Dossier Maurice Rollinat

 

LA MUSIQUE DANS LES POÈMES DE MAURICE ROLLINAT

Portrait de Maurice Rollinat au piano par Catherine Réault-Crosnier.

 

Recherche documentaire

non exhaustive, réalisée par Régis Crosnier.

 

Termes de musique et évocations de musiciens trouvés dans les poèmes de Maurice Rollinat

 

Version au 16 août 2019

 

 

 

– LES FRISSONS

(…)

Et la musique de Chopin

Frissonne toute.

(…)

(Les Névroses, p. 9)

 

– DOULEUR MUETTE

(…)
Au fond des musiques mineures
Épanche ton rêve anxieux.
(…)

(Les Névroses, p. 13)

 

– LES PARFUMS

(…)
Les parfums sont toujours des illusions neuves.

S’ils errent, dégagés de tout mélange impur,
Rampant sur la couleur, chevauchant la musique,
On est comme emporté loin du monde physique
Dans un paradis bleu chaste comme l’azur !
(…)

(Les Névroses, p. 15)

 

– LES PLAINTES

(…)
Sous l’archet sensitif où passent nos alarmes
L’âme des violons sanglote, et sous nos doigts,
La harpe, avec un bruit de source dans les bois,
Égrène, à sons mouillés, la musique des larmes.
(…)

(Les Névroses, p. 23)

 

– LA VOIX

Voix de surnaturelle amante ventriloque
Qui toujours me pénètre en voulant m’effleurer ;
Timbre mouillé qui charme autant qu’il interloque,
Son bizarre d’un triste à vous faire pleurer ;
Voix de surnaturelle amante ventriloque !

Dit par elle, mon nom devient une musique :
C’est comme un tendre appel fait par un séraphin
Qui m’aimerait d’amour et qui serait phtisique.
O voix dont mon oreille intérieure a faim !
Dit par elle, mon nom devient une musique.
(…)

Et puis elle a des sons de métal et de verre :
Elle est violoncelle, alto, harpe, hautbois ;
Elle semble sortir, fatidique ou sévère,
D’une bouche de marbre ou d’un gosier de bois,
Et puis elle a des sons de métal et de verre.
(…)

(Les Névroses, pp. 29 et 30)

 

– LES YEUX

(…)
Quels vers de troubadours, quels chants de ménestrels,
Quels pages chuchoteurs d’exquises babioles,
Quels doigts pinceurs de luths ou gratteurs de violes
Ont célébré des yeux aussi surnaturels !
(…)

(Les Névroses, p. 35)

 

– L’INTROUVABLE

(…)
Chopin est-il pour toi l’Ange de la musique,
(…)

(Les Névroses, p. 39)

 

– AQUARELLE

Adorablement naturiste,
Ma mignonne peint dans les bois,
Aux sons de harpe et de hautbois
Roucoulés par un ruisseau triste.
(…)

(Les Névroses, p. 44)

 

– LA BLANCHISSEUSE DU PARADIS

A Mademoiselle Ducasse.

Au son de musiques étranges
De harpes et de clavecins,
Tandis que flottent par essaims
Les cantiques et les louanges,

Elle blanchit robes et langes
Dans l’eau bénite des bassins,
Au son de musiques étranges
De harpes et de clavecins.

Et les bienheureuses phalanges
Peuvent la voir sur des coussins
Repassant les surplis des saints
Et les collerettes des anges,
Au son de musiques étranges.

(Les Névroses, p. 47)

 

– LA MUSIQUE

A Frédéric Lapuchin.

     A l’heure où l’ombre noire

Brouille et confond

     La lumière et la gloire

Du ciel profond,

     Sur le clavier d’ivoire

Mes doigts s’en vont.

Quand les regrets et les alarmes
Battent mon sein comme des flots,
La musique traduit mes larmes
Et répercute mes sanglots.

Elle me verse tous les baumes
Et me souffle tous les parfums ;
Elle évoque tous mes fantômes
Et tous mes souvenirs défunts.

Elle m’apaise quand je souffre,
Elle délecte ma langueur,
Et c’est en elle que j’engouffre
L’inexprimable de mon cœur.

Elle mouille comme la pluie,
Elle brûle comme le feu ;
C’est un rire, une brume enfuie
Qui s’éparpille dans le bleu.

Dans ses fouillis d’accords étranges
Tumultueux et bourdonnants,
J’entends claquer des ailes d’anges
Et des linceuls de revenants ;

Les rythmes ont avec les gammes
De mystérieux unissons ;
Toutes les notes sont des âmes,
Des paroles et des frissons.

O Musique, torrent du rêve,
Nectar aimé, philtre béni,
Cours, écume, bondis sans trêve
Et roule-moi dans l’infini.

     A l’heure où l’ombre noire

Brouille et confond

     La lumière et la gloire

Du ciel profond.

     Sur le clavier d’ivoire

Mes doigts s’en vont.

(Les Névroses, pp. 49 et 50)

 

– LE PIANO

A Marcel Noël.

Puis-je te célébrer autant que je le dois,
Cher interlocuteur au langage mystique ?
Hier encor, le chagrin, ruisselant de mes doigts,
T’arrachait un sanglot funèbre et sympathique.

Sois fier d’être incompris de la vulgarité !
Beethoven a sur toi déchaîné sa folie,
Et Chopin, cet Archange ivre d’étrangeté,
T’a versé le trop plein de sa mélancolie.

Le rêve tendrement peut flotter dans tes sons ;
La volupté se pâme avec tous ses frissons
Dans tes soupirs d’amour et de tristesse vague ;

Intime confident du vrai musicien,
Tu consoles son cœur et son esprit qui vague
Par ton gémissement, fidèle écho du sien.

(Les Névroses, p. 51)

 

– MARCHES FUNÈBRES

Toi, dont les longs doigts blancs de statue amoureuse,
Agiles sous le poids des somptueux anneaux,
Tirent la voix qui berce et le sanglot qui creuse
Des entrailles d’acier de tes grands pianos,

Toi, le cœur inspiré qui veut que l’Harmonie
Soit une mer où vogue un chant mélodieux,
Toi qui, dans la musique, à force de génie,
Fais chanter les retours et gémir les adieux

Joue encore une fois ces deux marches funèbres
Que laissent Beethoven et Chopin, ces grands morts,
Pour les agonisants, pèlerins des ténèbres,
Qui s’en vont au cercueil, graves et sans remords.

Plaque nerveusement sur les touches d’ivoire
Ces effrayants accords, glas de l’humanité,
Où la vie en mourant exhale un chant de gloire
Vers l’azur idéal de l’immortalité.

Et tu seras bénie, et ce soir dans ta chambre
Où tant de frais parfums vocalisent en chœur,
Poète agenouillé sous tes prunelles d’ambre,
Je baiserai tes doigts qui font pleurer mon cœur !

(Les Névroses, p. 52)

 

– CHOPIN

A Paul Viardot.

Chopin, frère du gouffre, amant des nuits tragiques,
Ame qui fus si grande en un si frêle corps,
Le piano muet songe à tes doigts magiques
Et la musique en deuil pleure tes noirs accords.

L’harmonie a perdu son Edgar Poe farouche
Et la mer mélodique un de ses plus grands flots.
C’est fini ! le soleil des sons tristes se couche,
Le Monde pour gémir n’aura plus de sanglots !

Ta musique est toujours – douloureuse ou macabre –
L’hymne de la révolte et de la liberté,
Et le hennissement du cheval qui se cabre
Est moins fier que le cri de ton cœur indompté.

Les délires sans nom, les baisers frénétiques
Faisant dans l’ombre tiède un cliquetis de chairs,
Le vertige infernal des valses fantastiques,
Les apparitions vagues des défunts chers ;

La morbide lourdeur des blancs soleils d’automne ;
Le froid humide et gras des funèbres caveaux ;
Les bizarres frissons dont la vierge s’étonne
Quand l’été fait flamber les cœurs et les cerveaux ;

L’abominable toux du poitrinaire mince
Le harcelant alors qu’il songe à l’avenir ;
L’ineffable douleur du paria qui grince
En maudissant l’amour qu’il eût voulu bénir ;

L’âcre senteur du sol quand tombent des averses ;
Le mystère des soirs où gémissent les cors ;
Le parfum dangereux et doux des fleurs perverses ;
Les angoisses de l’âme en lutte avec le corps ;

Tout cela, torsions de l’esprit, mal physique,
Ces peintures, ces bruits, cette immense terreur,
Tout cela, je le trouve au fond de ta musique
Qui ruisselle d’amour, de souffrance et d’horreur.

Vierges tristes malgré leurs lèvres incarnates,
Tes blondes mazurkas sanglotent par moments,
Et la poignante humour de tes sombres sonates
M’hallucine et m’emplit de longs frissonnements.

Au fond de tes Scherzos et de tes Polonaises,
Epanchements d’un cœur mortellement navré,
J’entends chanter des lacs et rugir des fournaises
Et j’y plonge avec calme et j’en sors effaré.

Sur la croupe onduleuse et rebelle des gammes
Tu fais bondir des airs fauves et tourmentés,
Et l’âpre et le touchant, quand tu les amalgames,
Raffinent la saveur de tes étrangetés.

Ta musique a rendu les souffles et les râles,
Les grincements du spleen, du doute et du remords,
Et toi seul as trouvé les notes sépulcrales
Dignes d’accompagner les hoquets sourds des morts.

Triste ou gai, calme ou plein d’une angoisse infinie,
J’ai toujours l’âme ouverte à tes airs solennels,
Parce que j’y retrouve à travers l’harmonie,
Des rires, des sanglots et des cris fraternels.

Hélas ! toi mort, qui donc peut jouer ta musique ?
Artistes fabriqués, sans nerf et sans chaleur,
Vous ne comprenez pas ce que le grand Phtisique
A versé de génie au fond de sa douleur !

(Les Névroses, pp. 53 à 55)

 

– CHANT ROYAL

(…)
Pied de gazelle, et jolis petits doigts
Par qui toujours la musique est comprise :
Aussi, je l’aime autant que je le dois,
Mon pauvre cœur enfin se cicatrise.
(…)

(Les Névroses, p. 126)

 

 

– L’ALLÉE DE PEUPLIERS

(…)
Mais l’orage éclata ; l’autan lâcha ses hordes,
Et les arbres bientôt devinrent sous leurs doigts
Des harpes de géants, qui toutes à la fois
Résonnèrent avec des millions de cordes.
(…)

(Les Névroses, p. 131)

 

– LA CORNEMUSE

Sa cornemuse dans les bois
Geignait comme le vent qui brame
Et jamais le cerf aux abois,
Jamais le saule ni la rame,
N’ont pleuré comme cette voix.

Ces sons de flûte et de hautbois
Semblaient râlés par une femme.
Oh ! près du carrefour des croix,

Sa cornemuse !

Il est mort. Mais, sous les cieux froids,
Aussitôt que la nuit se trame,
Toujours, tout au fond de mon âme,
Là, dans le coin des vieux effrois,
J’entends gémir, comme autrefois,

Sa cornemuse.

(Les Névroses, p. 201)

 

– L’AMANTE MACABRE

A Charles Buet.

Elle était toute nue assise au clavecin ;
Et tandis qu’au dehors hurlaient les vents farouches
Et que Minuit sonnait comme un vague tocsin,
Ses doigts cadavéreux voltigeaient sur les touches.

Une pâle veilleuse éclairait tristement
La chambre où se passait cette scène tragique,
Et parfois j’entendais un sourd gémissement
Se mêler aux accords de l’instrument magique.

Oh ! magique en effet ! Car il semblait parler
Avec les mille voix d’une immense harmonie,
Si large qu’on eût dit qu’elle devait couler
D’une mer musicale et pleine de génie.

Ma spectrale adorée, atteinte par la mort,
Jouait donc devant moi, livide et violette,
Et ses cheveux si longs, plus noirs que le remord,
Retombaient mollement sur son vivant squelette.

Osseuse nudité chaste dans sa maigreur !
Beauté de poitrinaire aussi triste qu’ardente !
Elle voulait jeter, cet ange de l’Horreur,
Un suprême sanglot dans un suprême andante.
(…)

Elle chantait : (…)

« Mais, jusqu’au bout, mon cœur boira l’étrangeté
« Dans ces gouffres nommés Poésie et Musique.
(…)

Et tandis que ce chant de la fatalité
Jetait sa mélodie horrible et captivante,
Le piano geignait avec tant d’âpreté,
Qu’en l’écoutant, Chopin eût frémi d’épouvante.
(…)

(Les Névroses, pp. 255, 256 et 257)

 

– LA CHAMBRE

(…)
L’ange de mes amours funèbres,
Porte toujours un domino,
Et chaque nuit, dans les ténèbres,
Va sangloter au piano.
(…)

(Les Névroses, p. 267)

 

– LA CÉPHALALGIE

(…)
Celui qui hante le phtisique,
Poitrinaire au dernier degré,
Et qui n’aime que la musique
Des glas et du Dies iræ ;
(…)

(Les Névroses, p. 301)

 

– LE RIRE

Rire nerveux et sardonique
Qui fais grimacer la douleur,
Et dont le timbre satanique
Est la musique du malheur ;
(…)

(Les Névroses, p. 360)

 

– BALLADE DU CADAVRE

(…)
L’orgue désespéré gronde comme la mer,
(…)

(Les Névroses, p. 377)

 

– MON ÉPINETTE

Jean fait la cour à Jeannette
Dans mon salon campagnard,
Aux sons de mon épinette.

Fou de sa mine finette
Et de son grand œil mignard,
Jean fait la cour à Jeannette

Dont la voix de serinette
Mêle un branle montagnard
Aux sons de mon épinette.

Avec une chansonnette
Au refrain très égrillard
Jean fait la cour à Jeannette.

– Là-bas, plus d’une rainette
Coasse dans le brouillard,
Aux sons de mon épinette.

La lune à la maisonnette,
Sourit, – timide et gaillard,
Jean fait la cour à Jeannette.

Il suit partout la brunette,
De l’étagère au placard,
Aux sons de mon épinette.

Aussi calin que Minette
Qui se pourlèche à l’écart,
Jean fait la cour à Jeannette.

Il effleure sa cornette
D’un baiser ; – puis, sur le tard,
Aux sons de mon épinette,

Pendant que la grande Annette
Endort son petit moutard,
Jean fait la cour à Jeannette
Aux sons de mon épinette.

(Dans les Brandes, 1883, pp. 39 à 41)

 

– LA CONFIDENCE

(…)
Parfum, souffle, musique, apparitions douces,

La nature vivait en moi.

(Dans les Brandes, 1883, p. 69)

 

– LES BOTTINES D’ÉTOFFE

Dans un bourg de province appelé Saint-Christophe,
Un jour que je rôdais près des chevaux de bois,
Au son désespéré d’un grand orgue aux abois,
J’entrevis tout à coup deux bottines d’étoffe.

L’une semblait dormir sur le frêle étrier,
L’autre bougeait avec une certaine morgue.
A quelque pas, sans trêve, un vieux ménétrier
Se démanchait le bras comme le joueur d’orgue.

Les grincements aigus du violon m’entraient
Dans l’âme, et m’égaraient au fond d’un spleen sans bornes,
(…)

Et le ménétrier sciait ses cordes minces
Et celui qui tournait la manivelle, hélas !
De l’orgue poitrinaire effroyablement las
Y cramponnait ses mains, abominables pinces.
(…)

La nuit vint embrumer le bourg de Saint-Christophe :
L’orgue et le violon moururent tous les deux ;
Les petits chevaux peints s’arrêtèrent hideux ;
Et je ne revis plus les bottines d’étoffe.

(Dans les Brandes, 1883, pp. 90, 91, 92 et 94)

 

– LA CHANSON DE LA PERDRIX GRISE

La chanson de la perdrix grise
Ou la complainte des grillons,
C’est la musique des sillons
Que j’ai toujours si bien comprise.
(…)

(Dans les Brandes, 1883, p. 208)

 

– LA MORTE

(…)
Ce n’est qu’en rêve que je touche
Et que j’entends et que je vois
Ses yeux, son front, ses seins, sa bouche
Et la musique de sa voix !
(…)

(Dans les Brandes, 1883, p. 264)

 

– LE VENT

(…)
La rumeur monte, en plus chagrin,
Comme un bourdonnement marin ;
Et puis, tumulte souterrain,

Clameur mourante

De tout un peuple massacreur.
Rires de folles en fureur…
C’est la musique de l’horreur

Dans l’épouvante !

(…)

(La Nature, p. 8)

 

– LA BONNE RIVIÈRE

(…)
C’est le calme plat des tombeaux,
La bonne joie intérieure
Dans la rivière des crapauds,

Qui, certains soirs, flûteurs dispos,
Vous jouent leur musique mineure…
Heureux gardons, heureux barbeaux !
(…)

(La Nature, p. 279)

 

– LA FOLLE

(…)
Tout ce que la Musique exprime de plus tendre :
La caresse du cœur, la pitié du sanglot, –
– Le murmure du vent, du feuillage et de l’eau,
Tout cela, confondu, sa voix le fait entendre.
(…)

(La Nature, p. 282)

 

– LE GLAIVE

(…)
Son cliquetis répond dans l’air
Aux trompettes ! Son pâle éclair
Luit dans le vent de l’oriflamme !
(…)

(Les Apparitions, p. 71)

 

– L’OURAGAN

Convulsion de la Tempête
Par les immensités vaguant,
La musique de l’ouragan
Commence où la nôtre s’arrête :

Car, avec l’effrayant prestige
De ses mugissants lamentos,
Elle traduit tous les chaos,
Tous les abîmes du vertige.
(…)

(Les Apparitions, p. 196)

 

– LA CHARRETTE A BŒUFS

(…)
Et s’en va comm’ l’eau calme et les bons nuag’ s’en vont !
C’est l’vrai char de nos plain’, d’nos marais, et d’nos fonds,
Tout comm’ leur seul’ musique est cell’ des cornemuses.

(Paysages et Paysans, p. 20)

 

– LES DEUX BOULEAUX

(…)
Ceints d’un lierre imitant un grand serpent inerte,
Pommés sur leurs troncs droits, tout lamés d’argent blanc,
Ils charment ce pacage où leur froufrou tremblant
Traîne le bercement de sa musique verte.
(…)

(Paysages et Paysans, p. 103)

 

– LE SOURD

(…)
Puis, j’possède un’ mémoir’ qui r’met tout à sa place,
Les chos’ et les personn’ que j’connus étant p’tit,
Où tout c’que mes organ’ d’âme et d’corps ont senti
Parl’ comm’ dans un écho, se mir’ comm’ dans un’ glace.

Donc, les sons q’j’aimais pas, maint’nant j’peux m’en défendre,
N’voulant plus m’en souv’nir i’ sont ben trépassés,
Tandis que ma mémoir’ ramène du passé,
Fait r’musiquer en moi tous ceux q’j’aimais entendre.

Je m’redis couramment dans l’âme et la cervelle
L’gazouillant des ruisseaux, l’croulant des déversoirs,
La plaint’ du rossignol, du crapaud dans les soirs,
L’suret d’la cornemuse et l’nasillant d’la vielle.
(…)

(Paysages et Paysans, p. 114)

 

– LA FILLE AMOUREUSE

(…)
Autant q’l’âm’ j’avais l’corps en peine :
Cachant mes larm’ à ceux d’chez nous,
Aux champs assise, ou sur mes g’noux,
Des fois, j’pleurais comme un’ fontaine.

Les airs de vielle et d’cornemuse
M’étaient d’la musique à chagrin,
Et d’mener un’ vache au taurin
Ça m’rendait songeuse et confuse.
(…)

(Paysages et Paysans, p. 160)

 

– LA VOIX DU VENT

(…)
Sa grande musique mineure
Qui, tour à tour, grince et mugit,
Sur toute la pensée agit
Comme une voix intérieure.
(…)

(Paysages et Paysans, p. 169)

 

– L’AVEUGLE

(…)
Mais la fille s’écrie, essuyant une larme :
Parlez pas d’ça ! J’vas dire un’ bell’ complaint’ d’aut’fois, »
Et, quenouille à la taille, un fuseau dans les doigts,
Exhale de son cœur la musique du charme.
(…)

(Paysages et Paysans, p. 221)

 

– LA RIEUSE

(…)

Son âme chante tout entière

Dans sa musique coutumière,

Sur le robuste émail de ses trente-deux dents.

(…)

(Paysages et Paysans, p. 291)

 

– LA MORT AU PRINTEMPS

La nature, au printemps, semble par sa féerie
Glorifier tous les trépas qu’elle a conçus.
Passe un enterrement ? elle répand dessus
Son parfum, sa musique et sa grâce fleurie.
(…)

(Paysages et Paysans, p. 307)

 

– ÉTUDE DE CHAT

(…)

Il pleuvasse un peu, mais pour ce craintif de l’eau

L’ondée a trop de violence ;

Il reste au gîte, y fait son ronronnant solo

Dans la musique du silence.

(…)

(Les Bêtes, p. 105)

 

– LE CHANT DU COQ

(…)
Se remettent à frissonner
Quand ils entendent claironner
Ce trompette de la nature.

(Les Bêtes, p. 184)

 

– LANGAGE DU RÊVE

(…)
Assez mélancolique et beau
Pour interpréter le tombeau
Et l’au-delà… C’est la Musique !

(Fin d’Œuvre, p. 76)

 

– LA RÉSIGNATION

Ici-bas le seul mal physique
Désole également tous les hommes. Alors
Nos cris plaigneurs de notre corps
Font une sincère musique.
(…)

(Fin d’Œuvre, p. 119)

 

– LES MÉTÉORES

(…)
Hugo ! c’est le clairon gigantesque qui sonne
La fanfare du droit et de la liberté !
Et ses vers, blancs chevaux que l’art caparaçonne,
Galopent dans la nuit du rêve illimité.
(…)

Lamartine ! Eden pur où des harpes étranges
Vibrent si doucement dans un air embaumé
Qu’on dirait un écho de la lyre des anges
Tombé du haut du ciel sur le monde charmé.
(…)

George Sand ! à jamais reine des bucoliques !
Musique des baisers d’une exquise longueur !
Clairière de l’extase, où les mélancoliques
Vont se griser d’amour, de vague et de langueur.
(…)

De Vigny ! crépuscule automnal où l’on hume
Le mystère des bois, où l’oiseau jase encor
Et qu’attriste parfois au milieu de la brume
La fanfare plaintive et lointaine du cor.
(…)

Baudelaire ! Élixir de spleen et d’ironie,
Harem vertigineux des modernes Saphos !
Bal sinistre où l’orchestre a des sons d’agonie,
Et que la mort traverse en agitant sa faux.
(…)

(Fin d’Œuvre, pp. 147 à 150)

 

– L’AMANT NAÏF

(…)
Souvent, j’ai le soir à mon piano
L’apparition de ses mains fluettes,
Et j’admire sur les touches muettes
Le petit doigt rose où brille l’anneau.
(…)

Ame poétique et musicienne,
Humeur délectable, esprit distingué !
Et puis ton corps frêle, onduleux et gai
Incarne si bien la Parisienne !

(Fin d’Œuvre, p. 165)

 

– LE PALAIS HANTÉ
(interprétation d’une poésie d’Edgar Poe)

(…)
Et maintenant, hélas ! le voyageur peut voir
Dans ce val, à travers les fenêtres ardentes,
De grands spectres que des musiques discordantes
Font fantastiquement flotter et se mouvoir,
(…)

(Fin d’Œuvre, p. 192)

 

– LE VER CONQUÉRANT
(interprétation d’une poésie d’Edgar Poe)

Or, c’est nuit de gala ! durant ces jours de larmes,
De nombreux séraphins en pleurs, le front voilé,
Sont assis au milieu d’un théâtre isolé
Pour voir un drame plein d’espérance et d’alarmes.
Cependant que l’orchestre aussi doux qu’un soupir
Ou qu’un souffle qui rôde au fond des atmosphères
Joue extatiquement la musique des sphères
Et s’arrête et reprend pour encore s’assoupir.
(…)

(Fin d’Œuvre, p. 193)

 

– LA BOHEMIENNE

Voyez cette jeune fille

Si gentille

Qui laisse voir son sein rond,

En agitant sa main blanche

Et sa hanche

Aux accords d’un violon…

(…)

(poésie inédite, publiée par Jacques Patin dans un article intitulé « La jeunesse fiévreuse de Rollinat » (1ère partie), paru dans Le Figaro du 1er février 1930, page 6)

 

– DÉDIÉ À MA MÈRE POUR SA FÊTE

Mère, je prends ma lyre, et je mêle ma voix
aux suaves accords qui coulent sous mes doigts

comme une eau pure et cristalline ;

(…)

(Poèmes de jeunesse proposés par Catherine Réault-Crosnier et Régis Crosnier, p. 15)

 

– UNE NUIT

(…)  ;

une voix romantique

Venait de la montagne… ineffable, mystique,
On eut dit, par instants, comme le son d’un cor,
Comme un soupir de flûte, ou bien de harpe… encor.
(…)

Dans cette immense paix, le rossignol parfois
Glissa cet accent doux et tendre de sa voix,
Sublime expression d’une harmonie étrange,
Echo fidèle et pur de la harpe d’un ange,
(…)

(Poèmes de jeunesse proposés par Catherine Réault-Crosnier et Régis Crosnier, p. 57)

 

– CE QUE J’AIME

(…)
J’aime le beau ciel bleu,
Et mon piano sonore ;
(…)

(Poèmes de jeunesse proposés par Catherine Réault-Crosnier et Régis Crosnier, p. 63)