CLICHÉS JAUNIS DE MA JEUNESSE

 

Mon cœur te souviens-tu de cette soirée passée à canoter sur le « Cher » aux flots argentés ?
C’était l’heure où la nature se couche, nous regagnions le bord, les grands roseaux s’écartaient pour nous laisser passer, nous étions comme des rois dans cette nature assoupie.
Les longs roseaux s’inclinaient en silence et les ailes des oiseaux rythmaient comme une danse.
Les passereaux entraient dans ce décor mouillé
Se choisissaient leur place, les uns contre les autres
Les pépiements devenaient des chuchotements feutrés
Les libellules disparaissaient les unes après les autres
Des moustiques énormes faisaient des ronds sur l’eau
Et les poissons
Montaient du fond
Pour les avaler...
Un froid léger parcourut mon échine qu’un petit coup de soleil a échauffée tantôt
Une main douce caresse ma peau irritée, un baiser ponctue ce geste inhabituel, aussi s’est-il gravé dans ma mémoire...
Il s’est écoulé plus de cinquante années mais le souvenir de l’instant est intact.
Brève, trop brève volupté !...
Et je revois les roseaux s’écarter sous l’étrave du canot et découvrir le soleil couchant tout d’or et de feux ainsi que le clapotis argent.
J’ai gardé ce cliché en couleur et en noir et blanc, mes yeux en sont encore éblouis et je pourrais les dessiner en quelques instants...
Et, toi, dans l’Au-Delà où tu t’es réfugié il y a si longtemps ? Sais-tu que ma mémoire n’a rien oublié ?
Je vis au passé...

 

Simone ROUSSEAU