POÉSIE, ÉTOILE DE LIBERTÉ

 

 

Avec Patricia PACQUETEAU, la poésie sort de sa routine, de ses chemins faciles. Ici, pas de poésie classique, mathématiquement réfléchie mais un élan de création, des bouffées de réflexions, tout en douceur ou en cris.

Le plus simple poème, de quelques lignes, s’enfonce dans les profondeurs de l’impossible, de l’indicible et devient question de philosophie.

Le poète part comme Icare, au risque de le regretter, de se brûler les ailes et de retomber inerte. Tant pis si Patricia se brûle, elle a le goût du risque quand elle joue avec les mots. Elle accepte le pari comme dans son poème, "Si la vie tombe, la liberté s’envole", où ses impressions ne sont pas sans rappeler "L’albatros" de Charles BAUDELAIRE :

"Le poète est semblable au prince des nuées
Qui hante les tempêtes et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher."

L’oiseau majestueux en vol devient maladroit au sol ; il peut être bafoué, perdre son sang, être blessé, pourtant il reste l’oiseau de la liberté, encore libre même s’il est prisonnier dans son corps, encore libre car "libre de toutes pensées".

C’est aussi un peu l’espoir inaccessible et la révolte devant le manque de liberté. Liberté ! Liberté ! Thème si cher aux poètes et sur la page blanche, à la manière de Paul Eluard, Patricia veut crier le nom de la liberté et l’oiseau devient messager pour transmettre aux hommes cette soif bafouée, inassouvie.

Les cris de révolte s’emmêlent devant les cassures, "comme si le monde tournait à l’envers", et les cris se transforment en réflexions sur la mort, devant la fragilité de l’être humain qui laisse passer le temps et puis il est trop tard :

"Je crois qu’il est trop tard
Je n’ai pas trouvé la lumière
Il a suffi d’une seconde de retard
Pour que tout redevienne poussière."

(Extrait de "La révolte de l’oiseau")

L’homme paraît puissant, vit comme s’il était éternel ou plutôt il laisse passer le temps sans y penser et il n’a pas le temps de réaliser ses espoirs. Il est trop tard ; la mort arrive, le prend.

On pourrait penser que ce poème est pessimiste ; je dirai qu’il est réaliste car qui ne vit pas en éternel comme si la mort était loin et ne le concernait pas ?

Patricia soulève les grands thèmes philosophiques comme la liberté avec l’oiseau et la fragilité de la vie devant la mort.

Elle murmure ses impressions d’une manière légère, non pas superficielle mais légère comme un oiseau ivre dans l’immensité de l’espace. D’une manière étonnante, presque instinctive, elle passe de l’homme à l’état de l’infiniment petit, la poussière, de la liberté à l’espoir dans la mort, du cri de révolte devant l’injustice à la tolérance devant les différences.

Ces contrastes sont saisissants et pourtant, le lecteur passe de l’un à l’autre, presque sans y penser, sans heurts car il reste un fil conducteur presque imperceptible. C’est celui du temps qui passe, rend l’homme fragile, "pétale d’éphémère", à la "recherche de l’infini" malgré le côté périssable des choses et des êtres car "tout redevient poussière".

Autre thème cher à Patricia, l’enfant qui, pour elle, est symbole de fragilité, pantin que les adultes manœuvrent et qui a du mal à trouver sa place. Elle voudrait consoler l’enfant qui souffre :

"Il ne faut pas que tu pleures".

Quand elle parle de l’enfance, elle exprime des sensations un peu à la manière de Marcel PROUST dont la seule odeur des madeleines lui permettait d’accéder à des instants lointains, disparus de sa mémoire. Ici aussi, il y a la recherche du temps perdu, de l’enfance disparue. Patricia voudrait retrouver "la saveur de l’enfance", mais l’enfance n’est pas toujours heureuse et Patricia veut consoler le chagrin de l’enfant qui souffre.

Elle est aussi femme et s’émerveille de la vie donnée au tout petit comme dans son poème "Poser les mains sur le ventre d’une mère". Alors sa poésie devient douceur, féminité, sourire, joie de porter la vie en son intimité.

La tolérance est un autre thème cher au poète et c’est un cri pour la paix : "Renoncer à la guerre" et un cri vers l’espoir avec le poème "Après avoir vu le bonheur sourire" :

"Le bonheur a un visage
Mais heureusement ...
Pas de couleur."

Sa poésie devient engagée contre le racisme, les préjugés :

"Le monde est un assemblage de couleurs
La vie est un mélange de cultures."

(Extrait de "Toi et moi".)

Et il reste toujours le thème lancinant du temps qui passe. Nous sommes "acharnés à lutter contre l’éphémère", nous dit-elle et son poème "Les jours passent" n’est pas sans évoquer ces vers d’Apollinaire :

"Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent."

(Extrait de "Le pont Mirabeau" dans Alcools.)

Avec Patricia, la poésie est pensée, silhouette floue, impressions douloureuses comme avec "les roses pleurent" et le corps s’évanouit, "Petite étoile je t’ai perdue", nous confie-t-elle à la manière du Petit Prince de Saint-Exupéry qui parle ainsi :

"Tu regarderas, la nuit, les étoiles. (...) Mon étoile, ça sera pour toi une des étoiles. (...) Alors, toutes les étoiles, tu aimeras les regarder ... (...) Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides. Pour d’autres elles ne sont rien que de petites lumières."

L’étoile est donc lumière dans la nuit et la mort devient espoir, chemin à suivre comme le petit prince qui lui aussi, s’évanouit pour s’unir à l’univers.

La poésie de Patricia est avant tout pensée, impressions, recherche de sensations, création presque instinctive comme si le poète se laissait guider par son subconscient pour laisser affleurer un monde inconnu, révélé presque inconsciemment.

Il y a la souffrance, il y a la mort, il y a les doutes et le temps qui passe mais il y a aussi des éclairs de lumière :

"Ce jour rempli de soleil
Où l’oiseau m’attendait."

(Extrait de "Impressions".)

Et l’oiseau est le lien éternel entre le ciel et la terre, l’homme et la liberté.

 

Malgré la mort, la souffrance, la révolte devant l’injustice, le poète reste toujours un être de lumière qui peut partir avec l’oiseau au-delà du temps. Le temps s’envole si vite, efface les souvenirs mais le poète continue d’écrire. Ainsi Patricia PACQUETEAU tel l’oiseau, s’envole à travers les mots pour unir la vie et la mort, les cris et l’insouciance, la révolte et la tolérance. Aux limites des barrières de l’impossible, de l’insondable, il reste toujours la poésie.

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

17.02.1999

 

NB : Sur le présent site, vous pouvez lire un autre article écrit par Catherine RÉAULT-CROSNIER sur Patricia PACQUETEAU intitulé : "Patricia PACQUETEAU, poète en Touraine", et lire deux poèmes de Patricia PACQUETEAU ayant participé aux "Murs de poésie de TOURS" : "Les danses de l'oiseau" en 2000 et "Visage sans sommeil" en 2001.