11èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES, À TOURS
Vendredi 7 août 2009, de 17 h 30 à 19 h
Théâtre, humour, poésie de Catherine Réault-Crosnier |
|
Texte des pièces de théâtre jouées lors de la « rencontre »
Il y a trois personnages : le pharmacien (P), une dame (D) et un autre client (C) qui arrivent en même temps.
P : « Bonjour. »
D : « Bonjour monsieur. C’est moi la première. Je n’en ai pas pour longtemps. Voilà mon ordonnance comme tous les mois. »
P : « Comment allez-vous ? »
D : « Je suis très fatiguée. J’ai des rhumatismes partout et maintenant, j’ai mal à l’estomac. »
P : « Vous en avez parlé à votre médecin ? »
D : « Oui. Vous avez vu, il m’a rajouté du TUE-ACIDE ; il m’a dit que ça enlèverait l’acidité de mon estomac. Qu’en pensez-vous ? »
P : « C’est un bon médicament. »
D : « J’ai aussi la tête qui tourne. Une voisine m’a dit que ça devait être les yeux. »
P : « Mais si cela ne va pas, il faut revoir votre médecin. »
D : « Il me dit que ce n’est pas grave. »
C : « Pardon madame, vous en avez encore pour longtemps ? »
D : « Non monsieur. C’est juste mon ordonnance que je viens renouveler. Pourquoi ? Vous êtes pressé ? »
C : « Non, mais ça commence à être long et moi, je n’en ai pas pour longtemps. »
D : « On dit ça, on dit ça et après, on s’éternise. D’abord, vous êtes moins malade que moi et je suis arrivée avant alors je suis prioritaire. »
P : « Allez, calmez-vous, madame Dudule, je m’occupe de vous. »
D : « Heureusement que vous êtes gentil. Vous au moins, vous me comprenez ! Où en étais-je ? Ah oui, mes douleurs d’oreilles. »
P : « Je crois qu’il ne vous manque rien. Vous avez votre carte SANTÉ ? »
D : « Oui, c’est pratique, l’électronique et comme ça, je n’ai pasà payer. »
P : « Tenez, signez là. Voilà. Vous ne paierez que le TOUDOU. C’est dix euros. »
D : « Je cherche dans mon porte-monnaie. Un euro, deux euros, trois euros, deux euros. Ah, j’ai des petites pièces, une, deux d’un euro. Ça fait combien ? Je ne sais plus, moi. »
P : « Je vérifie. Le compte est bon. Tenez, voici vos médicaments. Au revoir, madame. »
Elle met ses gants, son chapeau mais elle ne part pas.
P : « C’est à vous, monsieur. »
C : « Voici mon ordonnance. »
La dame regarde le papier par-dessus son épaule. Le monsieur reste très digne.
P : « Pour l’OPTIYEUX, vous mettez combien de gouttes ? »
C : « Quatre dans chaque œil. »
P : « Alors je peux vous mettre une grande boite. »
D : « C’est quoi l’OPTIYEUX ? Moi, je n’en ai jamais eu. Ça pourrait peut-être marcher pour ma tête qui tourne. »
P : « Parlez-en à votre médecin. »
D : « Je le marque pour ne pas l’oublier. « OPTIYEU » ? Ça prend un X ou pas ? »
C : « Vous n’avez qu’à regarder sur la boite. »
D : « C’est qu’en plus, il n’est pas aimable, le monsieur. Moi qui essaie de faire connaissance comme ça, parce qu’on doit bien être voisin. Vous habitez où ? »
Le monsieur ne répond rien.
P : « Pour le VEINOTONUS, il faudra que vous reveniez, je n’en ai qu’une boite. »
C : « Je peux revenir quand ? »
P : « Oh, dès 18 heures, je l’aurai de la pharmacie centrale. »
D : « Moi, on ne m’a pas dit de repasser. »
P : « Vous avez tout ce qu’il vous faut, alors ce n’est pas la peine. »
C : « Je voulais aussi acheter autre chose. »
P : « Oui. Que voulez-vous ? »
Le monsieur hésite.
C : « Je préférerais être seul pour vous le demander. »
D : « Dites que je suis de trop, que je gêne pendant que vous y êtes. »
P : « Vous êtes servie, madame Dudule alors je vous dis à bientôt. » (Le pharmacien lui sert la main et lui ouvre la porte.) « Et soignez-vous bien. »
D : « Au moins, vous, vous me comprenez. »
Elle sort puis fait marche arrière et regarde par la fenêtre vitrée.
P : « Elle est partie. »
C : « Je voulais une boite de préservatifs pour mon fils mais je ne voudrais pas que tout le quartier le sache et elle pourrait croire que c’est pour moi. En attendant, je vais prendre la boite pour mon fils. C’est combien ? »
P : « Trois euros mais c’est du CRACPAS. C’est le plus résistant. »
Le monsieur paie et prend la boite.
C : « Au revoir, monsieur et merci. »
Il sort et tombe nez à nez avec la dame.
D : « Je vous ai vu ; alors vous avez pris des préservatifs. Vous n’avez pas honte à votre âge ! »
C : « Mêlez-vous de vos affaires. »
D : « Ah oui, vous prenez ça comme ça, eh bien, moi, je vais le raconter partout, chez l’épicière, chez la boulangère, chez la bouchère, chez le coiffeur ; ça vous apprendra à me répondre de travers ! »
C : « Les gens doivent avoir l’habitude alors ils ne vous croiront pas. »
D : « Je leur dirai de demander au pharmacien. »
C (un peu inquiet) : « Il ne dira rien. »
D : « Si, il le dira. »
C : « Non. »
D : « Eh bien, je rentre lui demander. »
Elle rentre ; il suit.
P : « Vous avez tous vos médicaments, madame Dudule, alors vous n’avez besoin de rien. »
D : « Si, de vous. Ce monsieur soutient que vous ne direz pas que vous lui avez donné des préservatifs. Vous le direz, monsieur Renard ? »
P : « C’est délicat de vous répondre mais j’avais oublié de vous parler de votre dos. Vous ne m’avez pas dit si la crème MASMUSCLE vous a fait du bien ? »
D : « Oui, j’ai toujours une douleur là, le long de la colonne vertébrale et ça me fait bien souffrir. C’est vrai qu’avec la crème, ça va mieux mais ce n’est pas facile de la mettre. L’autre fois, j’ai dû demander à ma femme de ménage. Au lieu de cirer les meubles, elle m’a frotté le dos et ça m’a soulagée. C’est gentil de prendre de mes nouvelles. Au fait, pourquoi je revenais ? »
Le monsieur se fait discret et repart silencieusement.
P : « Oh, juste pour me parler encore un peu. N’oubliez pas de soigner votre santé et vous me direz si cela vous a fait du bien. »
D : « Je reviens quand ? »
P : « Mais vous pouvez toujours venir me dire un petit bonjour demain en passant. C’est toujours avec plaisir que j’ai votre visite. Au revoir, madame Dudule. »
UN CHAUVE CHEZ LE COIFFEUR
Un chauve (CH) arrive de la rue. Il porte des perruques et entre dans le salon de coiffure. Tout le monde se retourne. Le coiffeur (CO) croit qu’il s’est trompé d’endroit.
CO : Bonjour Monsieur. Je suis coiffeur.
CH : Bonjour Monsieur. Je suis client. Je viens pour mon rendez-vous.
CO : Mais je vous vois chauve.
CH : Il ne faut pas se fier aux apparences. (ton vexé) Vous refusez un client ?
CO : Moi Monsieur, jamais. Asseyez-vous.
CH : (Il s’assoit à une place au milieu du salon) Je suis chargé de perruques (Il les montre) mais il ne faut pas tout laisser choir (tous les séchoirs). (Il les pose à terre).
CO : Ne me rasez pas. Barbe alors !
CH (d’un air rêveur) : Mais je n’ai pas de barbe, ni de cheveux d’ailleurs.
Co : Ne crânez pas ou je vous fais une mise en plis.
CH : Mon costume en aurait bien besoin.
CO : Votre crâne ridé aussi. Vous voulez une teinture ?
CH (d’un ton agressif) : Pour mon imper ? Vous me prenez à rebrousse-poil.
CO : Vous les voulez courts, moyens, longs, frisés, raides ?
CH : Coupez court à cette discussion. Elle est trop raide.
CO : Je ne trouve pas le sens du poil.
CH : Il n’y a pas de sens interdit.
CO : Oui mais je peux couper en rond, en sens giratoire ou en sens unique mais je ne peux pas faire marche arrière.
CH : Vous pouvez me conseiller.
CO : C’est le client qui choisit. Finalement vous voulez que je vous les coupe comment ?
CH : Me couper quoi ?
CO : C’est à vous de choisir. Vous avez pris rendez-vous pour ça. Si je peux me permettre, Monsieur, je peux vous proposer ma lotion « Pousse toujours » qui ravive les cheveux.
CH : Lesquels ?
CO : Ceux qui restent.
CH (Il sourit) : Il faudra les chercher à la loupe.
CO : Je vois, un chauve sourit.
CH : Non une.
CO : Non un. Ne soyez donc pas rasoir. Je vous les crème ?
CH : Ne mettez pas d’huile sur le feu.
CO : Monsieur veut rire. Je ne les fais jamais frire.
CH : Pour un coiffeur, ce serait à s’en arracher les cheveux.
CO : Vous me rasez. Cela ne vous arrivera pas.
CH : Raser un chauve, il faut le faire. Puisque c’est ça, je pars. (Il se lève).
CO : Attendez ! Je suis prêt à tout pour satisfaire le client. Que vouliez-vous en prenant rendez-vous ?
CH : Voir le travail du coiffeur.
CO (perplexe) : Vous faites quoi dans la vie ?
CH (d’un ton sérieux) : Il faut que je peigne.
CO : Alors on se ressemble.
CH : Non.
CO : Si.
CH : Non.
CO : Vous savez les clients demandent des mèches rouge vif ou bleu ou argenté.
CH : Je préfère les camaïeux.
CO : Moi, les clients en or.
CH : Je ne sais pas.
CO : Vous séchez ?
CH : J’avoue mais je ne donne pas ma langue au chat car après les cheveux, il ne me resterait pas grand-chose.
CO (regardant le crâne de son client) : Asseyez-vous. (Le chauve obéit et s’assoit à une autre place près de la rue). J’essaie de garder la raie au milieu ?
CH : Moi, je tourne en rond.
CO : Il faut bien prendre une décision.
CH : Comment faites-vous pour garder la ligne ?
CO : C’est naturel chez moi comme les cheveux.
CH : Ça sent le roussi. Un séchoir brûle, là. (Il montre du doigt l’endroit près des perruques).
CO : Au feu ! Au feu !
CH : Au secours ! Mes perruques brûlent ! Chauve qui peut !
Chacun s’enfuit sous la fumée qui peu à peu envahit la scène, pendant que des gens jettent de l’eau en tout sens et que d’autres échevelés, s’enfuient, dans un charivari de cris
DES ENNUIS À LA LOUCHE
(LES COURSES DU SAMEDI MATIN)
Dans un supermarché, une femme entre avec son chariot. Un haut-parleur annonce :
« Mesdames, Messieurs, vous êtes dans le supermarché TOUTACHAT qui vous facilite la vie. Vous pouvez faire le plein de tout ce que vous voulez. Partout dans les rayons, vous trouverez des produits en promotion et pendant quinze jours, ce sont les soldes de vêtements, des réductions jusqu’à cinquante pour cent. Profitez-en. »
La femme soupire.
F : « Des réductions sensationnelles ! Ça m’étonnerait bien. Des fois, c’est plus cher que d’habitude. Il faut vraiment faire attention car ils nous prennent pour des dindes. Moi, je vais à l’accueil. »
Elle attend derrière le comptoir de l’accueil. Il y a une file et une seule personne débordée, qui répond au téléphone et sert un client en même temps, remplit des bons de garantie en parlant, etc.
A (ton saccadé) : « C’est pourquoi ? »
F : « J’ai acheté une cuisinière et il y a un défaut d’émail sur le dessus. Les employés l’ont mentionné là. » (Elle montre son papier) « C’est pour avoir un dédommagement. »
A (Elle jette juste un œil) : « Demandez au rayon où vous l’avez achetée. Au suivant. C’est à qui ? »
Juste à ce moment le téléphone sonne. Elle décroche.
A : « Allô ? »
Q : « C’est à moi. »
La femme de l’accueil continue son travail. La femme se dirige vers le rayon qui la concerne et s’adresse à un employé E1.
F : « Bonjour monsieur. »
E1 : « C’est pourquoi ? »
F : « Voilà, j’ai vu la dame de l’accueil qui m’a dit d’aller au rayon où j’ai acheté ma cuisinière. C’est ici ? »
E1 : « C’est pourquoi ? »
F : « Voilà. La cuisinière que j’ai achetée dans votre magasin, avait un défaut d’émail à la livraison. C’est marqué ici. » (Elle tend son papier) « Et je viens pour… »
Elle est coupée par l’employé qui a lu le papier.
E1 : « Cela ne me concerne pas. C’est ma collègue qui vous l’a vendue, c’est elle qu’il faut voir. Son nom est marqué ici. »
F : « Et elle est là ? »
E1 : « Non, elle arrive dans une heure, vers onze heures. (Ton hermétique) Je ne peux rien pour vous. Revenez. »
La femme repart, lasse.
F : « Je vais en profiter pour acheter une cartouche d’encre pour l’imprimante de l’ordinateur. »
Elle arrive au rayon concerné et voit l’employé n° 2.
E2 : « C’est pourquoi ? »
F : « Je viens pour acheter une cartouche d’encre pour l’imprimante de l’ordinateur. C’est la marque POMPEVITE98CK. »
E2 : « Nous n’en avons plus actuellement en rayon. Nous sommes en rupture de stock. Il faut attendre. »
Il voit l’air déçu de la femme et essaie de l’aider. Il montre un grand carton qui encombre l’allée par terre.
E2 : « À moins que, dans ce grand carton-là qui n’est pas encore déballé, il y en ait. C’est possible mais ce n’est pas sûr. Revenez cet après-midi, le carton sera déballé et je pourrai vous le dire. »
F : « Décidément, il faut que je revienne partout ! »
E2 : « Si vous préférez revenir plus tard, c’est votre problème. »
F : « À moins que je change d’encre car la cartouche ne m’a pas duré longtemps et elle coûte cher. Avez-vous une autre marque à me proposer ? »
E2 : « Quelle est la marque de votre ordinateur ? »
F : « C’est un FUTUROBOT P0395. »
E2 : « C’est une bonne marque… Je réfléchis… Ah oui, il y a aussi les cartouches TACHETOUTXBM6 qui pourraient aller et sont moins chères. »
F : « Elles sont de bonne qualité ? »
E2 : « Oui. Elles sont moins chères parce que c’est un fabricant d’encre. »
F : « C’est combien ? »
E2 : « Je ne me rappelle plus le prix mais de toute façon, nous n’en avons pas en stock. Nous ne les livrons que sur commande et le délai d’attente est imprévisible. »
F : « Alors ce n’est pas mieux. Vous avez autre chose à me proposer ? »
E2 : « Non. Au revoir madame. »
F : « Au revoir. » (Elle repart) « C’est mon jour de chance, ce samedi matin ! J’aurai dû prendre un billet de loterie. J’aurai été sûre de perdre ! Tiens, je sens des odeurs de poulet rôti. Je vais aller en chercher un. Au moins s’il y a l’odeur, je suis sûre qu’il y en a et que je n’aurai pas besoin de revenir cet après-midi ! »
Elle se dirige vers les rayons d’alimentation et arrive devant l’écriteau « POULETS RÔTIS ».
F (Elle se parle à elle-même) : « En plus, il n’y a pas d’attente. Aurai-je de la chance ? Je vois des poulets en train de cuire mais pas de vendeur. »
Elle hausse le ton.
F : « Il y a quelqu’un ? »
Un employé E3 arrive.
E3 : « Bonjour madame ; que puis-je pour votre service ? »
F (à part) : « Ça fait plaisir quelqu’un de gentil enfin. » (Plus haut) « Je voudrais un poulet rôti. J’ai senti l’odeur, ça me tente. »
E3 : « Bien sûr madame mais comme vous le voyez, ils sont en train de cuire, revenez dans un quart d’heure et ils devraient être prêts. » (Il repart)
F : « Mais qu’est-ce qui m’arrive ce matin ! Tout va de travers. Bon, je vais faire d’autres courses. Ah oui, je voulais une louche en inox. Là, il n’y aura pas de problèmes de cuisson ! » (Elle y va, regarde, hésite)
F : « Voilà, il y a bien des louches en plastique mais je n’en vois pas en inox. C’est gênant en plastique ? Ça peut fondre à la chaleur ? Ah, miracle, là-haut, il y en a. »
Elle se met sur la pointe des pieds, lève le bras. Bruit de louches qui tombent sur sa tête et au sol. Tout le monde se retourne.
F : « Patatras ! Là, j’en ai des louches et j’ai le choix, plus que j’en veux. »
Elle regarde autour d’elle et voit un employé qui arrive en courant.
E4 : « Vous ne pourriez pas faire attention ! »
F (bras pendants) : « C’était trop haut pour moi. Je suis désolée. »
E4 : « Qu’est-ce qui va ramasser et les remettre là-haut ? Ce n’est pas vous, n’est-ce pas ? »
Il commence à le faire.
F : « Ça non, je ne suis pas assez grande. Aussi, quelle idée de percher ça si haut ! »
E4 : « On casse tout et on dit du mal du magasin en plus ! Vous auriez pu appeler un employé ! »
F : « Bof ! Pour ce qu’ils sont efficaces, les employés. Je n’en garde pas un bon souvenir. »
E4 : « Merci pour moi. En plus, elle n’est pas aimable, la petite dame. »
La femme prend une louche et la met dans son chariot ; elle repart en marmonnant.
F : « Tout ça pour une louche. C’est dur de faire ses courses. Tiens, je vais aller au poulet maintenant. Mieux vaut que j’arrive en avance. »
Elle y va et voit une longue file. Elle attend son tour, stoïque.
CL1 : « Pour moi, ce sera des pilons mexicains. »
E3 : « Combien ? »
CL1 : « Un kilo sept de petites pattes. »
E3 le sert : « Voilà. »
CL1 : « Attendez. Si on en rajoutait trois, ça ferait deux kilos nets. C’est mieux. »
E3 : « Voilà. »
L’employé pèse le paquet puis lui donne et il repart.
E3 : « C’est à qui ? »
CL2 : « C’est à moi ; je voudrais un jarret de porc. »
E3 en prend un et le met dans un sac.
CL2 : « Non pas celui-là, l’autre. »
Il est moins accessible à l’homme qui se tord en avant pour le piquer et le prendre.
E3 : « Voilà. Il vous faut autre chose ? »
CL2 : « Ah oui, un poulet rôti, un beau et un bio, élevé en plein air et nourri aux céréales. »
E3 : « Aujourd’hui, monsieur, il y a une promotion sur les poulets rôtis mais je ne sais pas comment ils sont élevés. »
CL2 (se retourne vers la file d’attente) : « Alors ce sont de pauvres poulets élevés en batterie, qui ne voient pas le jour, mangent des farines douteuses et attrapent des virus. C’est une honte de vendre ça ! »
Quelques personnes ragent : « Vous n’êtes pas obligé d’en acheter ! Si vous n’en voulez pas, partez. »
E3 : « Alors… »
CL2 : « J’hésite. Si ça se trouve, il a aussi des hormones. »
E3 : « Ça m’étonnerait. »
CL2 : « Il n’est pas trop poivré ni épicé ? »
E3 : « Non monsieur. Alors vous le prenez ? »
Des gens toussent d’impatience : « Hem, hem ! »
CL2 : « Je le prends mais à contre-cœur. Je ne sais pas si je vais le digérer. »
E3 : « C’est à qui ? »
CL2 : « Ah non, je veux autre chose. »
E3 (gardant son calme) : « Quoi d’autre ? »
CL2 : « Trois tranches de jambon blanc, des fines. C’est pour les mettre en entrée avec de la macédoine, à la mayonnaise. »
E3 : « Lequel ? »
CL2 (hésitant) : « Vous n’en n’avez pas du bio ? »
Les gens de la file d’attente en ont marre : « Encore ! Il ne va jamais en finir ! »
E3 (gardant son calme) : « Celui-là, c’est du supérieur. »
CL2 : « Bon alors, oui, je vous fais confiance. Je vous dirai ça la prochaine fois. »
E3 (air aimable) : « Ce sera tout ? »
CL2 : « Oui, pour aujourd’hui. Je vous dirais si j’ai aimé quand je reviendrai. »
E3 « Au suivant. »
CL3 : « Un poulet rôti mais un beau. »
E3 (conciliant) : « Celui-là ? »
CL3 : « Oui. »
F : « À ce rythme-là, j’en ai pour une demi-heure avant d’être servie. Tant pis pour le poulet rôti. Faute de mieux, j’aurai eu l’odeur. J’irai manger au self-service TOUBIO juste à côté mais j’espère que je ne retrouverai pas le client du poulet bio… »
La femme s’éloigne du rayon et se dirige vers les caisses.
F : « Quelle queue ! Et dire que je vais faire la queue juste pour une louche ! »
Elle s’adresse aux gens qui sont devant elle.
F : « Je n’ai qu’une louche, je peux passer ? »
La foule grommelant devient agressive.
X1 : « Vous vous moquez du monde de monopoliser une place juste pour une louche ! »
X2 : « Il y en a qui ont tous les droits. Ils se croient tout permis ! »
X3 : « Elle attendra comme tout le monde. »
La femme s’éloigne de la caisse et retourne au rayon de la louche.
F : « Tout compte fait, je vais reporter la louche. Je ne suis pas pressée de l’avoir et comme cela, je sortirai plus vite. »
Elle essaie de la reposer en hauteur. Elle en fait tomber deux, trois et a encore sa louche à la main.
E4 : « Je vous reconnais. Vous le faites exprès ou quoi, de faire tomber des louches. C’est louche. Vous en vouliez une autre ? »
Il lui tend une deuxième louche.
F : « Non, tout compte fait, je viens la reposer. »
E4 : « Mais c’est de la provocation. Vous voulez que je ramasse vos louches combien de fois ? »
F (bafouille) : « Voilà, je voulais l’acheter mais il y a tellement de monde aux caisses que j’abandonne. C’est comme pour le poulet. »
E4 : « On ne vient pas un samedi matin, jour d’affluence, juste pour une louche ! »
F : « Mais je ne venais pas que pour ça ! »
E4 : « En tout cas, votre chariot est vide. »
F : « Oui, il y a aussi la queue au poulet. »
E4 : « Je n’y comprends rien mais redonnez-moi votre louche. » (Elle la tend, la donne ; il la remet et la regarde droit dans les yeux.) « Et ne repassez plus par là, ce matin ! »
F (penaude) : « Non, non, je m’en vais. »
Elle part.
F : « Je vais aller manger maintenant. »
Elle sort du magasin et regarde de loin l’endroit du self-service.
F : « Ah… Il y a une queue jusque dans le couloir ! Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas mon jour de chance. Je vais rentrer chez moi et je mangerai des conserves ou du surgelé. »
UN CHIEN DANGEREUX
Un père vient à la consultation, avec sa fille âgée de 11 mois. Il fait de son mieux pour élever sa fille.
- Votre femme n’est pas venue avec vous, pour parler du bébé ?
- Non, non.
- Elle n’est pas malade ?
- Non, non.
- Elle travaille ?
- Non, non.
- Elle est où ?
- Dans l’appartement.
- Mais pourquoi n’est-elle pas venue à la consultation ?
- Parce qu’il faut garder le chien.
- Mais pourquoi ?
- Parce que quand ma femme n’est pas là, il ne fait qu’aboyer, hurler. Les voisins se plaignent et se fâchent avec nous. Il faut dire, les voisins, ils ne sont pas fins. Ils disent du mal de nous partout. Alors ma femme reste avec le chien et comme cela il n’aboie pas.
- Il n’est pas dangereux pour le bébé ?
- Non, non.
- Le bébé ne lui tire pas les poils ?
- Oh non.
- Il faudra faire attention en grandissant. C’est quoi comme chien ?
- Un fox terrier.
- Oh alors, ça aboie, c’est vrai mais ce n’est pas dangereux.
- Oh mais c’est qu’il est croisé !
Le médecin a un moment d’hésitation, pensant au croisement de certains chiens bâtards avec un labrador… mais visiblement ce n’est pas le bon format de chien pour…
- Il est croisé quoi ?
- Il est croisé caniche, dit le papa très fier.
|