LES FEMMES
Enfin bornant le cours de tes galanteries,
Alcippe, il est donc vrai, dans peu tu te
maries ;
Sur l’argent, c’est tout dire, on est déjà d’accord ;
Ton beau-père futur vide son coffre-fort ;
Et déjà le notaire a, d’un style énergique,
Griffonné de ton joug l’instrument authentique.
C’est bien fait. Il est temps de fixer tes
désirs :
Ainsi que ses chagrins l’hymen a ses plaisirs.
Quelle joie, en effet, quelle douceur extrême,
De se voir caressé d’une épouse qu’on
aime !
De s’entendre appeler petit cœur, ou mon bon !
De voir autour de soi croître dans sa maison,
Sous les paisibles lois d’une agréable mère,
De petits citoyens dont on croit être père !
Quel charme, au moindre mal qui nous vient menacer,
De la voir aussitôt accourir, s’empresser,
S’effrayer d’un péril qui n’a point d’apparence,
Et souvent de douleur se pâmer par avance !
Car tu ne seras point de ces jaloux affreux,
Habiles à se rendre inquiets, malheureux,
Qui, tandis qu’une épouse à leurs yeux se
désole,
Pensent toujours qu’un autre en secret la console.
(…)
Extrait de « Satires »
Nicolas BOILEAU, dit DESPRÉAUX
(1636 - 1711)
Né à Paris, cet écrivain français écrivit d’abord des poèmes satiriques à la manière d’Horace (« Satires ») puis moraux (« Épîtres »). Il fut un chef de file dans la querelle entre les Anciens et les Modernes. Il contribua à fixer l’idéal littéraire du classicisme (« Art poétique », « Le Lutrin »).
Une rue de Tours porte son nom.
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