Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Phare de la Loire

Mercredi 14 novembre 1883

Page 2.

(Voir le texte d’origine sur Retronews.)

 

 

Lettre Parisienne

 

Paris, 12 novembre.

Monsieur le rédacteur,

(…)

Voilà certes un beau sujet à mettre en vers par Rollinat, ce Poë parisien qui dépeint avec tant de vigueur et de raillerie féroce les sombres mystères de la mort. Mais hélas ! qu’est-il notre poète ? Ecœuré des injures grossières qu’on lui a jetées à la face, indigné des attaques sans nom dont il a été l’objet, sentant autour de lui la malveillance et l’envie rôder la griffe levée et la gueule ouverte, comprenant qu’on n’arrive pas tout-à-coup au premier rang par sa seule supériorité et son talent, sans ameuter contre soi la bande des incapables, des surfaits et des ratés qui ont mis vingt ans et ont commis toutes les platitudes imaginables pour attraper un os, dans la grande cuisine des lettres, l’auteur des Névroses a l’intention de s’enfouir dans un trou de campagne et de ne pas rentrer à Paris. Il était venu dîner avec moi quelques jours avant son départ pour le Berri, au mois de juin. Avec son obligeance et sa cordialité habituelles, il nous avait récité une admirable pièce de vers, l’Ennui, qui doit faire partie de son prochain volume ; il s’était mis au piano, il avait causé cœur à cœur, comme d’habitude. Je l’avais bien trouvé plus triste, plus découragé, plus nerveux que d’habitude, rien cependant ne m’avait laissé prévoir cette brusque résolution qui va peiner profondément ses amis, car Rollinat est un homme qu’on ne remplace pas facilement, et son absence va faire un rude vide cet hiver, à Paris, quoiqu’en disent les aimables farceurs qui cherchaient à faire de l’esprit sur son compte et qui n’espèrent pas, je suppose, mettre, à la place de cette virile et vibrante personnalité, leurs profils de vieux sons usés.

C’est chez M. Eudel que la nouvelle de l’exil volontaire de M. Rollinat m’a été confirmée. Car il faut vous dire que l’hospitalière maison de la rue Rougemont a déjà ouvert ses portes, pour ne pas laisser languir les amis qui trouvent que Paris n’est pas d’une gaité folle, tant que l’amphitryon n’a pas allumé « les chandelles ». Le salon de M. et Mme Eudel est en effet classé maintenant parmi les salons les plus recherchés, les plus agréables et les plus artistiques de la capitale. (…)

 

Croyez, Monsieur le Directeur, à mes affectueux sentiments.

SPIRIDION.

 

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – « Spiridion » est un pseudonyme utilisé par Frantz Jourdain (https://data.bnf.fr/fr/12751466/frantz_jourdain/).

– 2 – Maurice Rollinat s’est installé à Fresselines à la mi-septembre 1883.