Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Monde illustré

1er mai 1886

Page 275 (deuxième du numéro).

(Voir le texte d’origine sur Gallica.)

 

 

COURRIER DE PARIS

(…)

~~~ Oh ! les lendemains de la gloire.

C’est là qu’on voit l’application féroce du vers :

Le temps respecte peu ce qu’on a fait sans lui.

Que de réputations improvisées en vingt-quatre heures s’écroulent avec la même rapidité aujourd’hui !

Une preuve.

J’écris ce nom : Maurice Rollinat.

Et je gage que la moitié de mes lecteurs cherchent sans se rappeler. Beaucoup même sont prêts à me dire :

– Rollinat ?… Connais pas !

Vous vous trompez… Du moins vous avez connu.

Car il est impossible que ce nom, aujourd’hui oublié par vous, ne soit pas tombé sous vos yeux à l’heure où M. Rollinat remplit toutes les gazettes de son renom instantané.

Ce fut une éclosion foudroyante.

Comme il y avait dans le cas de ce poète je ne sais quelle macabre étrangeté, comme il chantait les névroses à la mode, comme il cultivait le terrible en même temps que l’horrible, les femmes se parlèrent de lui avec ce petit frisson qui leur rend l’épouvante presque agréable.

Puis tout à coup, sans qu’on sût comment, le silence se fit et l’oubli commença son œuvre.

Depuis quatre ans – quatre siècles en ce Paris capricieux – on ne s’est pas demandé ce que M. Rollinat était devenu, s’il était mort ou vif.

Ce qui est une injustice, ma foi !

Car il y avait, malgré l’excentricité voulue et la recherche trop visible du sinistre, il y avait un talent réel chez ce poète-là. M. Rollinat, du reste, n’est pas d’humeur à se laisser enterrer sans protestations.

C’est pourquoi il vient de publier un nouveau volume de vers qu’il a intitulé : l’Abîme.

Je ne vois pas au juste ce que cet Abîme-là veut dire.

D’après ce que j’en sais, il ne m’a pas semblé que M. Maurice Rollinat eût beaucoup progressé pendant ses années de silence. Mais je ne saurais formuler une opinion définitive. J’y reviendrai en pleine connaissance de cause.

(…)

Pierre Véron.

 

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Pierre Véron avait déjà consacré à deux fois une partie de sa chronique Courrier de Paris à Maurice Rollinat :

– dans Le Monde illustré du 20 janvier 1883, page 35 (la troisième du numéro), on peut lire une brève annonce de la prochaine parution des Névroses, mais avec un a priori négatif puisque qu’il est indiqué que le titre pourrait être Les Nécroses ;
– dans l’édition du 3 mars 1883, page 130 (la deuxième du numéro), il présente Les Névroses avec un commentaire très négatif ;

Dans La Petite Presse du 23 février 1883, pages 1 et 2, dans un long article intitulé Un nom nouveau, il avait présenté le livre Les Névroses de Maurice Rollinat de manière très négative.
Dans le présent article, ses commentaires sont beaucoup moins négatifs que précédemment.

– 2 – Nous n’avons pas trouvé l’origine du vers « Le temps respecte peu ce qu’on a fait sans lui. » Par contre, nous l’avons vu utilisé comme proverbe par divers auteurs. (Cette expression est parfois attribuée à Nicolas Boileau, mais nous ne l’avons pas retrouvée dans son œuvre.)

– 3 – Pierre Véron indique que Maurice Rollinat a quitté Paris « Depuis quatre ans ». En réalité, celui-ci est parti pour Fresselines à la mi-septembre 1883, ce qui fait moins de trois ans.

– 4 – L’auteur « ne vois pas au juste ce que cet Abîme-là veut dire. » Pour Maurice Rollinat, il s’agit de « l’abîme humain », titre qu’il avait d’abord envisagé pour cet ouvrage, comme il l’indique par exemple, dans une lettre à sa mère, Isaure Rollinat, sans date mais de 1885, publiée dans Fin d’Œuvre, pages 260 à 262.