7èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES, À TOURS

Vendredi 26 août 2005, de 17 h 30 à 19 h

 

Gilbert LELORD,

spécialiste de l’autisme à l’écoute du vulnérable

Portrait de Gilbert LELORD par Catherine RÉAULT-CROSNIER.

 

Réponse de Gilbert Lelord après la lecture du texte de la « rencontre »
et débat avec le public

 

Gilbert Lelord, le 26 août 2005, dialoguant avec le public.

 

Gilbert Lelord :

Je n’aurai pas la prétention de compléter les tableaux qui ont été donnés d’une façon particulièrement complète. Donc, je voudrais tout d’abord remercier Madame le Docteur Catherine Réault-Crosnier et son équipe, tout particulièrement son mari, Monsieur Régis Crosnier et sa fille Claire pour ces remarquables réunions des Prébendes qu’ils animent depuis tant d’années, et puis remercier aussi les amis qui sont venus, les amis de l’équipe tout d’abord parce qu’il y a beaucoup d’amis de l’équipe qui sont présents et qui, avec les parents, depuis tant d’années également, se sont attachés avec beaucoup d’attention, à améliorer ces enfants vulnérables, par des procédés de rééducation et par des contacts individuels. Je veux aussi remercier les amis de toujours, les amis des collectivités locales et régionales, les amis de l’Université, les amis du CHU de Tours, les amis du Lion’s Club, les amis de l’unité INSERM également qui, depuis l’année 1987, travaillent à ces sujets difficiles mais tout à fait passionnants.

Après avoir remercié insuffisamment, je voulais rappeler que les tableaux qui ont été donnés, sont beaucoup trop élogieux. Alors je dois vous dire que ce que je peux ajouter, si je peux me permettre de rajouter quelque chose, c’est de voir au fond, les relations entre cette vulnérabilité et cette invulnérabilité parce qu’évidemment d’un côté, l’équipe dont je parlais, s’est attachée à aider des enfants vulnérables. Alors ces enfants vulnérables, ils ont comme on vous l’a dit, des troubles de la communication, c’est-à-dire que beaucoup ne parlent pas. Il faut le savoir, c’est très douloureux pour eux et puis pour leurs familles. Beaucoup ne parlent pas ; d’autres ne font que répéter c’est-à-dire « Comment vas-tu ? », « Comment vas-tu ? », « Tu vas bien », « Tu vas bien ». Ils répètent ce qu’on leur dit en écho. Et d’autres ne disent que quelques mots c’est-à-dire « fini », « tant mieux », mais en fait, c’est déjà très bien mais c’est vous dire que la communication n’est pas leur fort. D’autre part, ils ont une grande sensibilité aux contrariétés c’est-à-dire si, par exemple, un jouet leur résiste, et bien, il s’agit simplement d’enfoncer un cube dans une boite, la boite résiste, le cube résiste alors ce sont des cris, des colères et puis on n’hésite pas à casser la boite. Voilà deux exemples des traits qui caractérisent ces enfants vulnérables. Alors, à l’opposé, les invulnérables dans le même domaine, ont des caractères opposés c’est-à-dire dans le domaine de la communication, ils ont une communication facile, et non seulement la communication est facile, bien plus ils sont bienveillants et prévenants. Par exemple, François d’Assise dont on vous a beaucoup parlé, ne mangeait pratiquement rien mais il faisait très attention à la nourriture des autres, et il disait « et bien oui, moi je suis fait de telle sorte qu’il me faut très peu de choses pour survivre ». Alors, effectivement, il se contentait de très peu de choses ce qui l’amenait quand même à ce qu’on appelle la misère physiologique. Voilà pour ce qui concerne la communication.

Pour ce qui concerne la résistance aux frustrations, aux difficultés, et bien là aussi, on peut opposer la vulnérabilité et l’invulnérabilité. On peut prendre l’exemple de Bernadette qui était sans cesse contrariée notamment après ses apparitions, il y avait des gens agressifs, des gens qui l’ont giflée et des gens qui disaient : « Alors toi, tu voudrais nous faire croire » et elle, sans remuer un cil, répondait : « Ah, mais je ne suis pas chargée de vous faire croire, je suis chargée de vous le dire. » Et elle est restée impavide devant mille sources d’agressivité. Je dois vous dire qu’un enfant autiste n’aurait pas eu cette patience. Voilà donc une sorte de parallèle qui explique qu’après avoir étudié comme on vous l’a dit, d’une façon très claire, la vulnérabilité avec des tests psychologiques, il était finalement tentant d’étudier avec les mêmes tests, avec la même méthode, qui est une méthode scientifique n’hésitons pas à prononcer le mot, l’invulnérabilité.

Alors la conclusion de tout cela, c’est qu’on vous a parlé des recommandations aux parents et bien, en fait, n’est-ce pas, qu’il s’agisse de vulnérabilité ou d’invulnérabilité, on retrouve partout la mère, la mère avec son attachement, avec toutes les méthodes d’ailleurs qui sont décrites. Les méthodes de rééducation les plus sophistiquées ressemblent quand même comme deux gouttes d’eau au comportement des mamans avec leur petit enfant. Alors j’ai vu qu’il y avait ici des petits enfants et certainement les comportements qui leur sont donnés, sont parfaitement opportuns. Le Professeur Robert Debré qui est un familier de la Touraine, disait : « Écoutez les mères. » Et bien, si à travers la vulnérabilité et l’invulnérabilité, nos critiques ont pu contribué à la réhabilitation de la mère, elle n’aura pas perdu son temps.

 

La parole est ensuite donnée au public

Quelqu’un du public :

Juste une question. Finalement, l’invulnérabilité semble liée dans ton dernier livre, à l’attachement chez l’enfant, qui est une notion qui fait suite, je pense, à la notion d’empreinte décrite par Konrad Lorenz chez l’animal. Donc cet attachement est nécessaire, semble-t-il d’après ton livre, à l’apparition de l’invulnérabilité. Je voulais savoir si cette notion d’invulnérabilité était équivalente à la notion de résilience.

 

Réponse de Gilbert Lelord :

Pour répondre à propos de la résilience, en fait la résilience survient chez des sujets qui ont été très traumatisés, qui ont été un peu bousculés dans leur vie et qui ont compensé leurs difficultés, tandis que chez les saints que j’ai eu la chance d’étudier, ils avaient au contraire, tout à fait une enfance d’attachement dont tu as parlé, c’est-à-dire que dans l’ensemble, leur enfance, en tout cas leur première enfance, a été très heureuse. Alors, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de grands traumatismes, par exemple la petite Thérèse a perdu sa mère à quatre ans, mais les premières années ont été des années très, très choyées. Et je dois dire que l’on retrouve ça d’ailleurs chez nos enfants vulnérables, car en fait, les parents sont très attentifs à ces enfants, contrairement à ce qu’on a pu penser et même dire. Et au fond, on retrouve les mêmes éléments d’un côté comme de l’autre, à ceci près que les enfants vulnérables ont un trouble du développement du système nerveux.

 

Même personne du public :

Je pense qu’il y a une petite note pessimiste à la page 14 de ton livre « Invulnérables », quand tu dis que l’humanité n’a pas changé depuis des siècles et des siècles et que le problème des médias, des moyens de diffusion moderne qui risquent d’aggraver les problèmes de développement pour le troisième millénaire. Mais je pense que ces mêmes moyens de développement peuvent laisser aussi des espoirs pour des actions futures telles que celles que tu proposes.

 

Réponse de Gilbert Lelord :

Cela me rappelle une réflexion de Saint Vincent de Paul qui a passé sa vie en disant : « Tout bonnement, tout simplement » et à ce propos, je voudrais dire que le fait de parler de l’invulnérabilité ne rend pas spécialement invulnérable. Et je vous en donnerai un exemple, c’est celui d’Alec Guinness qui est un acteur, je le prends parce que vous le connaissez tous, notamment vous l’avez vu dans le film « Le pont de la rivière Kwaï », Alec Guinness s’est converti au catholicisme très tôt et il disait avec l’humour qui lui est particulier « Vingt-cinq années de génuflexion pour m’arrêter au quatrième whisky et pour dire peut-être un peu moins de mal de mon prochain ».

 

Menie Grégoire sollicitée par Catherine Réault-Crosnier :

Je veux simplement dire que, quand j’ai rencontré le Professeur Lelord, j’ai tout de suite compris que c’était quelqu’un qui méritait d’être connu et je m’en suis aperçue en lisant certains de ses livres, les premiers que j’ai mal compris, Dieu sait pourtant si cela m’intéressait, sur l’autisme et les tout derniers qui peuvent être compris par tout le monde. Je le remercie moi aussi, d’être là et d’être lui-même.

 

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