Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Monde illustré

20 février 1892

Page 115 (troisième du numéro)

(Voir le texte d’origine sur Gallica)

 

 

COURRIER DE PARIS

 

(…)

 

Nous eûmes encore, parmi les émotions de la huitaine, la représentation organisée en l’honneur de M. Rollinat.

Il n’y a pas que les morts qui aillent vite chez nous. De quel train sont emportées les célébrités vivantes, surtout quand elles se retirent de la mêlée parisienne !

Vous rappelez-vous l’explosion de réclame qui tout d’un coup se produisit, il y a quelques années, en l’honneur de M. Maurice Rollinat ?

Le signal était parti de l’atelier où Sarah Bernhardt sculptait alors pour charmer ses loisirs, ou plutôt pour remplacer une fièvre par une autre.

Des articles parurent de divers côtés, exaltant le poète inconnu la veille, disant son étrangeté macabre, ses laborieux débuts, sa patiente recherche de l’excentricité sincère.

Et comme des vers étaient cités à l’appui, des vers qui n’étaient certes pas coulés dans le moule banal et qui attestaient une personnalité à laquelle on ne pouvait pas rester indifférent, même si le parti pris de lugubre déplaisait, il en résulta que le nom de M. Rollinat courut vite de bouche en bouche, de feuille en feuille.

L’homme, un instant très recherché dans les salons, frappait aussi par la bizarrerie de son aspect. Pâle de visage, noir de cheveux, avec, sous l’arcade sourcilière, un flamboiement étrange, compliqué de gestes d’une saccade méphistosphélique, il étonna vivement. Ce qui aujourd’hui est une des premières conditions de succès.

Puis il disparut tout à coup. La vie parisienne l’avait lassé, les sollicitations mondaines l’avaient rebuté. Il s’était enfui là-bas, là-bas, dans les landes natales du Berry.

Il y est encore. Il a quitté la poésie funèbre pour passer à l’églogue réaliste, où son talent s’est retrouvé tout entier.

Faut-il croire que la vie lui est devenue difficile, puisqu’on a eu l’idée de faire appel, à son profit, au souvenir de ses admirateurs ? Ce serait triste. Malgré une singularité plus voulue peut-être que spontanée, M. Maurice Rollinat est quelqu’un ; il aurait droit à une place d’honneur au soleil de la publicité, il devrait vivre sûrement et largement de sa plume.

 

(…)

 

Pierre Véron.

 

 

Remarque de Régis Crosnier : La représentation à laquelle Pierre Véron fait allusion dans le premier paragraphe, est la soirée du dimanche 14 février 1892, au Théâtre d’Application, consacrée aux œuvres de Maurice Rollinat.