"Mur de poésie de Tours" 2004

Poètes dont une rue de Tours porte le nom

 

LE DÉSASTRE DE LISBONNE

 

Je ne suis du grand Tout qu’une faible partie :

Oui ; mais les animaux condamnés à la vie,
Tous les êtres sentants, nés sous la même loi,
Vivent dans la douleur et meurent comme moi.

Le vautour, acharné sur sa timide proie,

De ses membres sanglants se repaît avec joie :
Tout semble bien pour lui, mais bientôt à son tour
Une aigle au bec tranchant dévore le vautour.
L’homme d’un plomb mortel atteint cette aigle altière ;
Et l’homme au champ de Mars couché sur la poussière,
Sanglant, percé de coups, sur un tas de mourants,
Sert d’aliment affreux aux oiseaux dévorants.
Ainsi du monde entier tous les membres gémissent ;
Nés tous pour les tourments, l’un par l’autre ils périssent :
Et vous composerez, dans ce chaos fatal,
Des malheurs de chaque être un bonheur général !
Quel bonheur ! ô mortel et faible et misérable !
Vous criez tout est bien, d’une voix lamentable :
L’univers vous dément, et votre propre cœur
Cent fois de votre esprit a réfuté l’erreur.

 

1756

 

VOLTAIRE

(1694 - 1778)

 

François-Marie AROUET est né à Paris. Idole d’une bourgeoisie libérale anticléricale, il est maître dans le récit vif et spirituel. Il a écrit « Lettres philosophiques », éloge de son exil en Angleterre pendant trois ans, puis une épopée classique « La Henriade », une tragédie « Zaïre », des poèmes philosophiques « Poèmes sur le désastre de Lisbonne », des contes « Zadig », « Candide », des essais historiques, un « Dictionnaire philosophique ».

 

Une rue de Tours porte son nom.