AUX PETITS ENFANTS
Enfants d’un jour, ô nouveau-nés,
Petites bouches, petits nez,
Petites lèvres demi-closes,
Membres tremblants,
Si frais, si blancs,
Si roses ;
Enfants d’un jour, ô nouveau-nés,
Pour le bonheur que vous donnez,
À vous voir dormir dans vos langes,
Espoir des nids,
Soyez bénis,
Chers anges !
Pour vos grands yeux effarouchés
Que sous vos draps blancs vous cachez,
Pour vos sourires, vos pleurs même,
Tout ce qu’en vous,
Êtres si doux,
On aime ;
Pour tout ce que vous gazouillez,
Soyez bénis, baisés, choyés,
Gais rossignols, blanches fauvettes !
Que d’amoureux
Et que d’heureux
Vous faites !
Lorsque, sur vos chauds oreillers,
En souriant vous sommeillez,
Près de vous, tout bas, ô merveille !
Une voix dit :
« Dors beau petit ;
Je veille. »
C’est la voix de l’ange gardien,
Dormez, dormez, ne craignez rien.
Rêvez, sous ses ailes de neige
Le beau jaloux
Vous berce et vous
Protège.
Enfants d’un jour, ô nouveau-nés,
Au paradis, d’où vous venez,
Un léger fil d’or vous rattache.
À ce fil d’or
Tient l’âme encor
Sans tache.
Vous êtes à toute maison
Ce que la fleur est au gazon,
Ce qu’au ciel est l’étoile blanche,
Ce qu’un peu d’eau
Est au roseau
Qui penche.
Mais vous avez de plus encor
Ce que n’a pas l’étoile d’or,
Ce qui manque aux fleurs les plus belles :
Malheur à nous !
Vous avez tous
Des ailes !
Extrait de « Les Amoureuses »
Alphonse DAUDET
(1840 – 1897)
Parnasien dissident, Alphonse DAUDET est plus connu comme romancier naturaliste mêlant fantaisie et réalité comme dans « Le Petit Chose », « Tartarin de Tarascon », dramaturge avec « L’Arlésienne », conteur avec « Les Lettres de mon moulin », « Contes du lundi » où il aime raconter sa Provence natale.
Une allée et une école dans le quartier de la Bergeonnerie à Tours, portent le nom d’Alphonse DAUDET.
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