Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

DICTIONNAIRE UNIVERSEL

ILLUSTRÉ, BIOGRAPHIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE DE LA

FRANCE CONTEMPORAINE

COMPRENANT PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE

LA BIOGRAPHIE DE TOUS LES FRANÇAIS ET ALSACIENS-LORRAINS MARQUANTS DE L’ÉPOQUE ACTUELLE

L’ANALYSE DES ŒUVRES LES PLUS CÉLÈBRES (THÉÂTRE, LITTÉRATURE, SCIENCES) DES AUTEURS VIVANTS

L’HISTOIRE DES PRINCIPAUX THÉÂTRES ET JOURNAUX DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS

PAR

UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ET DE SAVANTS

SOUS LA DIRECTION DE

JULES LERMINA

 

PARIS

L. BOULANGER, éditeur, 83, rue de Rennes.

 

1885

II + 1397 pages

(Voir le texte original sur Gallica)

 

NB : Ce dictionnaire comprend un article consacré à Maurice Rollinat (page 1239) et un autre à son livre Les Névroses (pages 1065 et 1066) ; Maurice Rollinat est également cité dans l’article sur Le Chat-Noir (page 296) et dans l’article Monologues (page 1026).

 

(page 1239)

ROLLINAT (Maurice), poète. Né à Châteauroux, en 1853, il est le fils d’un avoué de cette ville qui fut l’ami de George Sand. Il a l’amour du Berri et, quand il est venu à Paris, il a garde l’impression des solitudes sans soleil où s’est écoulée sa jeunesse.

Il se mêla au mouvement de la bohème nouvelle, celle du Chat noir (V. ce titre), et fit partie des Hydropathes, alors présidés par M. Émile Goudeau. Son premier volume, les Brandes (1883), passa inaperçu. Mais quand, en 1884, il publia les Névroses (V. ce titre) qu’il avait déclamées et chantées dans plusieurs salons, notamment celui de Sarah Bernhardt, M. Albert Wolff lui consacra dans le Figaro un article qui le rendit célèbre en vingt-quatre heures. Ce poète macabre n’a rien publié depuis lors (septembre 1884).

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Maurice Rollinat n’est pas né en 1853, mais le 29 décembre 1846.

– 2 – En ce qui concerne l’expression « il a garde [gardé] l’impression des solitudes sans soleil où s’est écoulée sa jeunesse », nous pouvons considérer qu’il s’agit d’une opinion personnelle de l’auteur de cet article.

– 3 – Chronologiquement les Hydropathes se situent avant le Chat Noir.

– 4 – Son premier volume, Dans les Brandes (et non les Brandes) a été publié en 1877 à la Librairie Sandoz et Fischbacher. Si effectivement il est passé inaperçu, ce ne fut pas le cas de la deuxième édition par l’éditeur G. Charpentier en 1883.

– 5 – Son deuxième livre Les Névroses n’a pas été publié en 1884 mais en 1883 (il est sorti en librairie à la fin du mois de février).

– 6 – L’article d’Albert Wolff est paru dans Le Figaro du jeudi 9 novembre 1882, page 1, sous le titre « Courrier de Paris », suite à la soirée chez Sarah Bernhardt du 5 novembre 1882.

 

 

(pages 1065 et 1066)

NÉVROSES (Les), par M. Maurice Rollinat. 1 vol. Charpentier, 1883. – « Prenez un Berrichon de George Sand, moitié paysan, moitié monsieur ; laissez-le vaguer toute son enfance à travers les brandes des environs de Châteauroux, dans ce pays embaumé où l’on rencontre encore des sorcières et où, près des mares, valsent en rond les feux follets, farfadets et farfadettes ; puis plongez cet être mystique, mystifié par l’apparence des choses, dans le milieu parisien, brutal et intense ; donnez à ce Berrichon l’existence maladive d’un dépaysé… vous aurez Rollinat. » Ces quelques lignes d’Émile Goudeau expliquent ce livre étrange des Névroses, où il y a de la maladie et de la blague, de la terreur et de la fantaisie et, sous le rire des têtes de mort, le sourire du Parisien. Lorsque parurent ces poésies macabres, déjà récitées pour la plupart dans des réunions de jeunes gens, ou chez Sarah Bernhardt, un article de Wolff, au Figaro, leur fit un succès retentissant. Rollinat fut appelé dans les salons où il les disait, où il les chantait sur des « musiques étranges » qu’il composait lui-même, excentrique poète doublé d’un mélodiste non moins excentrique. En somme, un talent réel.

Nous citerons deux poésies de ce recueil :

L’IDIOT

L’idiot vagabond qui charme les vipères
Clopine tout le jour infatigablement,
Au long du ravin noir et du marais dormant,
Là-bas où les aspics vont par troupes impaires.

Quand l’automne a teinté les verdures prospères,
L’œil fixe, avec un triste et doux balancement,
L’idiot vagabond qui charme les vipères
Clopine tout le jour infatigablement.

Les serpents endormis, au bord de leurs repaires,
Se réveillent en chœur à son chantonnement
Et venant y mêler leur grêle sifflement,
Suivent dans les chemins, comme de vieux compères,
L’idiot vagabond qui charme les vipères.

 

LE SOMNAMBULE

Le chapeau sur la tête et la canne à la main,
Serrant dans un frac noir sa rigide ossature,
Il allait et venait au bord de la toiture
D’un air automatique et d’un pas surhumain.

Singulier promeneur, spectre et caricature,
Sans cesse, il refaisait son terrible chemin.
Sur le ciel orageux, couleur de parchemin,
Il dessinait sa haute et funèbre stature.

Soudain, à la lueur d’un éclair infernal,
Comme il frisait le vide en rasant le chenal
Avec le pied danseur et vif d’un funambule,

L’horreur emplit mon être, et figea tout mon sang.
Car un grand chat d’ébène hydrophobe et grinçant
Venait de réveiller monsieur le somnambule.

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – L’article d’Émile Goudeau intitulé « L’Hydropathe Rollinat » a été publié dans Les Hydropathes, n° 8 du 5 mai 1879, page 2. Dans l’article d’origine, le pays n’est pas « embaumé », mais « embrumé ».

– 2 – Le poème « L’Idiot » a été publié dans Les Névroses, page 200.

– 3 – Le poème « Le Somnambule » a été publié dans Les Névroses, page 268.

 

 

(pages 295 à 298)

CHAT-NOIR (Le), café-brasserie, situé à Montmartre, une des curiosités de Paris. Nous en empruntons la description à M. Blavet, du Figaro.

Là-haut, tout là-haut, vers Montmartre. L’enseigne représente un chat noir qui tient la lune entre ses dents ; elle est de zinc, cette enseigne, et se balance avec des miaulements plaintifs. Les vitraux sont antiques, mais pas solennels du tout : des chats noirs dans du soleil. Voilà pour le dehors. Au dedans, un cabaret moyen âge, avec parois de chêne sculpté, lourdes tapisseries, vieilles faïences, armes anciennes, cheminée de pierre ornée de la marmite traditionnelle, un rouet – celui de Marguerite – et, au plafond, une tête de chat émergeant d’un grand soleil d’or, – l’inévitable emblème.

La petite pièce du fond, décorée du nom d’Institut – où Coppée fréquentait parfois avant d’avoir ses entrées à l’autre – est le coin préféré des gens de lettres, poètes, romanciers, auteurs dramatiques, journalistes, peintres ou photographes. La grande salle est réservée aux philistins. – Oh ! les philistins ! ils sont la bête noire de l’endroit, comme aux grands jours de 1830. J’imagine qu’on n’a rien innové depuis le Cabrion d’Eugène Sue et que le (page 296) philistin est encore, comme alors, une bête noire de convention. Le fait est que l’air du Chat-Noir ne lui vaut rien, et qu’il y est la victime de scies patriotiques près desquelles le légendaire : Portier, je veux de tes cheveux ! n’est qu’une amusette d’enfant.

Passé minuit, les chansons font rage au Chat-Noir. Il y en a de très originales, celle, entre autres, qu’a publiée le Figaro :

Elle est sauvé’ notre saint’ République !

et la Marseillaise des infirmes, de J. Jouy. On y chante aussi les vieux lieders de nos grand’mères ou des vers de Goudeau, de Moréas, et tutti quanti, mis en musique par G. Fragerolles, un élève de Bizet, qui vient de terminer un opéra-comique : Thibault l’Angevin, dont l’auteur, un joli baryton, se propose de chanter le principal rôle. Pends-toi, Richepin !

Le Chat-Noir a son journal, où, auprès de fins morceaux littéraires, détonnent des fantaisies d’un macabre à faire bondir Commerson dans sa tombe. La Petite correspondance de la quatrième page, par exemple, semble venir en droite ligne de Charenton. Sarah Bernhardt y échange les confidences les plus folles avec Coquelin cadet, et Noirot, sénateur, avec Léonide Leblanc. Noirot, sénateur, écrit à Léonide Leblanc : « Cessez de me poursuivre, je ne veux plus faire le rigoleur ! » Et Campi, le sphinx de la Roquette, adresse à l’aquafortiste H. Somm – celui qui passe au Chat-Noir pour avoir une pendule dans le ventre – ce conseil plein d’une profonde philosophie : « Méfiez-vous de l’assassinat, il conduit parfois à l’hypocrisie et au mensonge ! »

Une des originalités de ce journal, c’est qu’il change de secrétaire de la rédaction chaque semaine : c’est tantôt M. Grévy, tantôt le duc d’Aumale, tantôt Marie Colombier ou Sarah Bernhardt, Meissonier ou Mme Mackay. Personne n’a jamais réclamé contre cette fumisterie inoffensive.

Émile Goudeau fut longtemps le rédacteur en chef du Chat-Noir et l’un des assidus du cabaret. Aujourd’hui, il vit à la campagne, se reposant sur les lauriers récents des Poèmes ironiques et travaillant pour le théâtre. Il a cédé le sceptre à son frère, Léo… Montancey.

On peut dire que le Tout-Paris artistique et littéraire a passé par le Chat-Noir, – le cabaret, pas le journal. On y a vu, par intermittences, et à des époques diverses : Coquelin cadet, Henri Pille, Gervex, Ch. Monselet, Léon Bloy, Ch. de Sivry, J. de Marthold, Metra, Pothey, Duez, Lhermitte, Th. de Banville, Benjamin Constant, Barbey d’Aurevilly, A. Daudet, Fr. Coppée, Paul Alexis, H. Fouquier, P. Foucher, Clovis Hugues, Dumoulin, Ollendorff, Rollinat, Kistemackers, Paul Arène, Ch. Cros, Lepelletier, Hector France, Louis Leroy, Ch. Leroy, Léon Cladel, Francis Enne, A. Peyrouton, Alph. Allais, Harry Alis, G. Vautrey, F. Champsaur, etc.

Ceux-là sont les irréguliers, les météores. Quant aux habitués, les étoiles fixes, ils constituent la jeune armée de l’avenir. Il y a là le clan des monologuistes, dont le chef est G. Moynet ; le clan des poètes : Ferdinand Icres, Haraucourt, Georges Lorin, J. Jouy, d’Esparbès, P. Marrot ; le clan des prosateurs : G. Auriol, E. Deschaumes ; le clan des musiciens : A. Bonnet, Marcel Leguay, Gnocchi ; le clan des peintres et des dessinateurs : Willette, Gandara, Uzès, Ferdinandus, Caran d’Ache, Tiret-Boguet, Steinlein, Hope, les trois Bail, Jules Lévy, l’incohérent des incohérents, etc., etc., et bon nombre de nos confrères.

Au Chat-Noir, être gai c’est la consigne. Cette gaieté sent peut-être un peu la charge d’atelier, et je ne crois pas qu’on soit guère plus jeune là qu’ailleurs. Du moins, on tâche de s’y amuser ; souvent on y arrive et, quand on n’y arrive pas, on vide des moss… pour se faire illusion. De quart d’heure en quart d’heure, le padrone della casa, Salis, ancien peintre, fils de distillateur, « gentilhomme cabaretier » lui-même, crie d’une voix de stentor :

– Messeigneurs, c’est le moment où les gens bien élevés renouvellent les consommations !

Et comme personne, si hirsute qu’il soit, ne veut passer pour mal élevé, tout le monde renouvelle !

Lors des élections municipales de 1884, le patron du Chat-Noir, M. Rodolphe Salis, imagina une réclame qui n’était point sans esprit. Il fit placarder sur tous les murs de Montmartre la profession de foi suivante :

« Électeurs,

Qu’est Montmartre ?
Rien !
Que doit-il être ?
Tout !
Le jour est enfin venu où Montmartre peut et doit revendiquer ses droits d’autonomie contre le restant de Paris.
En effet, dans sa fréquentation avec ce qu’on est convenu d’appeler la capitale, Montmartre n’a rien à gagner que des charges et des humiliations.
Montmartre est assez riche de finances, d’art et d’esprit pour vivre de sa vie propre.

Électeurs !

Il n’y a pas d’erreur !
Montmartre mérite d’être mieux qu’un arrondissement.
Il doit être une cité libre et fière.
Aussi noire programme sera-t-il court et simple :
1° La séparation de Montmartre et de l’État ;
2° La nomination par les Montmartrois d’un conseil municipal et d’un maire de la cité nouvelle ;
L’abolition de l’octroi pour l’arrondissement et le remplacement de cette taxe vexatoire par un impôt sur la loterie, réorganisée sous la régie de Montmartre, qui permettrait à notre quartier de subvenir à ses besoins et d’aider les dix-neuf arrondissements mercantiles ou misérables de Paris.

(page 297 : Illustration sans lien avec l’article sur le Chat-Noir.)

(page 298)

Électeurs !

Ce programme sera défendu avec une énergie farouche. – Je suis de ceux qui meurent plutôt que de se rendre.
Si je descends dans l’arène, vous jugerez si ma devise : Sérieux, quand même ! est justifiée.
Électeurs, pas d’abstention. La postérité nous attend.
Vive Montmartre !

Rodolphe Salis. »

 

Remarque de Régis Crosnier : Le cabaret Le Chat Noir a été fondé par Rodolphe Salis en novembre 1881 au 84, boulevard de Rochechouart. Il déménagera au 12, rue de Laval (rue Victor Massé) en juin 1885 (le changement d’adresse apparaît sur le numéro du 13 juin 1885 de la revue Le Chat Noir). L’article correspond au premier établissement. Maurice Rollinat n’a fréquenté ce cabaret qu’au cours de l’année 1882.

 

 

(pages 1026 et 1027)

MONOLOGUES. Il nous faut bien réserver, dans la vie française contemporaine, une place à ce genre, né d’hier et qui disparaîtra demain. Ce fut après la crise du 16 mai 1877, lors de l’avènement du président Grévy, que cette épidémie de parlage commença à sévir. Le monologue était né d’un désir nouveau de la jeunesse : des individualités originales aimant à se produire dans de petits cénacles, comme les Hydropathes. Et là, on se posait, soit au piano, soit devant, soit, derrière une table et on débitait une petite œuvre tenant à peine une page d’impression, qui, remarquez-le bien, n’aurait pu se produire sur aucun théâtre – et on récoltait force applaudissements. Le monologue était né de la conférence qui elle-même était née de la restitution du droit de réunion, confisqué par la réaction de 1872-1879. Un artiste d’un grand talent, Coquelin cadet, commença par introduire le monologue dans les salons : le succès continua, se répandit, et finalement le monologue envahit la France. Était-ce un mal, un bien ? Discuter cette question serait ridicule. Toute manifestation de l’art, quelle qu’elle soit, a droit à l’examen ou à l’estime. Celle forme brève, résumant une impression gaie ou triste, une émotion dans les limites d’un court récit, peut comme la pièce en cinq, en un ou trois actes, éveiller et satisfaire l’esprit du spectateur. Cependant il sembla que deux éléments pussent entrer seulement dans sa composition. Autrefois Rachel déclamait dans les salons les Imprécations de Camille, monologue. Stella Collas disait le Moineau de Lesbie. Les Coquelin, car le frère aîné, le grand Coquelin, ne tarda pas à suivre sou frère dans cette voie, mirent à la mode le monologue, non héroïque, mais sentimental ou comique ou follement fantaisiste. Il n’y eut plus de soirée digne de ce nom sans monologue. Les Coquelin – dont l’éditeur baptisa, fort ridiculement d’ailleurs les déclamations du nom de monocoquelogues – devinrent les grands-prêtres du nouveau dieu, demi-dieu tout au plus. Et enfin ils rédigèrent sous ce titre : l’Art de dire le monologue, un traité sur la matière. Ce livre a le très grand mérite d’être un recueil de documents monologuistes : au point de vue des règles à suivre pour dire le monologue, la dissertation de Coquelin aîné peut se résumer ainsi : « Ayez beaucoup d’esprit et d’intelligence, et vous direz juste. » Ce qui n’empêche pas dans les salons une collection de gommeux ridicules de bredouiller des insanités que leur diction prétentieuse rend plus absurdes encore.

Un des types du monologue, – le type sentimental – c’est la Robe de Manuel. Un ouvrier a le défaut de s’enivrer. Il rentre brutal, grossier ; sa femme souffre de ses violences. Elle s’en ira. Fort bien. Mais le mari veut qu’on partage les meubles et les hardes. Ainsi est-il fait avec des récriminations sans nombre, quand tout à coup il leur tombe sous la main… la robe de l’enfant mort. Qui l’emportera ? Ils pleurent et se réconcilient.

Voilà le monologue berquinien, dont le Mouchoir bleu de Béquet restera le modèle. C’est banal. Cela procure aux jeunes filles en mousseline et aux dames en danger de crise (V. la pièce de Feuillet) une émotion douce, facile à supporter. Charmant ! Charmant !

Il y a le monologue fou, dont l’éclosion – passagère – a eu pour bouquet les Névroses (V. ce titre) de M. Rollinat. Pour le dire, il convient d’être pâle, maigre, et d’avoir l’air fatal. Par exemple : le Hareng saur de Charles Cros. Cela n’a aucun sens, c’est tout simplement une mystification à l’adresse des bourgeois. Voici : – Il était un grand mur, nu, nu, nu. – Contre le mur une échelle haute, haute, haute. – Et par terre un hareng saur sec, sec, sec.

Cela continue ainsi avec répétition de trois monosyllabes, sans aucun sens. C’est stupide. Cela passe pour une originalité géniale. L’Obsession du même Charles Cros est dans la même note. Il y a un J’aime les femmes de Georges Lorin qui fait pâmer les groupes de pensionnaires et de parents faisant tapisserie. En somme, rien de tout cela n’est dangereux, – et cela tient de la place et fait gagner de l’argent aux Coquelin.

Est-ce à dire qu’il faille condamner le monologue et déclarer avec Sarcey que c’est un genre « exécrable ». On en a fait quelque chose de niais, de plat, de bête. Mais rien ne prouve qu’on n’en puisse tirer mieux. Quinet, Michelet, Mickiewicz disaient des monologues au Collège de France et ont remué le monde. Les Pauvres gens d’Hugo ne sont, qu’un monologue. Il y a place pour un chef-d’œuvre. On l’attend. Jusque-là, contentons-nous de ces billevesées qui ne sont que des scies d’atelier ; et rions très volontiers quand elles sont drôles.

Citons parmi les meilleurs (!) monologues : (page 1027) les Écrevisses de Jacques Normand, l’Amateur de peinture de Philippe Gille, la Situation d’Eugène Morand, le Premier amour de Paul Bilhaud, le Chirurgien du Roi s’amuse (réellement supérieur à tous les autres) d’Arnold Mortier, la Mère du supplicié de Grenet-Dancourt, la Vision de Claude de Paul Delair. Les éditeurs attitrés des monologues sont MM. Ollendorff et Tresse.

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Tout au long de cet article, on ressent une confusion entre les poésies et des monologues beaucoup plus longs ; par exemple Premier amour de Paul Bilhaud fait sept pages et a été publié sous la forme d’un petit livre (Premier amour dit par Coquelin Cadet, A. Barbré éditeur, Paris, 1880, 11 pages), ou La Mère du supplicié d’Ernest Grenet-Dancourt fait cinq pages (pages 95 à 99 de Monologues comiques et dramatiques dits par…, Paul Ollendorff éditeur, Paris, 1883, 202 pages).

– 2 – Assimiler les poèmes de Maurice Rollinat à des monologues semble bizarre. Quant à les qualifier de « monologues fous » cela relève de la propre appréciation de l’auteur de l’article et n’est pas étayé par une explication.