LE VERGER DE M
(…)
Soit qu’au premier aspect d’un beau jour près d’éclore
J’aille voir les coteaux qu’un soleil levant dore ;
Soit que vers le midi chassé par son ardeur,
Sous un arbre touffu je cherche la fraîcheur ;
Là portant avec moi Montaigne ou La Bruyère,
Je ris tranquillement de l’humaine misère ;
Ou bien avec Socrate et le divin Platon,
Je m’exerce à marcher sur les pas de Caton :
Soit qu’une nuit brillante en étendant ses voiles
Découvre à mes regards la lune et les étoiles,
Alors, suivant de loin la Hire et Cassini,
Je calcule, j’observe, et près de l’infini
Sur ces mondes divers que l’Éther nous recèle
Je pousse, en raisonnant, Huyghens et Fontenelle ;
Soit enfin que surpris d’un orage imprévu,
Je rassure en courant le berger éperdu,
Qu’épouvantent les vents qui sifflent sur sa tête ;
Les tourbillons, l’éclair, la foudre, la tempête ;
Toujours également heureux et satisfait,
Je ne désire point un bonheur plus parfait.
(…)
Jean-Jacques ROUSSEAU
(1712-1778)
Né à Genève, ce philosophe et écrivain de langue française est surtout connu pour ses « Discours sur les sciences et les arts », « Sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes », pour ses œuvres philosophiques « Du contrat social », « Émile », romanesques « Julie », « La Nouvelle Héloïse », et autobiographiques « Confessions », « Rêveries du promeneur solitaire ». Ses poèmes sont peu connus. Celui-ci parle de Madame De Warens qui l’a accueilli chez elle alors qu’il était seul et sans famille, pour continuer son éducation.
Une rue de Tours porte son nom.
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