LE DÉLUGE
MYSTÈRE
(…)
« Comme la Terre est belle en sa rondeur
immense !
La vois-tu qui s’étend jusqu’où le Ciel
commence ?
La vois-tu s’embellir de toutes ses couleurs ?
Respire un jour encor le parfum de ses fleurs
Que le vent matinal apporte à nos montagnes.
On dirait aujourd’hui que les vastes campagnes
Élèvent leur encens, étalent leur beauté,
Pour toucher, s’il se peut, le Seigneur irrité.
Mais les vapeurs du Ciel, comme de noirs fantômes,
Amènent tous ces bruits, ces lugubres symptômes
Qui devaient sans manquer au moment attendu,
Annoncer l’agonie à l’Univers perdu.
Viens, tandis que l’horreur partout nous environne,
Et qu’une vaste nuit lentement nous couronne,
Viens, ô ma bien-aimée ! et, fermant tes beaux
yeux
Qu’épouvante l’aspect du désordre des Cieux,
Sur mon sein, sous mes bras, repose encore ta tête
Comme l’oiseau qui dort au sein de la
tempête ;
Je te dirai l’instant où le Ciel sourira,
Et durant le péril ma voix te parlera. »
(…)
Écrit à Oloron, dans les Pyrénées, en 1823
Extrait de « Poèmes antiques et modernes »
Alfred de VIGNY
(1797 - 1863)
Né à Loches, en Indre-et-Loire, Alfred de VIGNY fit partie des gardes-rouges sous Louis XVIII. Il abandonna bientôt l’armée pour les Lettres et s’installa à Paris. Académicien français, il est l’auteur de nombreux poèmes comme « La mort du Loup », d’un roman historique « Cinq-Mars », d’une pièce de théâtre « Chatterton » qui connut un grand succès, d’un recueil de poésies « Poèmes antiques et modernes », d’ouvrages à thèse « Stello », « Servitude et grandeur militaires ». Il exprime la solitude à laquelle condamne le génie et exalte la résignation stoïque. En 1845, il est élu à l’Académie française. Son dernier recueil « Destinées » paraîtra un an après sa mort.
Une rue de Tours porte son nom ; c’est l’ancienne rue Anglaise.
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