"Mur de poésie de Tours" 2005

Poètes de Touraine

 

L’ARTISTE

 

Un artiste a posé son pinceau sur la terre
Colorant de mille teintes cette planète entière.
Sur sa palette, du bleu, du rouge et puis du vert,
Qu’il a tout doucement dilués dans l’eau de mer.

Un artiste a posé son pinceau sur la terre,
Sur les branches des arbres il disposa du vert.
Une couche aurait suffit, mais il en mit trois
Dont une dégoulina sur les prés et les bois.

Un artiste a posé son pinceau sur la terre.
Avec du bleu, le ciel devint beaucoup plus clair,
Du bout de son outil, traça quelques rivières,
Puis renversa le pot, ce qui donna la mer.

Un artiste a posé son pinceau sur la terre.
Du jaune et puis du rouge, il ne sut pas quoi faire,
En déposa partout, fit des fleurs en couleurs,
Mélangea toutes ces teintes pour notre grand bonheur.

Il inventa les mauves, les violets et les gris,
Puis dans son atelier, quatre sacs il garnit,
Un pour l’été, l’automne, l’hiver et le printemps,
Puis il confia tout c’la à son ami le vent.

Un artiste a posé son pinceau sur la terre.
Afin de s’faire la main, il habilla l’hiver,
Juste du noir, du blanc, du marron et du gris,
Puis barbouilla sa toile délavée par la pluie.

Il prit confiance en lui, dessina le printemps,
Mit des couleurs partout, il en mit tant et tant
Qu’il y passa du temps, qu’il y passa du temps,
Mais Dieu que c’était beau, que c’était enivrant.

Parti sur sa lancée, il colora l’été
Aquarelles tendres aux couleurs estompées.
Les verts devinrent jaunes et les rouges, orangés,

Comme si, au soleil, la toile avait séché.

La peinture s’est craquelée, l’été s’est achevé.
Alors il rassembla tout ce qui lui restait,
Petites taches éparses, harmonie colorée.
L’automne est arrivé, festival de beauté.

Les mots ne suffisent plus, les verts n’étaient plus verts.
Les rouges se diluèrent et les bleus s’azurèrent.
Quatre saisons passées dont il peut être fier,

Un artiste a posé son pinceau sur la terre.

Mais l’homme est arrivé, voulut refaire la toile,
Il ternit les couleurs, supprima les étoiles,
Reprit le vert, le gris, en fit du vert de gris,

Puis renvoya l’artiste sans même lui dire merci.

Se crut plus fort que lui, voulut refaire le monde,
Transforma le chef d’œuvre en une bête immonde.
Le rouge devint du sang et le vert du béton,
En quelques coups de pinceau, la toile devint marron.

Le soleil se voila d’une poussière impure,
Comme un fruit bien trop mûr, la terre fut pourriture,
L’homme devint le maître d’une planète polluée
Mon Dieu que c’était laid, mon Dieu que c’était laid.

L’artiste avait posé son pinceau sur la terre,
Puis l’homme l’en a chassé, égoïste compère.
Depuis il peint, repeint d’une peinture frelatée
Jusqu’au jour où la terre, il la fera crever.

 

Michel GUIMAS

La Bosnière n°2
37240 CUSSAY