4èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES
Vendredi 2 août 2002, de 17 h 30 à 19 h
EUGÈNE BIZEAU
(1883 – 1989) par Joël CORMIER |
S’il fallait d’un seul mot qualifier le poète Eugène BIZEAU, ce serait : Pacifiste.
Bien qu’il méritait d’être connu et reconnu avant, le poète de Véretz a connu son heure de gloire l’année de ses 100 ans !
Avril 1983, à l’occasion du 7ème printemps de Bourges, un public jeune dans son ensemble, le découvre. C’est le coup de foudre. Le Matin de Paris annonce un printemps tout neuf. La presse, la télévision, les radios… il n’y en a que pour lui. Le poète, chantre de la Touraine, prend du volume.
Issu d’une famille pauvre, courageuse, le petit Eugène apprend la dure école de la vie et l’injustice à travers l’implacable travail de l’huissier saisissant les meubles de la maison. Malgré ses bons résultats scolaires et son certificat d’études, il lui fallut quitter les bancs de l’école et travailler, aide cantonnier, facteur de village, domestique et surtout le travail de la vigne. La vie au grand air lui convient bien. Naissent alors ses premiers poèmes. Il y a du soleil et du vent dans ce qu’il écrit. Il y a aussi la méditation féconde d’une pensée forte.
LE PACIFISTE
Le poète écrit dans des revues libertaires. À partir de 1910, on découvre ses chansons interprétées par « La Muse rouge », groupe de poètes et chansonniers révolutionnaires. À la veille de la guerre, il publie deux recueils de ces « Poèmes d’Humanité et de paix ». « Verrues sociales » paraît en 1914, « Croquis de la rue » en 1933 (ces deux ont été réédités à l’occasion de son 105ème anniversaire chez Christian PIROT).
Toute sa vie il resta fidèle à ses idées : lutte pour la justice sociale, le respect de l’homme et de la femme, pour la liberté et pour la paix.
On retrouve dans les poèmes de ce poète-vigneron, tous les beaux et généreux sentiments humains. Il nous émeut par sa simplicité, sa profondeur. Il dénonce, exprime sa colère sans nulle méchanceté ni froideur. Avec lui, l’égalité et la fraternité ont vraiment un sens.
Eugène BIZEAU vivait sur les coteaux du Cher, là où il avait planté sa vigne, à Véretz son village natal – qui fut aussi celui du pamphlétaire Paul-louis COURIER. Une seule fois il s’est éloigné de la Touraine pour retrouver une institutrice du Cantal qui l’aima à travers ses poèmes. Ils ont eu un garçon et une fille. Naît également un recueil « paternité » dont les vers sentent Han Ryner, le miel et les baisers d’enfants.
Eugène BIZEAU a publié en autres :
Les sanglots étouffés (1979),
Les grapillons d’arrière-saisons (1982),
Lueurs crépusculaires (1985).
Aux éditions Christian Pirot, sont disponibles :
Verrues sociales,
Croquis de la rue,
Guerre à la guerre (épuisé).
AU LONG DU CHEMIN
Au long du chemin qu’embaumaient des roses
Brillant au soleil par un clair matin
J’ai vu se flétrir les plus belles choses…
Au long du chemin.
Au long du chemin, j’ai vu la pervenche
Qui ouvrait du printemps l’invisible main
Fermer ses yeux bleus sous la neige blanche…
Au long du chemin.
Au long du chemin, j’ai vu l’hirondelle
Monter vers l’azur, vers l’azur sans fin,
Et l’ouragan fou déchirer son aile…
Au long du chemin.
Au long du chemin, j’ai vu les ramures
Aux souffles d’avril verdoyer soudain,
Et le gel brutal glacer leurs murmures…
Au long du chemin.
Au long du chemin, dans le blé qui lève,
J’ai vu pour le monde un espoir de pain
Et le feu du ciel mutiler mon rêve
Au long du chemin.
Alors j’ai compris, sortilège infâme,
La fragilité du bonheur humain,
Et j’ai sangloté de toute mon âme…
Au long du chemin !
Eugène BIZEAU
LA COLOMBE DE PICASSO
La Colombe de Picasso
Sous un ciel que l’amour déserte…
Garde en son bec la branche verte
Que le guerrier jette au ruisseau.
Elle apporte un espoir nouveau
Aux cœurs maternels en alerte,
La Colombe de Picasso,
Sous un ciel que l’amour déserte…
Elle vivra, malgré l’assaut
Des vautours qui voudraient sa perte…
Elle étendra son aile ouverte
Sur les nids et sur les berceaux,
La Colombe de Picasso !
Eugène BIZEAU (Les Sanglots étouffés)
AIMONS !
S’il est vrai que le cœur des hommes
S’agrandit au vol des chansons,
Pour être meilleur que nous sommes,
Chantons !
S’il est vrai que les yeux du rêve
Vous font voir de clairs horizons
Pour que l’aurore au ciel se lève,
Rêvons !
S’il est vrai que l’amour nous mène
Vers un avenir sans canons,
Pour qu’il soit plus fort que la haine,
Aimons !
Eugène BIZEAU
LE VIN
J’aime le vin qui dort dans un caveau rustique,
Le vin de noble souche et de cépage ancien :
C’est « le lait des vieillards » de la sagesse
antique
Et du gourmet subtil qui sait choisir le sien.
J’aime l’éclat vermeil d’un Chinon romantique ;
J’aime la mousse d’or d’un Vouvray magicien,
Qui m’emporte, ébloui, dans un rêve extatique,
Des hauteurs de Thélème au coteau ligérien…
J’aime le vin joyeux des vignes tourangelles,
Le vin des soirs bénis qui nous donne des ailes
Sous le ciel étoilé de nos bonheurs d’un jour…
Et je plains en secret le buveur d’eau sévère,
Quand je vois le soleil miroiter dans mon verre
Où les vins de Touraine ont un parfum d’amour.
Eugène BIZEAU
L’AMOUR À CENT ANS
(…)
Quand l’amour à vingt ans nous ouvre sans arrêt
La porte de velours d’un paradis secret,
C’est plaisir de jeunesse et dans l’ordre des
choses ;
Mais au quatrième âge, il est peut-être vrai
Que d’un retour de flamme on puisse être enivré,
Jusqu’à perdre la tête en effeuillant des roses !
Eugène BIZEAU
Texte écrit et présenté par Joël CORMIER.
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