PLUS LOIN QUE LES GARES, LE SOIR
L’ombre s’installe, avec brutalité ;
Mais les ciseaux de la lumière,
Au long des quais, coupent l’obscurité,
À coups menus, de réverbère en réverbère.
La gare immense et ses vitraux larges et droits
Brillent, comme une châsse, en la nuit sourde,
Tandis que des voiles de suie et d’ombre lourde
Choient sur les murs trapus et les hautains beffrois.
…
Tout le rêve debout comme une armée attend :
Et les longs flots du port, pareils à des guirlandes,
Se déroulent, au long des vieux bateaux, partant
Vers quelle ardente et blanche et divine Finlande.
Et tout s’oublie - et les tunnels et les wagons
Et les gares de suie et de charbon couvertes -
Devant l’appel fiévreux et fou des horizons
Et les portes du monde en plein soleil ouvertes.
Émile VERHAEREN
(1855 - 1916)
Poète belge d’expression française, il est l’auteur de contes, de critiques littéraires, de pièces de théâtre. Il évolua du naturalisme "Les Flamandes", vers le mysticisme "Les Flambeaux noirs". Puis il célébra la poésie de la foule et des cités industrielles "Les Villes tentaculaires", "Les Rythmes souverains" sans oublier son pays natal avec "Toute la Flandre".
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