18èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES, À TOURS
Vendredi 26 août 2016, de 17 h 30 à 19 h
Marie-Françoise Sacré et son thriller du partage |
Lire la présentation de cette Rencontre.
Lire la présentation de Marie-Françoise Sacré par Catherine Réault-Crosnier.
C’est hyper-émouvant d’entendre parler de son livre en face du public qui écoute. Votre présentation, Catherine, est très complète alors que je n’ai pas préparé mon intervention.
J’écris beaucoup et je ne prends pas le temps de faire des concours. En 2014, j’ai présenté un manuscrit au concours « mon premier livre » au Chapiteau du Livre à Saint-Cyr-sur-Loire et j’ai eu le premier prix à l’unanimité, pour L’horloger du génome. Après, j’ai rencontré les lecteurs puis tout a été très vite.
L’éditeur organisateur du concours, Emmanuel Roc et sa collaboratrice, Christelle Liauté, m’ont confié le sujet de ce nouveau livre 316, l’ultime secret. Ils voulaient qu’un roman soit écrit sur Martin de Tours et comme le courant est bien passé entre nous, Emmanuel m’a dit : « Voilà. Est-ce que cela t’intéresse d’écrire sur Martin dont la cape a été coupée en deux ? » J’ai immédiatement accepté. C’était un peu ambitieux : saint Martin, ce n’est pas rien ! Tout de suite, je me suis dit : « Je vais le positionner dans le monde quantique. » Pourquoi pas ? Déjà Martin, c’est 1700 ans d’histoire. C’est un personnage à la fois légendaire, un saint et en plus, un symbole international. Je ne suis pas une spécialiste d’histoire, donc vraiment c’était ambitieux !
Et pourtant, cela m’a paru être une évidence : j’allais écrire ce roman ! C’était en novembre 2014. (Elle interroge le public) Je ne me trompe pas ? Il y a dans le public des amis qui me suivent depuis le début. Ils ont la joie de lire mes premiers écrits à chaque fois. Ce n’est pas toujours un cadeau, cette première lecture !
Pour Martin, j’ai fait des recherches générales. Il fallait que je comprenne le maximum de choses sous de nombreux angles possibles pour créer une intrigue qui ait du sens et de la profondeur.
La philosophie, les questions existentielles m’intéressent, sans écrire avec prétention. Les choses qui passent le mieux, sont celles qui paraissent simples, évidentes. Je n’ai pas pris une feuille en me disant « Voilà, il faut que je réponde à tel cahier des charges. Je vais faire un livre. » Non. J’ai ouvert l’espace. Je me suis dit que toute seule, je n’y arriverai pas donc j’ai pris contact avec certaines personnes et je suis allée les voir, préparant bien sûr les rendez-vous. Au départ, c’était « Oui, OK. Je vous écoute ». Je devais rester un quart d’heure et finalement je suis restée deux heures. Ça fait plutôt plaisir !
J’avais aussi besoin d’avoir un angle spirituel, d’être reliée à la Bible, au personnage vraiment fort de Martin. À cette occasion, j’ai mieux senti la « force » de l’Église, institution qui fait vivre les Écrits depuis des siècles, et ce n’est pas rien !
Je ne voulais pas non plus partir à l’aventure. Avec Martin, il faut être sérieux ! En même temps, le sujet est tellement vaste qu’il ne faut surtout pas se prendre au sérieux parce que, de toute façon, il y a de nombreuses questions et comme personne n’a les réponses, c’est pratique… Comme cela, on peut écrire un roman en suggérant ses propres réponses.
Début 2015 je me suis interdit d’écrire trop vite. J’ai posé mes idées, sous différents angles. Il n’y a que moi qui me retrouve dans ces écrits ! Pour ne rien oublier dans ce qui allait être évoqué, j’ai relié les choses entre elles, pour donner de la force et surtout dégager l’intrigue en pensant en premier, aux lecteurs. Après, j’ai fait un plan.
J’ai écrit d’avril à juillet 2015 et je me suis arrêtée dans un premiers temps en août pour le donner à mon éditeur qui n’avait rien vu mais m’avait fait totalement confiance. Il l’a lu et il m’a dit : « C’est passionnant ! Je n’ai pas décroché ! » Cela m’a fait énormément plaisir. Ça voulait dire que l’histoire passait. C’était le bon ton. Il y avait encore beaucoup de travail. En parallèle, j’ai peaufiné mon texte, lu, relu et corrigé sans cesse. Je l’ai donné à mes lecteurs-tests en revenant de vacances. J’écoute ce qu’ils me disent et ensuite je « re-peaufine ». À la mi-décembre, j’ai donné mon manuscrit à mon éditeur. Pour moi, le texte était stabilisé. Il faut savoir arrêter.
Écrire, c’est un « truc » que l’on fait jour et nuit. Sur le coup je ne m’en suis pas rendue compte. Seulement après car c’est l’inconscient qui travaille. C’est un peu spécial. Pour moi, cela se passe comme cela mais je ne suis pas seule à écrire ! À chacun sa façon. Il y a plein de gens qui écrivent. C’est très bien d’ailleurs et le numérique permet d’écrire et d’éditer des livres à compte d’auteur et c’est très bien. De là à « se prendre pour un écrivain », c’est autre chose. Quand j’écris (je commence à avoir un peu d’entraînement), il y a une idée qui m’arrive, comme ça. À partir de là, je laisse venir, je m’informe, je capte aussi beaucoup : les hasards de ce que je lis, écoute ou des gens que je rencontre. C’est étonnant ces hasards. Ils me rassurent, sont des signes qui me disent « oui, tu es sur la bonne voie, continue ! »
J’écris mon premier jet. Je m’arrête. J’y reviens. Après, vient la phase où je suis « dans » le roman, vraiment. Je lis à voix haute, c’est important comme en poésie, pour la musique, l’ambiance. Je le vis comme cela.
Un livre, c’est quelque chose d’extraordinaire car il appartient aussi bien à celui qui lit, qu’à celui qui écrit. L’écrivain a un peu d’avance, forcément. C’est un partage, un partage démultiplié car celui qui lit, a une perception différente de la mienne en fonction de sa vie, de ses sentiments, de ses connaissances, de sa sensibilité. Ce n’est pas le même livre que Monsieur (Marie-Françoise Sacré désigne quelqu’un dans le public) va lire, par rapport à Mademoiselle qui est ma fille là-bas. Quand le livre est lu par de nombreuses personnes, c’est à chaque fois, une vision différente.
C’est la première fois que je partage sur mon livre, que j’en parle en public. J’ai déjà eu l’occasion de le présenter à sa sortie, en février, lors de la manifestation de la Fondation du patrimoine à la bibliothèque de Tours dans le cadre des produits-partage (car le livre coûte seize euros et, comme vous le disiez, Catherine, un euro est reversé pour la rénovation de la basilique, donc c’est un produit-partage). Au passage, la Fondation du patrimoine m’a entendue faire une lecture à Michel Audiard et ils ont accroché et l’ont associé aux produits-partage. Ce livre est basé sur des rencontres. Rien n’est prévu d’avance et c’est très bien ainsi ! Et pour moi, l’auteur, c’est un super cadeau !
Michel Audiard et Léandre Pourcelot ont fait chacun un préambule. Je connaissais un peu Léandre Pourcelot auparavant. J’avais besoin d’une caution scientifique pour le côté technique de la physique quantique qui est présente dans ce roman. Je lui ai fait lire. Ensuite je lui ai dit « Si vous êtes d’accord, moi, j’aimerais bien avoir une préface de vous ». C’est formidable : il a accepté.
De la même façon, j’ai appelé Michel Audiard, que je ne connaissais pas du tout. Je lui ai dit : « Voilà, est-ce que je pourrais vous rencontrer car je vais écrire un livre sur Martin et j’aimerais introduire La Femme Loire avec votre aval. » Il m’a reçue en février. On a discuté. Je l’ai revu en novembre. Je lui ai lu, ça lui a plu.
Si vous voulez, je lis des extraits ou bien voulez-vous me poser des questions ? Oui, Monsieur ?
Un Monsieur du public (P1) : Dans la présentation du livre par Catherine Réault-Crosnier, il a été beaucoup question de saint Martin, Marmoutier et à un moment, après une petite phrase où le nom de Satan arrive, on parle de franc-maçonnerie. Alors je me permets de vous poser une question. Est-ce que vous parlez de la franc-maçonnerie pour ce qu’elle représente sur le plan philosophique, symbolique ou des personnes de Tours parlant de la franc-maçonnerie. Comme des responsables du clergé ont été cités, est-ce que vous parlez de responsables de la franc-maçonnerie ? Autrement dit, est-ce que c’est pour vous, une découverte livresque ou humaine par personne interposée ? Voilà. Et le livre s’intitule bien 316 l’ultime secret ?
Marie-Françoise Sacré : Oui. Dans la présentation de Catherine, les mots « franc-maçonnerie » et « Satan » se sont succédés. Mais loin de moi l’idée de lier les choses. Ce qui m’intéresse en fait avec la franc-maçonnerie, c’est que Martin est un personnage religieux. Il y a donc là une première opposition. La Femme Loire devait être sur le site de Marmoutier qui, lui, est religieux. C’est autre opposition. En premier, c’est Martin qui m’intéresse, personnage habité par Dieu et interpelé par le diable. Là aussi, c’est l’opposition Dieu/diable (mais je ne fais pas d’association entre Satan et la franc-maçonnerie) et aussi les oppositions géographiques liées, en particulier, à l’histoire au XIXe siècle avec la basilique. Tours est une ville de franc-maçonnerie. En termes d’opposition, il était naturel que j’aborde le sujet.
Mais au-delà de la franc-maçonnerie, le XIXe siècle a vu d’autres oppositions autour de la basilique entre les catholiques modérés et extrémistes. Voilà un autre jeu d’opposition. Tout cela est passionnant.
Moi, je n’ai pas de parti pris. En fait, pour des raisons diverses, tous les acteurs ont cherché et cherchent encore leur propre vérité à eux. Et ce qui m’a amusé, c’est qu’en fouillant, on trouve des citations identiques dans des camps a priori adverses. Martin est là, tout puissant, central dans ce roman et il renvoie à des questions. C’est une acrobatie pour l’esprit. On croit avoir compris. Eh bien, non ! Cela m’amuse beaucoup et en même temps, c’est surprenant. Comme pour le XIXe siècle à Tours avec ce qui s’est appelé « l’affaire Dreyfus de Tours », des gens ont passé leur vie à vouloir faire aboutir leurs idées et c’est autre chose qui s’est passé.
Cette période est un filon romanesque extraordinaire ! Mais il y en a d’autres ! Comme l’élection de Martin.
P1 : Merci. Cela me donne envie d’en connaître davantage.
Un Monsieur du public (P2) : Si j’ai bien compris, vous avez fait le lien entre saint Martin et la physique quantique ?
Marie-Françoise Sacré : Oui.
P2 : Alors, en tant que scientifique, je m’interroge sur le rapport de la physique quantique avec saint Martin car ce sont deux faits complètement différents.
Marie-Françoise Sacré : Absolument.
P2 : Alors pourquoi ?
Marie-Françoise Sacré : Je ne relie pas saint Martin à la physique quantique. Par contre la physique quantique me permet de croiser passé et présent par rapport à des personnages qui cherchent la cape de Martin, les deux fameux morceaux de la cape qui font l’objet de la quête. La physique quantique est un choix de style, un positionnement poétique (si vous voulez) et fourni des explications scientifiquement possibles à certains phénomènes… jusqu’à preuve du contraire. Ces phénomènes nourrissent mon histoire. Avec la physique quantique, c’est formidable ! C’est extraordinaire parce qu’avec elle, on peut pratiquement tout inventer ! On peut dire que la réalité est plus étrange que la meilleure créativité de n’importe quel individu. En fait, je n’ai pas de réponses sûres, je m’amuse à les rendre possibles.
P2 : Les mots n’ont pas tous le même sens pour l’un ou pour l’autre.
Marie-Françoise Sacré : Absolument.
P2 : Effectivement, je fais partie d’un groupe de lecteurs. On ne voit pas la même chose dans un livre. La lecture de la vie de saint Martin nous amène à plein de questionnements mais où est saint Martin ?
Marie-Françoise Sacré : C’est un roman. C’est un univers cohérent dans lequel on entre, ou non. Si on entre dans ce processus, la physique quantique est une sorte de clé supplémentaire pour trouver Martin.
Un Monsieur du public (P3) : Une question. Je voudrais savoir, c’est peut-être indiscret, mais vous me le soumettrez alors. Que pensez-vous personnellement de ce projet de La Femme Loire ?
Marie-Françoise Sacré : Je pense que répondre serait dommage pour l’intrigue du roman. Franchement ! Ce n’est pas que je me défile mais après, cela va vous donner une clef qui n’est pas forcément intéressante. De manière générale, dans mon tempérament, j’ai tendance à considérer les choses d’une manière… et pourquoi pas, d’une autre. Tout dépend de l’argumentation que l’on prend.
(P3 insiste).
Marie-Françoise Sacré : Personnellement, je trouve le lieu un peu « provocant », même si l’intention, j’en suis convaincue, n’était pas là ! Un de mes personnages dit « Culottée » en parlant de la femme Loire. J’ai failli le dire à Michel Audiard. Je me suis retenue. Ce qui m’apparait comme certain, c’est que Michel Audiard connaît bien Marmoutier et je crois pouvoir dire qu’il respecte et aime vraiment ce lieu.
Maintenant, un artiste c’est un artiste ! J’ai lu les articles de presse qui ont traité du sujet. J’ai vu la maquette. De manière générale, les artistes doivent être audacieux. Après, où doit s’arrêter l’audace... entre l’envie que peut avoir l’artiste de faire valoir son art et autre chose… Je n’en sais rien.
Je pense que la vie d’un artiste n’est pas une vie simple car c’est un défricheur donc il y a les pour, les contre. Est-ce que cela répond à votre question ?
(P3) : Oui. Est-ce que pour écrire votre livre, vous aviez besoin d’écrire sur La Femme Loire ?
Marie-Françoise Sacré : Oui, absolument. C’est un élément nécessaire à l’équilibre du roman, à son actualité et à ce qu’on pourrait appeler sa force.
Catherine Réault-Crosnier : Quand on lit votre livre, Marie-Françoise, nous avons ces réponses-là. Je pense que Marie-Françoise Sacré n’a pas envie de donner toutes les réponses car cela ferait perdre de la valeur à la découverte de son livre qui fait un tout. On part au fil de l’histoire et petit à petit, on suit son chemin. On comprend plein de choses qui, dites séparément, n’auraient pas le même impact.
Marie-Françoise Sacré : Merci Catherine.
Un Monsieur du public (P4) : Cela me fait penser à un roman que j’ai lu récemment La parole perdue de Frédéric Lenoir. C’est un thriller avec un argumentaire entre les forces du mal et le démon, en passant par les moines du Moyen-âge, etc. Et je me demandais si vous l’aviez lu ?
Marie-Françoise Sacré : Non, je ne l’ai pas lu. Et de toute façon, quand on est dans l’acte d’écrire, lire des romans peut nous mettre sous influence. J’ai lu ce qui m’intéressait pour mon livre. Je ne veux pas copier. La réponse est non.
Pour finir, Marie-Françoise Sacré a lu quelques extraits de son livre dont un sur La Femme Loire, un sur saint Martin ancré dans l’histoire tourangelle, un sur l’emplacement de l’ancienne basilique saint Martin avec les emplacements encore visibles au sol, rue des Halles.
Catherine Réault-Crosnier : Ce qui me plait beaucoup dans la démarche impressionnante de Marie-Françoise Sacré, c’est qu’il n’y a plus de présent, de passé, de futur. Nous sommes dans l’éternité en marche, avec les vivants et les morts car certains morts sont plus vivants que les vivants tel Martin dans ce livre car il traverse les siècles jusqu’à nous. Un grand merci à Marie-Françoise Sacré pour son thriller sur les pas de saint Martin et de la basilique.
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