En ces temps où les petits-fils d’Adam et d’Ève
Peinent à retrouver un once de bon sens,
En ces jours bien ingrats envers les braves gens,
Comme vous nous manquez, ami René Boylesve !

Vous nous avez quitté si brusquement naguère,
Laissant du même coup lecteurs et familiers,
Qu’on eût pu croire que vous pesaient vos lauriers
Et que vous en aviez plus qu’assez d’une guerre.

Car la raison, chez vous, refusait le partage
Entre l’art pris pour norme et le son du canon ;
Toute votre sensibilité disait : non !
À tout ce qui sentait la poudre et le carnage.

Je vous revois sur le fond gris des ans moroses :
Déjà vos mains étaient moins promptes à frémir,
La neige avait touché votre barbe d’émir,
Autour de nous changeait l’ordre ancien des choses ;

Brutalement le vent poussait les feuilles mortes
Hors des chemins ouverts sur le proche avenir,
Tandis que s’alarmait en vous le souvenir
D’un charmant autrefois dont se fermaient les portes.

Extraits de « Les Roses dans l’Enclos »