5èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES

Vendredi 1er août 2003, de 17 h 30 à 19 h

 

Maurice SERRAULT

 

par Léa SERRAULT

Léa SERRAULT lisant son texte sur Maurice SERRAULT, lors des 5èmes Rencontres littéraires au jardin des Prébendes, à Tours, le 1er août 2003.

 

À l’invitation de Catherine RÉAULT-CROSNIER, j’ai le plaisir d’être avec vous dans ce jardin que mon mari aimait tant. Il l’a parcouru tellement de fois – il en connaissait chaque bourgeon nouveau, chaque fleur nouvelle.

Je suis l’épouse de Maurice SERRAULT qui est né 87, rue Lakanal, le 7 mai 1921, donc c’est vraiment l’enfant du quartier. Il y a vécu jusqu’en 1964 et j’ai passé quelques années dans ce lieu après notre mariage. Maurice est décédé en 1999 dans sa ville de Tours qu’il aimait tant, d’ailleurs qu’il appelait « ma ville ».

Il m’a laissé beaucoup de poèmes, de récits, de contes, d’histoires et écrit dans de nombreuses revues littéraires. C’était un artiste complet ; il a fait de la chanson, sous le pseudonyme de « Rismo », de la radio également, notamment sur Radio-Méga-Tours sous le titre de « Dis pépé, chante-moi une chanson ». La télévision lui a fait appel, l’opérette aussi, ainsi que quelques apparitions dans des films de Fernandel. C’est loin tout ça, n’est-ce pas !

Peut-être que quelques personnes se souviennent de lui. Si oui, qu’elles se fassent connaître. J’en serai heureuse.

Maurice était un homme simple, bon et généreux. Je vais vous lire quelques-unes de ses poésies.

Je l’ai fait éditer ; si vous êtes intéressé par son recueil « Les sorciers de la poésie », venez me voir.

 

Donc de Maurice SERRAULT :

 

À parler du temps qui passe

À parler du Temps qui passe,
on l’étire et il devient trop long !
La jeunesse est une vieille dame
Se pourléchant de cotillons surannés.

Marche ! dans l’incertitude
Tu as l’expérience des pierres et des tessons
Et puis ta plante des pieds a foulé
tant de chemins impraticables,
jalonnés de hasards et d’invisibles trappes.

Marche ! et chante les quelques bornes
qui restent devant toi...
Chante ! une fois de plus
Sans chercher à comprendre !
Tout en jouissant de l’air des forêts,
des ombres fortes de la montagne !

Marche ! en ruminant tes vieux poèmes
qui s’imposent et viennent s’empêtrer
dans des phrases aux prétentions nouvelles,
mais qui depuis quarante ans ronronnent
comme un chat toujours disponible
aux mêmes mélodies du feu de cheminée.

Est-ce une ombre qui attend au carrefour
Ou un pan de nuit qui s’écroule ?

 

Le poids des choses

Des tonnes ! Ça pèse des tonnes ! La nuit va tomber.
Ça pèsera plus lourd encore. Les étoiles effarouchées
pressentent un danger imminent. « Maman ! Comme
il fait chaud ! Comme il fait lourd ! » « C’est logique
petit Pierre ! Dors ! Un beau rêve viendra te chercher
avec une jolie fée toute blonde. Il y aura des vers
luisant dans ses cheveux. »

Des tonnes ! Ça pèse des tonnes ! La nuit est tombée
depuis longtemps. Maintenant ce sont les nuages qui
se laissent choir. Ça pèse lourd, les nuages, quoiqu’on
en pense ! L’enfant sommeille. Il a rencontré la fée et
les oiseaux. La mère tient une cigarette entre ses
doigts crispés.

Des tonnes ! Ça pèse des tonnes ! Mais au bas de
l’addition, une tonne, mille tonnes vues de l’infini et
pour l’éternité, ça ne pèse pas même le millième d’une
plume. Allez donc dire cela à l’homme dont les
épaules croulent, il va vous injurier!

 

Pleurer

Pleurer
sur son sort.
Sur les hommes
Et la vie.

Pleurer
sous les nuages
brouillant larmes et pluie.

Pleurer
sur la mort qui sourit
Sur les âmes perdues
et les cœurs retrouvés.

Pleurer
de joie, de douleur
Pleurer
de crainte et de peur.

Pleurer pour un rien.
Ce rien d’insondable
qui sommeille en chacun.

 

De son dernier recueil :

Rire

Arpège en rire majeur
Cascade tout en couleur.
Une fille fait risette
à sa jeunesse exubérante.

Éclats !
Qui brisent la tristesse
Et fait luire tes yeux.

Un rire explose.
Le corps se détend
et le cœur se sent bien.

Capable de rire,
les morts renaîtraient !

Mais leurs ombres sereines
éprouvent notre misère.
Vivants des jours anciens,
sous l’épitaphe larmoyante,
dans des tombeaux incertains.

Riez pour nous !

(Les verbes sont des mots.)