5èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES

Vendredi 1er août 2003, de 17 h 30 à 19 h

 

Jean de LA FONTAINE

 

par Jeanne ZOTTER

Jeanne ZOTTER lisant son texte sur Jean de LA FONTAINE, lors des 5èmes Rencontres littéraires au jardin des Prébendes, à Tours, le 1er août 2003.

 

Jean de La Fontaine a un lien avec la Touraine, car lors d'un voyage de Paris en Limousin, en 1663, il écrivit six lettres à sa femme pour lui raconter en détail ses impressions. Il décrit ainsi Amboise, Tours, Port-de-Pilles et Richelieu.

Autour du fabuliste, les fables ont si bien foisonné que ses biographes, voyant se dissiper, plus de légendes qu’ils ne recueillent de certitudes.

Sur les vingt premières années de la Fontaine on ne connaît que trois témoins authentiques : la maison de Château-Thierry où il est né, le registre de la paroisse Saint-Crépin et un livre d’écolier disparu aujourd’hui. Son père Charles, fils de bourgeois champenois faisait figure dans la ville. Maître des Eaux et Forêts, il épouse Françoise Pidoux, veuve âgée de trente-cinq ans. Jean est le premier enfant de ce mariage. Il est baptisé le 8 juillet 1621 dans la paroisse ; La Fontaine entre comme novice à l’oratoire à l’âge de vingt ans. Il y reste dix-huit mois.

En 1647, il épouse Marie Héricart à la Ferté-Milon. Marie à quatorze ans. Le mariage ne durera pas. Il y a seulement des moments d’amitié entre les époux. La Fontaine se partage entre Château-Thierry et Paris. La séparation de biens dans le couple se fait en 1671, sans éclat. On a prêté à Marie des aventures, mais sans preuve. La première œuvre de La Fontaine, « l’Eunuque » paraît en 1654, c’est un échec.

Les premières fables commencent en 1663 suivant de peu les contes.

La Fontaine est un esprit inquiet mais d’humeur volage. À la fin de sa vie, il se rapproche de l’Église, fin 1692 il tombe gravement malade, le curé de Saint-Roch lui envoie un prêtre.

Il vivra encore près de deux ans. On dit qu’il passa ce temps dans une sorte d’hébétude, de demi-folie. En septembre 1693, paraît le dernier recueil de fables. Il meurt le 13 avril 1695, avec une constance admirable et toute chrétienne.

Son œuvre est à la croisée de tous nos chemins. On y trouve l’ironie, l’émotion la pitié, le courage, le besoin de rêve. On voudrait faire sentir pourquoi on l’aime, maison se force la voix quand on parle du plus discret des poètes.

 

Texte de Jeanne ZOTTER fait d’après la biographie de Pierre Clanac.

 

 

« La jeune Veuve » de Jean de la Fontaine

 

La perte d’un époux ne va point sans soupirs :
On fait beaucoup de bruit, et puis on se console ;
Sur les ailes du temps, la tristesse s’envole ;
Le temps ramène les plaisirs
Entre la veuve d’une année,
Et la veuve d’une journée,
La différence est grande, On ne croirait jamais
Que ce fut la même personne.
L’une fait fuir les gens, et l’autre a mille attraits :
Aux soupirs vrais ou faux celle-là, s’abandonne ;
C’est toujours même note et pareil entretien :
On dit qu’on est inconsolable ;
On le dit, mais il n’en est rien,
Comme on verra par cette fable,
Ou plutôt par la vérité.

L’époux d’une jeune beauté
Partait pour l’autre monde.
À ses cotés sa femme lui criait : « attends-moi je te suis, et mon âme
Aussi bien que la tienne est prête à s’envoler ».
Le mari fait seul le voyage.
La belle avait un père, homme prudent et sage :
Il laissa le torrent couler.
À la fin pour la consoler,
« Ma fille », lui dit-il,
"c’est trop verser de larmes :
qu’a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ?
puisqu’il est des vivants, ne songez plus aux morts
je ne dis pas que toute à l’heure une condition meilleure,
change en des noces ces transports :
mais après certain temps, souffrez qu’on vous propose
un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose
que le défunt. » « Ah » dit-elle aussitôt
« Un cloître est l’époux qu’il me faut ! »
Le père lui laissa digérer sa disgrâce.
Un mois de la sorte se passe
L’autre mois, on l’emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l’habit, au linge, à la coiffure.
Le deuil, enfin, sert de parure
En attendant d’autres atours.
Toute la bande des amours
Revient au colombier : Les jeux, les ris, la danse,
Ont aussi leur tour à la fin,
On se plonge soir et matin
Dans la fontaine de jouvence.
Le père ne craint plus ce défunt tant chéri.
Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle,
« Où donc est le jeune mari
que vous m’avez promis ? » dit elle.