c’est une musique ?
non, ce n’est pas que ça. Une vague ?
composée de vapeur chaude ? non, pas que ça
c’est alors un objectif d’appareil de photo
resté ouvert sur des points et triangles blancs
qui bougent, forment des rubans s’entrelaçant
qui dansent, dansent, dansent ?

c’est peut-être un peu ça- mais pas seulement

c’est très blanc, c’est froid, c’est chaud,
donne des frissons, d’émotion ?
c’est une harmonie, un mouvement lancinant
qui revient en mémoire dès qu’évoqué
comme de bons esprits dans la vapeur de la lampe brûlante
car l’atmosphère est incandescente
le spectateur transi de chaleur subjugué,

mouvements lancinants vont de l’un à l’autre
mouvements parfaits, lents et réguliers
les quatre derviches tourneurs
l’expression de leur visage d’une beauté indicible
l’un angélique, l’autre romanesque,
le troisième masculin et bien taillé,
le quatrième buriné, a vu la vie

dans une même attitude,
bras droit levé, tête penchée vers la gauche,
garantie d’un équilibre, d’un arrêt sur commande
aux appels directifs de la mélopée monocorde
qui accompagne le chant égrené sur quelques notes basses
dans le vieux caravansérail rénové en cathédrale théâtre
loin du village au pied du pic rocheux

de jour enseignant, menuisier, mécanicien, apprenti
le soir dirigés, transformés
sous la voix de leur frère en religion
les quatre derviches valsent sans fin
sur le rythme obsédant les transportant
dans un monde loin, très loin
leur regard adouci fixé sur un point invisible de l’espace
sur un point qui comme eux danse inlassablement,
sans faire le moindre bruit ils tournent, tournent, tournent

tournent dans ma tête interminablement
leur robe blanche s’effiloche et se dissout
en vapeur tourbillonnante qui s’évanouit
dans l’ombre vacillante des murs cathédrale
du vieux caravansérail