Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Gil Blas

Mardi 4 mai 1886

Page 3.

(Voir le texte d’origine sur Gallica.)

 

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LES LIVRES

La mort du duc d’Enghien, en trois tableaux, par M. Léon Hennique, dessins de H. Dufay (Tresse et Stock). – Les Confessions d’une comédienne, publiées par M. Louis de Hessem (librairie illustrée). – Domestiques et maîtres, par M. Bouniceau’Gesmon (Dentu). – L’Abîme, poésies, par M. Maurice Rollinat (Charpentier).

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IV

Le goût de l’étrange, du vertigineux, de l’impossible se trahit encore dans ces vers, d’une fière inspiration et d’une magistrale facture, que M. Maurice Rollinat a réunis sous ce titre : l’Abîme. C’est ainsi que, dans une des pièces du volume, les Deux Solitaires, par exemple, le poète arrive à donner une singulière impression de terreur en analysant la crainte vague des silences nocturnes. Mais son cadre s’est élargi, il embrasse des horizons plus profonds que dans les Névroses et Dans les Brandes. Tout en recherchant, dans des mètres hardis, une harmonie bizarre, M. Rollinat se plaît à des investigations d’une philosophie amère au fond de la pensée.

C’est l’ennemi sournois, mais sûr,
Sphinx intime, cancer obscur
De ce tas de cendres futur

Appelé l’homme.

Ce comptable sec et retors
Additionne tous nos torts
Et fige, dans ses coffre-forts,

Toutes nos larmes…

Il s’amuse cruellement à relever toutes les hypocrisies de l’homme avec lui-même, à deviner le vrai mobile de tous ses actes, à railler sa prétendue sagesse, à nous demander si nous n’avons jamais peur de nous-mêmes.

Embusqué derrière son âme,
J’y lis qu’elle se sent infâme ;
Et, la preuve, c’est son effroi
Quand je te dis : « Retourne-toi ! »

La note macabre ne manque pas, pourtant. La Mort, la « dame au rire dentaire », joue dans l’œuvre un rôle burlesque ou terrible. Mais comment analyser un poète ? Il faudrait citer parmi les plus belles et les plus étranges pièces la Vision du Péché, vision vraiment fantastique, la Honte, Nos Seigneurs, qui sont nos vices, à glorifier parce qu’eux seuls sortent l’humanité de sa torpeur, et l’effrayant poème qui a pour titre les Remords de l’Assassin.

Même dans ses livres, sans qu’on entende sa voix vibrante, sans qu’on aperçoive son visage romantique et fatal, M. Rollinat reste un singulier fascinateur.

Paul Ginisty.

 

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Paul Ginisty (né le 4 avril 1855 à Paris et décédé le 5 mars 1932 à Paris) est un journaliste et un écrivain. Il a vraisemblablement connu Maurice Rollinat au Chat Noir. En effet, dans son article « Au jour le jour – Survivants et disparus » paru dans le Journal des débats politiques et littéraires du 1er mars 1911, page 1, il se remémore les soirées et les figures marquantes du Chat Noir ; le début du dernier paragraphe est consacré à Maurice Rollinat. Ceci lui permet d’écrire : « sans qu’on entende sa voix vibrante, sans qu’on aperçoive son visage romantique et fatal ».

– 2 – Il avait fait une présentation du livre Dans les Brandes dans le Gil Blas du 14 août 1883, page 3, rubrique Les livres.