Et j’emprunte la mer, en devanture
des voyages que tu me proposes,
toi qui n’a jamais quitté l’azur,
toi qui n’as jamais senti les roses.

C’est par ton désir de quitter l’île
qu’est né le premier exil de l’archipel,
comme si pour se déplacer de fossile
en corail, il te fallait tamiser le faux sel.

Il y a au-dessus de toute vague un croissant
qui sarcle la récolte des écumes folles,
et sous les racines de l’eau, les vastes corolles
des coraux, couvrant le vide des mots béants.

Pour toi, la mer garde souvenance des voix
de marins apatrides, d’hommes blessés
aux barbelés d’impossibles Méditerranées.
Pour toi, la mer est une vieille caisse à claires-voies.

J’aurais voulu, comme toi, la convoquer
au cri de l’homme qui de tout temps se noie.
Mais c’est la mer elle-même qui s’est fracassée
dans les yeux des nomades, sur leurs frêles toits.

Le sable accroché aux faux cils du noyé sent le désert.
Il ramène un rêve échoué entre Tanger et tangages.
Le varech poussant dans tes cheveux sans âge
Dit la légende du gueux courant vers la faux-lumière.

Les gardes-frontières ont attaché ton nom à un mur,
le dur mur de l’Atlantique, le pur mur fatidique,
afin que d’autres miséreux craignent l’ombre famélique -
le damné agrippé à la mort comme à sa doublure.

Frères du continent, candidats aux cimetières étranges,
Empruntez la mer comme eux, et rendez-la aux anges !