5èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES
Vendredi 1er août 2003, de 17 h 30 à 19 h
Victor HENNETEAU
par Annick LE GALL-GOUGEON | |
| Victor HENNETEAU, le 18 mai 2003, à Azay-le-Rideau, jour où ses cent-deux ans ont été fêtés par tous ses amis. |
J’ai la grande joie aujourd’hui de vous parler de Victor HENNETEAU, le doyen des poètes tourangeaux - peut-être même, le doyen de tous les poètes à ce jour.
Victor a eu cent-deux ans. Né à Angles-sur-Anglin, il vient en Touraine dans son enfance et ne l’a plus jamais quittée.
À travers ses poèmes, j’évoquerai son passé et vous ferai connaître ses passions, sa nostalgie, sa sagesse.
Sa vie a été bien remplie, parlant du travail, il dit « Au début, je ne tenais pas en place. » - Pendant trente ans Victor HENNETEAU a été peintre en bâtiment, mais avant ! Il s’en est passé des choses.
Au lendemain de son certificat d’études, il commence à travailler comme clerc d’avoué chez Me Bertrand, rue de Clocheville n’étant pas vraiment passionné de recopier des jugements, il cherche un autre emploi. C’est dans une épicerie de gros qu’il travaille avant d’entrer au magasin des matières de la compagnie ferroviaire Paris-Orléans, situé à Saint-Pierre-des-Corps. Là dit-il, « On a refusé de me garder parce que mon casier judiciaire n’était pas vierge. » - Pourquoi ? Que pouvait-on reprocher à Victor ? Il dit lui-même « Parce que j’avais péché trois ablettes hors période, hors zone, et le tribunal correctionnel m’a infligé 30 F d’amende. Ce qui n’a pas plu à la maison et c’est à cause de cela que j’ai perdu ma place aux chemins de fer. »
Après cela, Victor se fait tireur de sable, en bord de Loire. « J’y ai passé deux hivers et j’ai pleuré. Ah, les onglées ! ». Il écrira par la suite le poème « MA LOIRE » où il y évoque sa jeunesse et les eaux de jadis si pures qui aujourd’hui se trouvent oubliées des hommes.
Il sait ce qu’est le dur travail et manifeste sa nostalgie dans un autre poème intitulé
« LE TRAVAILLEUR MANUEL »
J’ai été autrefois un de ces travailleurs,
Je les ai vu venir ces machines merveilleuses
Qui devaient, disait-on, adoucir le labeur,
Ce n’était que mensonge, ces machines, ces gueuses,
Ont tué le travail en créant des chômeurs !
Ont-elles donné aux gens une vie plus heureuse ?
Non... le travail seul engendre le bonheur !
Et je regrette le temps où des mains courageuses
Étaient l’outil précieux donnant aux hommes, l’honneur
D’avoir par le travail, une vie plus heureuse !
Ceci dit, l’époque du régiment arriva ; il passe dix-huit mois en occupation à Sarrelouis, là dit-il « je n’ai pas été un trop mauvais soldat ».
Revenu à Tours, le temps passe, quand un beau jour il aperçoit une dame chez ses cousins voisins. « Tous les soirs après le travail, je retournais chez eux pour discuter en compagnie de cette dame. » Au bout de trois mois, elle m’a dit : « On pourrait penser à se marier. » « Bien sûr, je n’attendais que ça. »...
Sa vie sera comblée auprès de Jeanne qui lui donnera deux enfants, une fille et un garçon. C’est en 1980 après le décès de sa chère épouse que Victor âgé de quatre-vingt ans prend la plume pour écrire ses souvenirs, guidé dit-il par sa muse, sa Jeanne.
Ancien membre d’Art et Poésie de Touraine - Victor a écrit plus de deux cent cinquante poèmes - tous en vers. Il est toujours partant pour nous en dire quelques-uns par cœur. Selon son poème intitulé « MES ROSES », Victor nous montre qu’il aime retrouver son rosier, ce compagnon fidèle, celui qui sait parler d’elle. C’est vers lui qu’il se penche pour écouter le cœur, lui dire « Prends pour toi le parfum de ces roses d’antan »...
Bien qu’il ait été obligé à cent ans de laisser à quelqu’un d’autre le soin de le conduire, Victor est très alerte; il ne connaît pas les médecins et ne se retranche pas derrière des lunettes, il n’en porte pas. C’est à travers son poème intitulé « VIEILLIR » qu’il nous donne une grande leçon de sagesse.
VIEILLIR
Maintenant, j’ai cent ans ! Non, ce n’est pas un
rêve.
Comment peut-on vieillir ? sans s’en apercevoir
La trame de la vie s’est déroulée sans trêve
Et le passé est là, sans qu’on puisse y surseoir.
Pour bien vieillir, il faut accepter calmement
Que chaque jour qui fuit, laisse après son passage
Des taches et des rides et le vieillissement
Qui marque sans pitié, son empreinte au visage.
Ne rien solliciter, se plaindre de personne,
Visiter les amis, aider les indigents.
Consoler le malade et que votre main donne
Ce que le cœur aurait offert, discrètement.
Il faut remercier Dieu, pour avoir profité
De la jeunesse ardente et des joies de la vie
Avoir vu près de nous, ses enfants rassemblés,
Voilà le vrai bonheur, tout le reste est folie.
Et quand la mort viendra frapper à notre porte
Songeons qu’elle aurait pu venir beaucoup plus tôt.
Partons tout doucement, sans bruit, sans escorte,
Avec l’espoir, un jour, de se revoir, là-haut.
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