmond HUMEAU et Max-Pol FOUCHET, c’est « une réplique fortement burinée du « Bateau ivre » », selon Étienne LALOU, ce roman est « dans la lignée d’Herman MELVILLE ». (extrait d’un journal de l’époque)

Cette aventure maritime vécue par une équipe de marins pêcheurs s’envole en des échappées mystérieuses vers des régions de l’âme inconnues du commun des mortels :

« J’ai tout perdu le temps d’un battement d’yeux. » (p. 7)

La volonté profonde des personnages est noyée dans la brume, pour jeter sa mémoire par-dessus le bord, se séparer d’un passé lourd, conquérir la liberté de l’âme.

Le récit finit mal pour les mutins et la Marvellie sera restée dans le domaine des inaccessibles. Cette façon d’embrasser le monde dans sa totalité est l’une des caractéristiques de cet écrivain, du sordide absolu jusqu’à l’absolu de la lumière, de la vulgarité complète jusqu’à la poésie la plus exquise comme par exemple :

« Nous sommes plus éternels que l’attente… » (p. 234)

 

« Les Tortues » (1956) est certainement le livre le plus connu de cet auteur. Dans celui-ci, le « climat généralement mêlé de réalisme exotique et de symbolisme étrange » caractérise l’univers romanesque de cet écrivain, nous dit Pierre-Henri Simon (cité par Pierre Drachline). La trame de l’histoire est étrange : il s’agit d’un vieil homme qui attend que la mort le délivre de ses cauchemars éveillés et qui se distrait en tuant des tortues car elles sont pour lui, le symbole de son dernier voyage en mer pendant lequel la variole a décimé l’équipage de « La Rose-de-Mahé » qui transportait des tortues géantes. L’angoisse y est omniprésente, entremêlée de poésie et d’images admirables par exemple à travers des symboles comme un chandelier qui flotte dans le ciel :

« Devant moi, glorieux, le chandelier était réapparu. J’eus un éblouissement. Pour un peu j’aurais crié. Aux sept branches des bougies noires, des bougies de sorcier étaient allumées… » (p. 65)

De même les symboles sont omniprésents dans la poursuite du Bombay Noon, un bateau noir comme la mort précurseur du désastre et la lente progression inexorable de celui-ci :

« Dans mon pays les cyclones s’annoncent plusieurs jours à l’avance. Ils dépêchent dans le ciel un chambellan de rouge au couchant. C’est le charitable ; le préfacier. Cette pourpre de nuage qu’il étend à longs plis lâches est paisible et riche au possible. (…) Nous étions aux limites de l’oasis où le sable recommence à s’amonceler en mamelons de la soif. » (p. 107 et 108)

Le carnage de la mort n’est-il pas le miroir du carnage que cet auteur a vécu pendant la seconde guerre mondiale ? Il peut en partie expliquer ses visions de cauchemar avec sa hantise du dilemme entre le bien et le mal comme dans ce passage où les répétitions ne font qu’accentuer l’angoisse du moment :

« Il y a un grand puits où je tombe. Des tortues et des tortues et des tortues, des tortues. Est-ce que je vis ou est-ce que je suis mort ? Satan est-il tortue, Dieu est-il tortue ?… » (p. 116)

Ou bien encore quand il recherche des images fantastiques :

« Je m’inventais des marins sans tête et des chandeliers-couperets : le délire, grande dimension ! » (p. 69)

Une autre vision d’un monde angoissant, une manière de se décharger des images de la guerre ? Il est difficile de le savoir mais l’auteur en tire des leçons pour réfléchir au sens de la vie, à notre fragilité, à la mort, passage obligatoire pour l’homme. Ce livre est un témoignage de la nostalgie de son enfance et de son attachement à sa terre natale, sorte de paradis perdu, à travers de nombreuses évocations exotiques et poétiques dont voici plusieurs exemples :

« Au printemps, quand la terre rouge de mon pays est ointe d’une huile de grâce et qu’il faut, plant après plant, nouer ces fleurs au pollen trop timide pour qu’il y entreprenne lui-même la tâche de fécondation, je propose mes services aux planteurs. » (p. 9)

« C’était le champ de manioc s’étendant à droite de notre maison vers un bouquet d’eucalyptus d’un vert si vif après la pluie qu’il paraissait, libéré d’attaches, danser tout droit. » (p. 15)

« Dans le ciel il y a un grand arbre, un manguier dont les mangues sont si mûres qu’il ne se passera pas deux ou trois jours sans qu’elles tombent. » (p. 125)

Pour Loys MASSON profondément catholique, la perte de sa terre natale est peut-être le symbole d’une première mort à lui-même. S’y ajoutent l’image d’une rédemption passant par la douleur obligatoire, sorte de purification mystique :

« L’aube se leva dans un ciel rouge. Il y flottait ce sang qui stagne toujours après les orages de nuit, comme si la vieille nuit avait été blessée. » (p. 161)

« Il y a du Satan en elle [la création], et du pire : l’humilié, le fermé comme poing et pierre. Comparé à elle [la création], le serpent lui-même est une bête « avouée ». (p. 14)

La présence du mal est contrebalancée par celle de la paix de Dieu, comme le montre l’opposition d’extraits de ce livre :

« Il est vraiment des jeux dont le diable est l’arbitre. » (p. 150)

« L’archange du sommeil se dissipa, et fondit sa longue épée pacifique. » (p. 134)

Livre étonnant puisqu’il reste toujours un élan vital même à travers les parties les plus sombres de ce roman !

« Pourquoi avancer et jusqu’où, vers quel rivage ? » (p. 239)

 

« Le Notaire des Noirs » a des points communs avec le livre précédent : souvenirs à bannir, confrontation des hommes, huit clos.

L’exotisme teinté de poésie est une idée maîtresse de cette œuvre ; les idées sont des « mangues mûres » où s’admire « l’éclat gris-rose de la pluie sur un champ d’ananas. » (cité par Éric Dussert). Ce livre baigne dans la nostalgie de la terre natale omniprésente dans son absence comme dans ces expressions exotiques :

« (…) cette fleur de corail (…) » (p. 8)

« (…) une joie passait dans ses yeux, tel un cri étouffé de martin-pêcheur, les jours de brouillard, dans les lataniers de la rivière. » (p. 15)

« Nous étions revenus de l’Île-aux-Flamants juste à l’heure du soleil ruiné, comme disait ma mère (…) » (p. 63)

« Nous sommes en cette saison où la nature est caresse. Les feuilles des eucalyptus, des manguiers, des jacquiers – les fragiles bras en manches trop amples des papayers – racontent l’histoire du vert en ses origines. » (p. 204)

Ici, l’action se noue chez les Galantie, un couple stérile qui se déchire en silence :

« Mon veston étriqué m’étouffe. Je payerais beaucoup pour ne pas être ce petit notaire dans ses souliers noirs. » (p. 37)

Un enfant entouré de ces êtres féroces meurt de comprendre que son père ne correspond pas à l’image qu’il s’en est fait. C’est un escroc et non un être de rêve. L’enfant en a perdu le goût de la vie :

« Il n’y a qu’un enfant qui ne veut pas vivre, qui n’a aucune raison de continuer à vivre. » (p. 219)

« Il ne me regardait pas. Il ne regardait personne, ni rien qui ne fût pas ce rêve à jamais éteint. » (p. 238)

« La mort devenait le seul départ. Au fond, c’est la mort qui fut charitable et c’est la vie qui était la chienne… » (p. 61)

Le pessimisme, le sombre de la pensée s’étale au grand jour avec par exemple, « L’araignée du silence me marchait sur la peau. » (cité par Éric Dussert)

Ce livre a des similitudes avec « La mort de Tintagiles », pièce de théâtre de Maurice MAETERLINCK où l’histoire se passe aussi dans un château et où l’enfant après avoir crié sa peur de l’incompréhension, finit par mourir sans que personne ne puisse le sauver.

 

Son roman « La douve » retrace sa vie de clandestin en 1944 et 1945, dans le château, « Le Châtelet » de Thilouze (Indre-et-Loire) d’une manière détournée, par le biais d’images symboliques comme la magie de l’eau immobile, troublante que constitue la douve, large surface d’eau qui entoure le château, pour à la fois le protéger et l’emprisonner, comme sa vie à lui.

« Le Châtelet » a été construit vers 1300 puis reconstruit vers 1520. C’est un superbe château fortifié qui possède quatre tours d’angle couvertes d’un toit en poivrière en ardoise. Installé sur une motte féodale aplanie, « Le Châtelet » est un beau témoignage de la Renaissance ; il est entouré de larges douves en eau. Ce lieu est à cinq kilomètres de Saché et Balzac a aussi été inspiré par Thilouze en particulier dans l’un de ses contes drolatiques, « La Pucelle de Thilouze ». Rabelais est né pas très loin, en la maison de la Devinière, près de Chinon. Ainsi ce coin de Touraine a inspiré plusieurs écrivains connus. Loys MASSON vit là, au « Châtelet », pendant plus d’un an entre avril 1943 et septembre 1944, dans un état de total dénuement qui peut expliquer en partie le caractère sombre et profond de ses écrits à l’origine de son roman « La douve ».

L’histoire est celle d’un écrivain condamné par la maladie et qui se réfugie dans ce château pour écrire avant de mourir, une grande œuvre. Ce roman est aussi un chemin de croix, une confession, une tragédie. « La douve » est le titre de ce roman et le leitmotiv, le fil conducteur qui relie tous les faits. Elle permet à l’auteur d’exprimer ses sentiments :

« C’est la moitié de l’allée parcourue qu’il commença à distinguer la douve, que la douceur, l’étonnante douceur de la douve lui caressa les yeux. C’était un bracelet d’argent terni sur monture d’ormeaux. Des arbres mirés et de la vieille boue y entretenaient une éternité ; et bien qu’il ne fût plus levis depuis des siècles, un pont de bois accrochait ici une résonance du passé. Derrière le château auquel il menait, c’était la futaie tout de suite noble et dense et légendaire. » (p. 10)

Cette description est bien réelle mais Loys MASSON la transforme avec son imagination pour rendre l’émotion poétique qu’il a perçue en ces lieux avec par exemple :

« Les moindres de mes pas éveillait une musique. Des verbes brûlaient ; d’autres avaient la peau douce des formes rêvées. » (p. 35)

Mais le retour à la réalité était tout autre avec :

« J’ai tout laissé pourrir. J’ai un cancer de surcroît. (…) Trop avancé. Inopérable… » (p. 35)

Dans cette course entre la vie et la mort, la douve, présence concrète encerclant presque le château, est omniprésente :

« Elle apaise, donne du mou, ordonne. Plus rien du jeu du cygne et du milan mais un infini renversement de la création, et cette création renversée écrit mon histoire. » (p. 39 et 40)

« Au rond de la douve. Mon enfant, ma femme auraient beau m’appeler, c’est la douve qui entendrait. Elle qui répondrait. » (p. 45)

« Tout ce que j’aime est étreint par la douve ; épousé – et de longs peintres aux mains de silence et d’eau l’affinent jusqu’à l’invisible. » (p. 257)

Un peu à la manière de Maurice Maeterlinck où dans « La princesse Maleine », la clef et la porte sont deux symboles, il y a ici aussi, une énigme à résoudre :

« Vous avez la clef. Vous êtes aussi la porte. Il n’en est pas d’autre. » (p. 107)

L’eau qui peut être signe de pureté, de limpidité, si elle est trouble, renvoie une autre vision de la vie :

« La nuit chaque soir aborde dans son eau sale, m’aborde dans mon eau sale. L’homme-douve. La femme, l’enfant à la douve… » (p. 258)

La mort proche par la guerre, est présente sans cesse à l’état latent dans ce roman :

« Car il n’y a plus de dignité ni d’indignité dans la mort : il n’y a que la mort. Il n’y a qu’un grand vent. » (p. 265 et 266)

« Une grande double pourriture ; la mienne si mêlée à la tienne que lorsque tu ressusciteras je me lèverai avec toi. Et si tu es vraiment amour, je serai guéri. » (p. 270)

Mais avec Loys MASSON, toute mort est en relation avec un espoir fou, celui de sa foi enracinée au plus profond de lui-même et alors l’eau trouble de la douve peut contenir un germe d’espoir au plus sombre de la narration.

 

Sa poésie :

De toute beauté, sa poésie est presque introuvable en dehors d’un hasard, dans une fête du livre ancien, chez un bouquiniste ou dans une bibliothèque. C’est d’ailleurs à une fête du livre, rue Colbert à Tours en juin 2003, que j’ai déniché « Loys MASSON » dans la collection « Poètes d’aujourd’hui » de l’éditeur Pierre Seghers.

En 1940, Loys MASSON chante en poésie libre, son amour naissant sans oublier la douleur de la France et de l’exode ; le contraste de ces deux sentiments rend encore plus poignant chacun :

« Paula c’est le soir lentement et les mêmes clartés l’Aigle et la Lyre et le Berger et Véga
Gardez-moi de la malencontre des chacals qui hantent le pays bas !
Je vous aime. De vos mains sur mes mains glissent les ciments d’une cité
où l’homme est frère de l’homme et berce dans le froment la liberté
 »

(Poèmes pour Paula, Poètes d’aujourd’hui, p. 125)

Cet extrait est caractéristique du style de Loys MASSON, mêlant spontanément l’amour romantique et champêtre à la hantise de la guerre toute proche avec les « chacals qui hantent le pays » et à sa soif intarissable de justice et de liberté avec l’expression de la fraternité, « où l’homme est frère de l’homme » et l’expression de la douceur de la liberté qui vient comme une caresse finale pour bercer l’homme « dans le froment de la liberté ».

Bien sûr, Loys MASSON peut aussi parler de son amour exclusivement, oubliant pour un court temps, sous le feu de la passion, la folie meurtrière :

« Tu es le beau clair de l’arbre après l’ondée
tu es la flamme droite
le reflet bracelet au poignet de l’étang…
le silence aux chaudes plumes sous la haie
. »

(Poètes d’aujourd’hui, p. 31 et 32)

« Mon amour vous ressuscitez le printemps en hiver par tout ce qui dans votre nom s’agite de roseaux… »

(Poèmes du voyage en chemin de fer, Poètes d’aujourd’hui, p. 74)

L’opposition entre son bonheur avec Paula et le malheur de la France, renforce chacun de ses deux sentiments. Après l’armistice, il franchit la ligne de démarcation et fait à pied, la route entre Loches et Clermont-Ferrand. Il écrira un peu plus tard, à ce sujet, « Notre-Dame des exodes » qui est peut-être le premier poème de la Résistance :

« Daignez accepter, Mère, la dédicace des tueries
les femmes écartelées et les fossés sanglants
et tant de gosses à jamais disparus
tant de corps éventrés comme des maisons…
Voyez. Des tumulus sans croix sont en lisière des champs :
sous les doigts souples de la brume ils deviennent les grains d’un chapelet…
Hérode, Mère, est immortel. Priez pour nous.
 »

(Poètes d’aujourd’hui, p. 22)

Cette prière est émouvante à bien des égards. Loys MASSON s’adresse à Marie, un peu à la manière de Paul CLAUDEL (1878–1955) que cet écrivain connaissait personnellement, ou de Charles PÉGUY (1873–1914). De plus, le contexte de la mort d’innocents donne à sa supplication, une intensité étonnante.

On connaît également de Masson une très belle « Prière pour la France » qui ne put paraître en zone libre et qu’il publia en Suisse dans un petit volume « Poèmes d’ici », interdit en France, on devine pour quelle raison :

« (…) Les hordes sans visage sont venues
paître la chair de ma patrie
poussant leurs poteaux de torture, charriant
leurs ciels crénelés de haine,
où la nuit est en armes.
Et le printemps pourrit sous le chiendent des prés.
Christ vois ta face, ta face de France souffletée par les manants…
 »

(cité par Louis Parrot dans L’intelligence en guerre, p. 247)

Oui, Loys MASSON ne restera jamais indifférent devant les crimes commis mais cela ne l’empêchera pas d’apprécier la beauté de la nature et plus particulièrement de la Touraine, y mêlant une connotation mystique volontairement pour affirmer sa foi :

« J’aperçois loin un pays de Touraine et il y a une aube verte posée sur une meule de foin et auprès il y a ma prière ma fiancée
Elle est debout contre l’aurore et elle est un grand ave.
 »

(L’Angélus, Poètes d’aujourd’hui, p. 24)

Loys Masson aime inventer des formes originales pour mettre en valeur la nature comme « L’oiseau pareil à la groseille le troglodyte » (Poètes d’aujourd’hui, p. 137), « le bateau des feuilles mortes » pour symboliser l’automne (Poètes d’aujourd’hui, p. 143) « un soleil de miel » côtoyant « des rouges-gorges » (Poètes d’aujourd’hui, p. 170)

Si cet écrivain est ému par la nature, il ne peut oublier celle de son pays d’origine, l’Île Maurice et son attirance pour la mer, donnant une connotation romantique à sa poésie :

« On vit une terre basse avec un poil de brouillard
coupé ras sur la falaise et un fleuve qui lançait
ses galets dans la mer.
 »

(Le grand yacht Despair, Poètes d’aujourd’hui, p. 105)

Cet écrivain voudrait partir vers un ailleurs un peu à la manière d’Arthur Rimbaud, dans « Le bateau ivre » pour refaire le monde ou peut-être retourner au pays natal devenu par l’imagination un paradis inaccessible :

« Partir… partir… il leur faut la lance pour que la Passion s’accomplisse :
un cœur déchiré – et cette éponge de fiel, ma bouche…
Mais non, ils s’éloignent, je suis passager d’un autre navire
la barque du Non-Être avec ses rameurs invisibles.

(…)

Je vous aime – je suis Loys Masson
Le poète de la tendresse, de vous, et de la révolution. »

(Éloge de l’automne, Poètes d’aujourd’hui, p. 144 et 146)

Malgré son amour pour Paula, Loys MASSON reste sombre. Peut-être l’empreinte creusée par la guerre, lui a-t-elle laissé un souvenir trop dur ainsi que la nostalgie de son pays natal comme un grand vide que personne ne puisse combler ? Dans tous les cas, son pessimisme parfois effacé par la foi ou l’amour, resurgit toujours en une poésie macabre et poignante :

« Voici le temps où les morts rejettent leur pourriture et descendent vers les villages à pas de brume doucement comme des loups,
et ils sont nus et ils vont en troupe parce qu’ils ont honte de leurs vivants, et la petite lune est sur la place du marché comme une sentinelle.
Respect, respect à eux ! Que celui qui a un mort pense à son mort, et celui qui n’en a pas qu’il trace une bienvenue sur sa porte.
Respect aux cœurs où l’obus a imprimé sa mâchoire rouge, au premier et au dernier tué

(...)

Mon frère voici le temps où ton mort rejette sa mort et descend vers ta maison et sonne à la grande cloche le rappel des frères :
Ne laisse pas clouer le cercueil.
 »

(Les morts terriens, Poètes d’aujourd’hui, p. 114 et 116)

 

De nombreuses études lui ont été consacrées dont une de Louis PARROT dans « L’intelligence en guerre » (en 1945), une de Claude ROY en 1949, une de Jean ROUSSELOT en 1952, et plus récemment, une thèse de doctorat de Norbert LOUIS, intitulée « Des Lettres françaises à l’île Maurice : Loys Masson ou la nostalgie du retour » en 1996.

Louis PARROT est un contemporain de ce poète. Dans son livre « L’intelligence en guerre » qui est un panorama de la pensée française dans la clandestinité, il cite Loys MASSON :

« Loys Masson qui nous était venu peu avant la guerre de l’île Maurice, avec son passeport anglais et dont Pierre Seghers avait fait la connaissance par l’intermédiaire de sa revue, habitait à Villeneuve-lès-Avignon. Il se chargea du secrétariat de Poésie 41 jusqu’au jour où il dut quitter Villeneuve à la suite de la publication de poèmes extrêmement violents qui flétrissaient l’attitude des occupants. Il trouva alors asile en Touraine où il poursuivit une œuvre dont nous n’avons vu jusqu’ici que de très beaux fragments. Ce jeune poète, l’un des plus doués à coup sûr, de sa génération donnait aux Lettres clandestines un émouvant hommage aux « Otages de Châteaubriand ».

« - Ils ne s’en sont pas allés dormir dans la luzerne, deux à deux, comme des ouvriers fatigués… ». Nous devions plus tard lire de lui dans le Domaine français publié par Jean Lescure en Suisse ces autres vers :

L’histoire des martyrs français n’est pas une légende, je la lis dans vos mains
de hauts faits d’armes sans armes que nos peupliers déjà racontent,

Une pression de vos doigts c’est le plomb d’une balle qu’on fait fondre.
Amour mon amour où me vient ma patrie
Amour constellé de la rosée des prairies…
 »

(p. 246 et 247, L’intelligence en guerre de Louis PARROT)

 

Loys MASSON nous étonne par la diversité de ses styles d’écriture avec cependant, une ligne de conduite, expression de son mysticisme contrastant avec ses idées politique de gauche. Sa diversité se retrouve dans les différents modes abordés, de la poésie en premier pendant toute sa vie, avec des phases où il a privilégié les romans ou les pièces de théâtre. Son côté sombre est indéniable mais il peut aussi dégager de la fantaisie. Ses poèmes ont eu beaucoup de succès et ont été traduits en de nombreuses langues étrangères ainsi que plusieurs de ses romans. Sa manière d’écrire ressemble à un rite initiatique, des épreuves par lesquelles il faut passer sans toujours en comprendre le sens, des épreuves faites pour faire réfléchir mais qui peuvent aussi conduire à une impasse. Alors il reste le rêve ou la folie pour en sortir et les images féeriques que Loys MASSON utilisent à outrance pour secouer l’angoisse qui le domine. Les métaphores lui servent de passerelles pour monter plus haut et s’évader :

« Vous êtes venue, il faisait un temps d’anémone au temps où nous nous sommes connus

(…)

Des larmes gouttent des haies devant les attelages fourbus
qui traînent battant aux ridelles aux essieux les chaînes du vaincu.

(…)

Galérien je serai si dans ma galère est entravé mon pays
S’il rame sous les coups je ramerai
Mais vivant de vous et me souvenant de vos bras où j’ai dormi sur mes paysages inviolés.
 »

(Poème pour Paula, Poètes d’aujourd’hui, p. 124 et 125)

 

Même si pour Loys MASSON, la vie paraît galère, ses mots nous bercent de leur cri puissant, qu’il soit chant d’amour, horreur devant la cruauté de la mort, souffle de beauté devant les paysages. La Touraine où il a vécu, se devait de lui rendre hommage. À Villeneuve-lès-Avignon, une rue et une place portent le nom de cet écrivain, pourquoi pas bientôt en Touraine ?

Loys MASSON est poète dans l’âme, à travers tous ses écrits. Que son message de liberté, de fraternité, par le biais de cette rencontre littéraire, vienne encore jusqu’à nous !

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

 

Bibliographie :

BOOLELL Shakuntala, CLIFFORD CUNNIAH Bruno et LOUIS Norbert, « MASSON Loys, Entre Nord et Sud : Les terres d’écriture », éditions Le printemps, Île Maurice, 1997, 160 pages

DRACHLINE Pierre, Présentation du livre « Les tortues » de Loys Masson, site Internet du Salon du livre insulaire, rubrique Le monde des Livres du 3 décembre 1999, publié sur Internet : http://perso.club-internet.fr/jacbayle/livres/Nouveau/MassonL2.html (consulté le 28 juillet 2003)

DUSSERT Éric, Présentation des livres « Les tortues » et « Le Notaire des Noirs », Article paru dans Le Matricule des Anges n° 030, mars-mai 2000, et publié sur Internet : http://www.lelibraire.com/din/tit.php?Id=6491 (consulté le 28 juillet 2003)

MASSON Loys, Les Tortues, éditions Robert Laffont, Paris, 1956, 287 pages

MASSON Loys, La douve, éditions Robert Laffont, 1957, Paris, 270 pages

MASSON Loys, Les mutins, éditions Robert Laffont, Paris, 1959, 234 pages

MASSON Loys, Le Notaire des Noirs, éditions Robert Laffont, Paris, 1961, 255 pages

MOULIN Charles, Loys MASSON, poètes d’aujourd’hui, éditions Pierre Seghers, Paris, 1962, 211 pages

PARROT Louis, L’intelligence en guerre, éditions La jeune Parque, Paris, 1945, 367 pages

VALABREQUE Frédéric, Mauvais sang (présentation du livre « Les tortues » de Loys Masson), journal l’Humanité, rubrique Culture, édition du 9 décembre 1999 ; publié sur Internet : http://www.humanite.presse.fr/popup_print.php3?id_article=300953 (consulté le 28 juillet 2003)

 

 

Réponse de Jacques MASSON,
neveu de Loys MASSON

 

Je voudrais remercier Madame Réault-Crosnier, pour cette manifestation, pour ce travail, pour cette recherche.

Le roman de Loys Masson, « Le Notaire des Noirs » est paru à 15 000 exemplaires. Il a été réédité en livre de poche à 50 000 exemplaires et je voulais dire que ce livre a été adapté pour la télévision et que l’acteur principal était Roger Hanin. D’ailleurs, la première pièce de théâtre dans laquelle Roger Hanin avait un grand rôle, est une pièce de Loys qui s’appelle « La Résurrection des Corps ». Il a mis le pied à l’étrier à Roger.

À propos de « gris », quand Claude Roy a dit : « J’ai vu un homme gris, (…), gris de peau. », il faut préciser que Loys était un blanc. On aurait pu imaginer qu’il était gris de peau ce qui n’était pas le cas.

Loys a été déçu par les promesses non tenues. Il était chrétien et était au parti communiste. Il a été le premier rédacteur en chef des Lettres Françaises qui était une revue du parti communiste. Il s’est fait véritablement jeter des Lettres Françaises, puis un autre rédacteur a pris sa place, puis Aragon a pris la direction des Lettres Françaises. Il a été extrêmement meurtri de cela. En fait, il a été exclu du parti communiste parce qu’il était chrétien et qu’il voulait donner quelques idées chrétiennes au parti et cela a été très, très mal vu, et il a juré qu’il ne serait plus jamais dans un courant politique et il a tenu promesse. Il ne s’intéressait plus à la politique, il s’intéressait à la littérature qu’il faisait. Il lisait un journal populaire France-Soir.

Son dernier livre de poèmes s’appelle « La Croix de la Rose Rouge » qui a été édité par Robert Morel. Celui-ci avait fait aussi des éditions de célébrations, célébration du rouge-gorge, célébration de la chouette ; Loys s’est inspiré de sa vie à Thilouze où il avait apprivoisé une chouette. Donc Robert Morel a édité le dernier livre de poèmes de Loys Masson, et en préface, Loys disait qu’il n’écrirait plus jamais de poèmes. Et moi, j’ai fait un film sur lui au moment où ce livre est sorti, et il l’a dit dans le film. Il est mort un an et demi ou deux ans après. Il ne croyait plus en sa faculté de pouvoir écrire des poèmes ; il disait que ses poésies étaient des prières et qu’il ne voulait plus faire de prières. Voilà c’est ce qu’il a dit et ce qu’il a écrit.

Je suis très ému parce que Loys a eu tous les honneurs de son vivant. Vraiment il était très reconnu et puis il est un peu passé à la trappe. Maintenant c’est comme ça. C’est un peu triste et puis là, tout d’un coup, je le vois sortir à nouveau. On parle de lui, ça fait plaisir. Moi, c’est quelqu’un que j’ai connu, que j’ai aimé, dont j’aime encore la mémoire vraiment.

 

Monsieur François De Lannoy :

J’ai eu l’occasion dans mon quartier, il y a trois ans, de rencontrer une dame qui s’appelait Madame Marthe Romain et qui a été collègue de Loys Masson dans un journal à Paris. Je crois que c’était Les Lettres Françaises. Madame Romain est une dame très âgée, malheureusement je n’ai pas réussi à la contacter avant de venir ici, elle avait absolument tous les livres de Loys Masson. Elle me téléphonait à peu près tous les mois, voire toutes les semaines, elle rêvait de rapatrier les cendres de Loys Masson à l’île Maurice. C’était pour elle, une véritable obsession et elle voulait que je m’en occupe et je lui ai dit que non, je ne pouvais pas m’en occuper, que ce n’était pas ma préoccupation première. Je voulais simplement vous raconter ça.

 

Jacques Masson :

Oui, Marthe Romain, on l’a connue. Je pense que les sœurs de Paula qui sont ici, l’ont bien connue. Je crois que je l’ai rencontrée une fois, mais ma tante Paula, la femme de Loys, en parlait souvent mais je n’en sais pas plus. À propos des cendres de Loys à transférer à l’île Maurice, il y a une association mauritienne qui a voulu le faire et sa femme Paula n’a pas donné suite et n’a pas été très active par rapport à ça. Donc Loys est au cimetière de Pantin.

 

Catherine Réault-Crosnier :

Merci encore, Jacques Masson de toutes ces précisions. Je dis, bien que Loys Masson ne soit pas connu en ce moment, de son vivant, il a eu les honneurs. J’espère que le fait de mettre ce texte sur notre site Internet va peut-être permettre à des gens du monde entier de se rappeler de lui et de sa notoriété et peut-être va relancer un petit peu l’attrait qu’il avait exercé de son vivant.

 

Jacques Masson :

Ce que l’on peut dire, en utilisant le langage de Loys, c’est qu’il est en ce moment au purgatoire. Il y a eu d’autres thèses qui ont été faites sur lui, une thèse sur le paysage mauritien dans l’œuvre de Loys Masson, la nature comptait beaucoup pour lui. Il était naturiste, il campait et sa femme était comme ça. Il y a eu aussi des maîtrises. Il a été au programme du bac à un moment donné. À l’île Maurice, il est au programme des écoles, il y a un prix Loys Masson. Il se passe des choses quand même mais c’est le purgatoire.

 

 

Mme Marie-Thérèse JAGUT, Mlle Marie-Josèphe SLAWESKA, Mme Michèle DAVID, M. François DE LANNOY, Mme Marie-Thérèse PORTEOUS, Mme Marguerite GRUER-SLAWESKA, M. Jacques MASSON, M. Georges DAVID et Catherine RÉAULT-CROSNIER.

De gauche à droite : Mme Marie-Germaine JAGUT*, Mlle Marie-Josèphe SLAWESKA*, Mme Michèle DAVID*, M. François DE LANNOY, Mme Marie-Thérèse PORTEOUS*, Mme Marguerite GRUER-SLAWESKA*, M. Jacques MASSON, M. Georges DAVID et Catherine RÉAULT-CROSNIER.

(* Sœurs de Paula MASSON)

 

Mme Marguerite GRUER-SLAWESKA avait treize ans durant l’hiver 1943-1944, elle a passé cette période au Châtelet à Thilouze en compagnie de sa sœur Paula et de Loys Masson.

 

Suite à cette Rencontre, Marcel GIRARD, Inspecteur général honoraire de l’Éducation Nationale, a écrit à Catherine RÉAULT-CROSNIER, en apportant quelques précisions sur Loys MASSON. Lire la lettre.