Bordé de papier collant
Tout rafistolé.
Le dos barbouillé
De grosses tâches d’encre.
Je roule ma bosse
Depuis plus de dix ans.
De cartables en cartables,
Et de tables en tables.
Mes étés enfermés
Dans un grand placard noir.
C’est à l’automne
Que l’on vient me chercher
Chaque année.
Dans quelles petites mains
Va-t-on me placer ?
Celles de Julien ?
Peut-être celles de Nicolas
Ou de Nathalie ?
Pourvu qu’en tout cas
Il m’aime bien
Et ne me jette pas dans un coin.
Comme faisait Déborah.
À chaque rentrée,
Mon cœur est serré.
Empilé avec tous mes amis :
Grammaire, lecture, histoire
Sciences, poésies, etc.
Moi, Mathématiques,
Je suis impatient de connaître
Enfin mon nouveau logis.
Des enfants sages, j’en ai connu.
Mais combien de polissons aussi ?
S’ils savaient comme mon cœur
Se déchire à chaque feuille froissée,
Comme mon dos souffre d’être maltraité.
Comme je suis malheureux d’être tâché !
Il m’arrive alors de pleurer,
Des larmes de papier.
Ce serait tellement doux
Une couverture douillette,
De petits doigts délicats
Pour tourner mes pages,
Une gentille petite voix
Pour apprendre mes leçons…
Mais ne rêvons pas trop.
Cette année encore, j’ai peur
D’être malmené !
Et si personne ne m’aime,
Ne prend soin de moi,
Alors ce sera la fin,
La misère et sûrement la poubelle !
Allons petits enfants ayez pitié
D’un pauvre vieux livre d’école
Tout rafistolé, laissez-lui la vie,
À lui, et tous ses amis.