"Mur de poésie de Tours" 2006

Poètes français

 

LE FEU DE BOIS

 

Sous le large linteau orné de plats d’étain,
De bibelots de cuivre et autres antiquailles,
Tricote au coin du feu un tas de menuailles
La noble douairière, au bonnet de satin.

Dans son esprit revient le temps hélas lointain
Où dans de beaux atours ornés de pretintailles
Elle et le fier marquis firent leurs fiançailles,
Où sa Mère guidait son fuseau incertain

Peu à peu la flambée a pali, s’est éteinte.
Des souvenirs d’antan, la Grande Dame empreinte,
A senti un frisson qui brise sa torpeur

Mais la vieille Marquise, aux mitaines de soie
Tirant du coffre antique une nouvelle proie
Du foyer engourdi réveille encor l’ardeur.

 

Gustave SCRIVE

Le 7 janvier 1915

C’est d’abord la lueur qui, brillant boute-en-train
Annonce à mon regard les tendres épousailles
Des flammes entonnant de vives passacailles
Puis la chaleur s’en vient répétant leur refrain.

Le menton aux genoux, les yeux dans le lointain
Tout recroquevillé je vais vaille que vaille
Vers les vieux souvenirs. Doucement j’entrebâille
La croisée de nos sorts et t’aperçois soudain.

Maintenant te voilà grand-père en demi-teinte
Serré tout contre moi ravi de cette étreinte.
Tu vois dans le fagot des mots accroche-cœur

Les choisis et écris sur du papier de soie
De gracieux sonnets qu’à nos amis de cœur
Et madame la Lune, aussitôt fait, j’envoie.

 

Anne SCRIVE

5 janvier 2003

 

Je m’appelle Anne Mémet-Scrive et suis née à Lille en 1945. J’ai passé vingt-sept ans de ma vie dans le Morvan à enseigner les mathématiques et à seconder un mari éleveur de chèvres. J’ai trois grands enfants et cinq petits enfants et vis actuellement à Évian, précisément là où mon grand-père passait des vacances. C’est devant le Léman, en pensant à Anna de Noailles, que j’ai composé une trentaine de sonnets, en écho à ceux de mon grand-père, comme « Le feu de bois » écrit à deux voix, distantes de plus de quatre-vingt ans.