LA GRILLE
J’ai toujours aimé pousser tes grilles : - le
portait du jardin de Maria
Ouvrait un paradis de vignes et d’acacias.
Je me vautrais dans l’herbe sous les seringuas blancs
et j’humais
Les corolles des coings en dahlias, des delphiniums
violets.
Plus tard j’ai poussé les grilles de l’université.
Vasarely avait sculpté
un portail de fer forgé. La fac abritait des colombes
bleutées
et les chaînes des toits torrentaient l’eau sur des
papyrus éventails.
C’était une Mexico imitée avec des balcons des
nénuphars d’eau
À Clermont j’ai poussé les grilles de l’usine ;
l’univers gris
et glauque que reflétait la ville. Elle ressemblait à
du basalte
avec ses tuiles bistres, ses garages sinistres. Le square
verdissait seul les immeubles vides et les pigeons de
geais
peuplaient la fontaine de lave trachyte - andésite.
En Europe j’ai poussé les grilles et les barrières
mais elles ne tombaient jamais et la frontière étirait
ses lices
en DDR avec ses longs fils barbelés .Portail vannes,
écrans,
palissades, barreaux, j’ai toujours cherché à aller
derrière le rideau,
mais je n’ai jamais vu les portes ouvertes
La grille se referme toujours comme un étau en
grinçant,
la clef est conservée par le maître de céans et la
bobinette chevillette chera
n’existent que dans les contes pour enfants. La serrure
est si compliquée qu’il faut biaiser pour traverser,
j’ai toujours cherché le trou et puis sauté pour
passer au dessus de la haie.
j’ai risqué le saut toute ma vie ; mais ayant vu
l’autre coté la médaille
j’ai su alors ce qui était caché ; c’est pour
cela que chez moi
il n’y pas de clôture. Quelques buissons de mariée
signalent le mur.
Personne ne franchit mon espace peu sûr. Je crois que
la grille pousse toujours au franchissement délibéré.
Ma porte à moi est invisible, jamais franchie et
toujours respectée.
Le portail de mon jardin n’a pas de cadenas : je
suis celle qui n’a rien à cacher,
donc rien à envier et à outrepasser. Conseil
« Soyez libre de tout
et vous aurez le respect. Pas besoin de grille et de
cage, vous êtes ce que vous désirez,
un oiseau libre ou bien un amateur de volières. Le monde
est une oisellerie,
mais Dieu soit loué, il reste au milieu des vautours
sauvages , la pie. »
Chantal CROS
97, rue du Moulin
63112 BLANZAT
Peintre, écrivain, céramiste, Chantal CROS a publié un roman « Blanche ou au bout du voyage », des poésies et des essais archéologiques. Elle est membre d’Arts et Lettres de France.
Dessin de Chantal CROS.
|
|
|