Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Petit Journal

Dimanche 26 novembre 1882

Page 1

(Voir le texte d’origine sur Gallica)

 

 

LES POÈTES

 

Par une coïncidence, beaucoup moins fortuite qu’on ne le croit, à l’heure même où Victor Hugo était consacré une fois de plus par l’acclamation enthousiaste du grand public, on mettait en évidence un poète de la jeune génération.

A l’auteur inspiré des Odes et Ballades et de la Légende des siècles, on essayait d’opposer M. Rollinat, l’auteur, – encore inédit, – des Névroses.

Quand je dis : on, c’est Mme Sarah Bernhardt qu’il faut lire.

Cette femme, qui est à la fois une grande artiste et une grande comédienne, a des ambitions multiples : artiste dramatique, sculpteur, directrice de théâtre, metteur en scène ; là voilà maintenant qui ouvre un salon littéraire.

Le privilège charmant qu’a Mme Edmond Adam de faire les réputations l’empêchait de dormir ; elle a son poète ; n’ayant pu créer, – ce que je regrette vivement, – le rôle de Blanche dans Le Roi s’amuse, – elle a voulu que l’attention publique ne se détournât pas d’elle tout à fait.

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Je ne demande pas mieux que d’acclamer ce nouveau poète ; mais, je dois le dire, on le présente d’une façon bien singulière et peu faite pour attirer les sympathies.

Il est vrai que dans certains « cercles littéraires » on méprise les sympathies des « bourgeois ». Chose étrange ! Les excès du réalisme nous ont ramenés aux outrances du romantisme.

Voici comment parle de M. Rollinat un de ses amis dans le Voltaire :

Maurice Rollinat est né à Châteauroux. Fils d’un ancien représentant du peuple en 1848, il a été élevé sur les genoux de Mme Sand, qui corrigea ses premiers essais poétiques. Un peu avant la guerre, il vint chercher fortune à Paris et, entraîné par son caractère, il fut d’abord employé aux décès, dans une mairie ; peu après il sollicitait le poste de secrétaire de la Morgue, et ne l’obtenait point, mais entrait dans une administration des pompes funèbres.

Nous allions chez lui alors, rue Saint-Jacques ; on s’asseyait par terre, faute de sièges ; il y avait là Richepin, Bouchor, Goudeau, Ponchon, Harry Alis, G. Lorin, Ch. Cros et quelques autres, – puis, plus tard, Guy de Maupassant et Champsaur, parfois notre pauvre ami Gill. – On disait des vers toute la nuit, en buvant de l’eau, de l’eau pure ; les autres consommations étaient trop chères !

Depuis, il a beaucoup travaillé : « Les Névroses » vont bientôt nous être données par l’éditeur Charpentier ; vous y trouverez entre autres poèmes, le Soliloque de Tropmann, la Légende du Guillotiné, l’Amante Macabre, Mlle Squelette ; je vous recommande de ne les lire point le soir en vous couchant si vous voulez dormir tranquille.

Cela vous donne-t-il une grande impatience de lire les Névroses ? Moi pas, j’attends et j’ai quelques raisons de croire que je retournerai avec empressement aux Odes de Victor Hugo, aux Nuits d’Alfred de Musset, aux Sonnets de M. Sully-Prudhomme.

(…)

THOMAS GRIMM.

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – L’article visé dans les premiers paragraphes est celui d’Albert Wolff paru dans Le Figaro du jeudi 9 novembre 1882, page 1, et intitulé Courrier de Paris. La soirée chez Sarah Bernhardt s’est déroulée le 5 novembre 1882.

– 2 – L’article paru dans Le Voltaire s’intitule « Rollinat », il est signé Guillaume Livet et a été publié dans l’édition du 25 novembre 1882, en page 1. Dans celui-ci, il y a des inexactitudes. Bien que George Sand fut une grande amie de son père,amie de son père, Maurice Rollinat n’a pas été élevé sur ses genoux. Quant aux emplois occupés, Maurice Rollinat ne travaillait pas dans une entreprise de pompes funèbres, mais était employé au service de l’état-civil de la mairie du VIIe arrondissement. (Voir plus de commentaires sur la page consacrée à l’article du Voltaire du 25 novembre 1882.)

– 3 – Qui est Thomas Grimm, l’auteur de cet article ? Auguste Lepage dans son livre Les boutiques d’esprit (Théodore Olmer, libraire-éditeur, Paris, 1879, 353 pages), consacré à la presse de cette époque, nous apporte la réponse suivante :
(page 177)
Le Petit Journal
(…) M. Henri Escoffier est rédacteur en chef. (…)
(page 178)
Le pseudonyme de Thomas Grimm appartient au journal. Mais c’est M. Escoffier qui s’en sert le plus souvent ; il écrit les trois quarts des articles signés Thomas Grimm.