RETRAITE
Je n’avais pas choisi mon poste de combat
Et si j’ai déserté le vieux chantier du monde
C’est que j’espère encore des ultimes secondes
Qu’elles me permettent enfin d’échapper au
tracas.
J’ai toujours bourlingué en voyageur distrait
Car le lièvre traqué a beau changer de gîte
Il ne saurait trouver au thym beaucoup d’attrait
Quand il s’épuise en vain à embrouiller la
piste.
Désormais les saisons ne restent plus atones
Je reçois en onction les crachins de septembre
Quand s’allument à nouveau les âcres feux d’automne
L’air me rend des couleurs que je croyais
exsangues.
Je suis seul à savoir l’enclave d’un grand
pré
Où palombes et pies s’assemblent en ménage
Aux rumeurs de la ville se mêle leur ramage
Que nous porte le vent chroniqueur indiscret
J’aimerais bien y vivre en jardinier secret
Je puis m’accommoder d’un modeste cottage
Je donnerais mes fruits aux oiseaux de passage
Et je les laisserais s’abreuver au baquet
Mais je n’ai pas d’argent pour bâtir un logis
Il me faut renoncer à tout échafaudage
Et la seule émotion qu’humblement j’envisage
C’est le bonheur d’un chien qui marche sous la
pluie.
Bourges, 21 septembre 1990
Pierre FROMAGEOT
8, rue de Mazières
18000 BOURGES
Membre de l’Académie Berrichonne.
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