LES EMBARRAS DE PARIS
(…)
Encor je bénirois la bonté souveraine,
Si le ciel à ces maux avoit borné ma peine ;
Mais si seul en mon lit je peste avec raison,
C’est encor pis vingt fois en quittant ma
maison :
En quelque endroit que j’aille, il faut fendre la
presse
D’un peuple d’importuns qui fourmillent sans
cesse.
L’un me heurte d’un ais dont je suis tout
froissé ;
Je vois d’un autre coup mon chapeau renversé.
Là d’un enterrement la funèbre ordonnance
D’un pas lugubre et lent vers l’église s’avance ;
Et plus loin des laquais l’un l’autre s’agaçans,
Font aboyer les chiens et jurer les passans.
Des paveurs en ce lieu me bouchent le passage.
Là, je trouve une croix de funeste présage (1) ;
Et des couvreurs grimpés au toit d’une maison
En font pleuvoir l’ardoise et la tuile à foison.
(…)
Extrait de « Satires »
Nicolas BOILEAU, dit DESPRÉAUX
(1636 - 1711)
(1) On faisait pendre alors du toit de toutes les maisons que l’on couvrait, une croix de lattes pour avertir les passants de s’éloigner.
Né à Paris, cet écrivain français écrivit d’abord des poèmes satiriques à la manière d’Horace (« Satires ») puis moraux (« Épîtres »). Il fut un chef de file dans la querelle entre les Anciens et les Modernes. Il contribua à fixer l’idéal littéraire du classicisme (« Art poétique », « Le Lutrin »).
Une rue de Tours porte son nom.
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