LA MORT DE L’AMOUR
Une nuit j’ai rêvé que l’Amour était mort.
Au penchant de l’Œta, que l’âpre bise mord,
Les Vierges dont le vent meurtrit de ses caresses
Les seins nus et les pieds de lys, les chasseresses
Qui rêvent sous la lune aux plaisirs de l’Enfer,
L’avaient toutes percé de leurs flèches de fer.
Le jeune Dieu tomba, meurtri de cent blessures
Et le sang jaillissait sur ses belles chaussures.
Il expira. Parmi les bois qu’ils parcouraient,
Les loups criaient de peur. Les grands lions
pleuraient.
La terre frissonnait et se sentait perdue.
Folle, expirante aussi, la Nature, éperdue
De voir le divin sang couler en flot vermeil,
Enveloppa de nuit et d’ombre le soleil,
Comme pour étouffer, sous l’horreur de ses
voiles,
L’épouvantable cri qui tombait des étoiles.
(…)
Extrait de « Les exilés »
Théodore de BANVILLE
(1823 - 1891)
Poète français parnassien, Théodore de BANVILLE est aussi romantique par son art. Excellent prosateur, il a écrit « Souvenirs », « Esquisses parisiennes », « L’Âme de Paris », « Paris vécu »... Il possédait de l’élégance, de la désinvolture, de la précision, de l’éclat et était admiré de BAUDELAIRE, de MALLARMÉ et de VERLAINE. Ses « Odes funambulesques » le rendirent célèbre. Acrobate de la rime et jongleur de mots et d’idées, il publia aussi d’autres livres dont « Améthystes », « Les Exilés », « Idylles prussiennes », « Trente-six ballades joyeuses »...
Une rue de Tours, près de Joué-lès-Tours, porte son nom.
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