Ô ! très chère chaise, objet maintenant sacré,
Pauvre martyre, toi qui ne sortait jamais ;
Tu attends patiemment l’arrivée de tes hôtes,
Pour offrir ton assise à tous ces bons apôtres.

Il était une époque où je te dédaignais,
Toi, toujours blottie sous la table cachée ;
Comme un enfant timide qui a peur des coups,
Attendant que l’on vienne le sortir du trou ;

Jeune, mes jambes n’avaient nul besoin de toi,
Je te laissais en paix dans le calme du toit ;
Tu espérais en vain le retour de ton maître,
Pour soulager ses reins, ses jambes, tout son être.

Un jour tu recevais ceux qui te caressaient,
Parfois tu acceptais ceux qui te maltraitaient ;
Les uns en te prenant avec délicatesse,
D’autres te rudoyant, tel un chien en détresse.

Par ta paille jaunie où pose mon séant,
De ton bois vermoulu qui supporte mes flancs ;
Pauvre chaise, cher objet servant de la vie,
Pour l’aide familière, tu es mon amie.

En débutant ton rôle, fort belle et garnie,
Tu finis ta carrière usée, brisée, meurtrie ;
Car tu dois constamment, sans te plaindre jamais
Vaincre les tortures de ceux qui t’ont créée.

En voyant ton allure je suis pris de remords,
Sur toi très doucement je repose mon corps ;
Avec beaucoup d’égard j’implore ton pardon,
Pensant à mes vieux jours dont tu es le bâton !