LA MER
Des vastes mers tableau philosophique,
Tu plais au cœur de chagrins agité :
Quand de ton sein par les vents tourmenté,
Quand des écueils et des grèves antiques
Sortent des bruits, des voix mélancoliques,
L’âme attendrie en ses rêves se perd,
Et, s’égarant de penser en penser,
Comme les flots de murmure en murmure,
Elle se mêle à toute la nature :
Avec les vents, dans le fond des déserts,
Elle gémit le long des bois sauvages,
Sur l’Océan vole avec les orages,
Gronde en la foudre, et tonne dans les mers.
Mais quand le jour sur les vagues tremblantes
S’en va mourir ; quand, souriant encor,
Le vieux soleil glace de pourpre et d’or
Le vert changeant des mers étincelantes,
Dans des lointains fuyants et veloutés,
En enfonçant ma pensée et ma vue,
J’aime à créer des mondes enchantés
Baignés des eaux d’une mer inconnue.
L’ardent désir, des obstacles vainqueur,
Trouve, embellit des rives bocagères,
Des lieux de paix, des îles de bonheur,
Où, transporté par les douces chimères,
Je m’abandonne aux songes de mon cœur.
Extrait de « Poésies de 1784 à 1789 - Tableaux de la nature »
CHATEAUBRIAND
(1768 - 1848)
Nourri dès son enfance de mélancolie, François René, vicomte de CHATEAUBRIAND publia avec succès « Atala » puis « René », œuvre caractéristique du romantisme. Son « Génie du christianisme », vaste apologie religieuse, lui ouvrit une carrière diplomatique. Se retirant après la révolution de juillet, il se consacra à la rédaction de ses « Mémoires d’outre-tombe », portrait de son époque.
Un mail de Tours porte son nom.
|
|
|