IVRESSE PRINTANIÈRE
Vois comme j’ai la fièvre en ce jour de
printemps !
J’ai pris trop de lumière et maintenant l’ivresse
Frôle mon corps pâmé de sa chaude caresse ;
Vois : je ris sans raison, mes pas sont
hésitants ;
Je défaille d’amour, de vie et de
jeunesse !
J’ai pris trop de lumière, et les arbres en
fleurs
Ont mêlé trop d’arôme à l’air qui me
pénètre,
Et sans penser qu’ainsi j’épuisais tout mon
être,
Avidement, j’ai bu, dans les molles senteurs,
Tous les rayons brûlants qui viennent d’apparaître.
Vais-je m’évanouir près des boutons ouverts,
Pour avoir respiré l’éclosion des roses ?
Quoi, la saison joyeuse, en ses métamorphoses,
M’arrache des sanglots et fait vibrer mes
nerfs !
D’où vient que je faiblis sous la beauté des
choses ?
J’ai peur, car je suis ivre à tomber sur le sol,
Car le soleil, en moi, divinement ruisselle,
Et sur ma gorge nue où son or étincelle,
Je veux que ton baiser morde, cruel et fol,
Aspirant d’un seul trait la fièvre où je
chancelle.
Extrait de « Toute vie a son charme » (p. 57 et 58)
Gisèle BARBOTIN
(1900 - 1958)
Poétesse de la nature et de l’amour, Gisèle BARBOTIN est née à Argenton-sur-Creuse. Elle a eu soif toute sa vie de connaissances littéraires, depuis les poètes anciens jusqu’aux contemporains. Elle est reçue à l’Académie du Centre et devient membre de la Société des Gens de Lettres en 1928. Elle publie deux recueils « Toute vie a son charme » fin 1933 et « La Douleur dans l’Amour » en 1935. Gisèle Barbotin a un style proche de Anna de Noailles et de Marceline Desbordes-Valmore.
|
|
|