"Mur de poésie de Tours" 2005

Membres de l’association « Art et Poésie de Touraine »

 

CANTIQUE QUE FIT NOÉ
LE QUARANTE ET UNIÈME JOUR

Pour célébrer le retour du soleil

 

SEIGNEUR, durant six cents ans, tu avais fait ton soleil se lever chaque jour sur les monts d’orient et se coucher sur la mer occidentale,

Et d’un bord à l’autre mûrir mes moissons et s’engraisser mes troupeaux,

Et je trouvais cela bon et chose somme toute naturelle.

Mais voici qu’après tous ces jours de ténèbres – ténèbres du ciel, ténèbres du cœur –

Tu rends à nos yeux dessillés ce premier-né d’entre les choses créées,

Ce soleil comme un signe de ta grâce et de ton pardon !

Qu’il était beau, jaillissant des eaux universelles comme au premier matin,

Debout sur l’horizon ainsi qu’un jeune Archange à l’épée de feu, au bouclier d’or !

Et déjà mon œil n’en peut soutenir l’éclat, quand sa bienfaisance généreuse me pénètre jusqu’aux sources de mon sang.

Parce que ta splendeur est telle que les anges eux-mêmes, dans leur grande pureté, devant toi doivent se voiler la face,

Tu as voulu, en ton infinie miséricorde, que cette image de ta Beauté fût pour nos yeux de chair

Voilée matin et soir dans les roses du levant et du couchant,

Et tu as dispersé ta Lumière en une poussière de très pures étoiles.

Ah ! si la lumière créée est si belle et si désirable, combien davantage l’Incréée,

Combien davantage Toi, Éternel, Adonaï Yahvé !

Et qu’il sera beau le jour où tous nos péchés remis et nos os reposant dans la terre maternelle,

Notre esprit délivré pourra contempler ton Esprit face à face

Et s’en repaître inlassablement durant l’éternité !

C’est pourquoi grâces te soient rendues dans les siècles des siècles, Amen.

 

Extrait de « La passion de saint Noé » dans « Deux voyageurs des grandes Eaux », (éd. du Cerf, 1989)

 

Michel GUIMBAL

8, rue des 3 Tonneaux
37540 SAINT-CYR-SUR-LOIRE

 

Michel GUIMBAL est décédé début 2005.