Je t’ai croisé, hier, mais je ne t’ai pas vu.
Jeté à terre, et moi, qui marchais dans la rue.
J’avais la tête ailleurs, les idées programmées,
Mais ton regard perdu, mourant, m’a transpercé.

Et le trou qu’il a fait ne cesse de grandir.
Et le vent s’y engouffre. Un vent d’hiver glacé,
Qui me gèle le sang, voudrait me faire vomir,
Et me dit que ton drame est le mien, partagé.

Éviter la pitié. Cacher mes fausses larmes.
Surtout ne pas tricher en donnant un billet.
Je veux te respecter, te dire que ton drame
Tu le vis à ma place. Que tu t’es sacrifié.

Christ de l’an 2000, tu portes la misère
D’un monde massacré par ceux qui l’ont construit.
Tous ces grands qui t’abaissent, te mettent plus bas que terre,
Te jettent comme on lance un Kleenex sali.

Je t’ai croisé, hier, mais je ne t’ai pas vu.
Mais toi, tu m’as fait voir un coin de vérité.
Tu es un précurseur, mon ami de la rue.
Apprends-moi le bonheur de savoir partager.

Le 21 janvier 2004