"Mur de poésie de Tours" 2004

Poètes dont une rue de Tours porte le nom

 

LES ADIEUX

 

Le temps m’appelle : il faut finir ces vers.
À ce penser défaillit mon courage.
Je vous salue, ô vallons que je perds !
Écoutez-moi : c’est mon dernier hommage.
Loin, loin d’ici, sur la terre égaré,
Je vais traîner une importune vie ;
Mais quelque part que j’habite ignoré,
Ne craignez point qu’un ami vous oublie.
Oui, j’aimerai ce rivage enchanteur,
Ces monts déserts qui remplissaient mon cœur
Et de silence et de mélancolie ;
Surtout ces bois chers à ma rêverie,
Où je voyais, de buisson en buisson,
Voler sans bruit un couple solitaire,
Dont j’entendais, sous l’orme héréditaire,
Seul, attendri, la dernière chanson.
Simples oiseaux, retiendrez-vous la mienne ?
Parmi ces bois, ah ! qu’il vous en souvienne.
En te quittant je chante tes attraits,
Bord adoré ! De ton maître fidèle
Si les talents égalaient les regrets,
Ces derniers vers n’auraient point de modèle.
Mais aux pinceaux de la nature épris,
La gloire échappe et n’en est point le prix.
Ma muse est simple, et rougissante et nue ;
Je dois mourir ainsi que l’humble fleur
Qui passe à l’ombre, et seulement connue
De ces ruisseaux qui faisaient son bonheur.

 

 

Peinture à la cire de Catherine RÉAULT-CROSNIER, illustrant le poème LES ADIEUX de CHATEAUBRIAND.

Illustré par une peinture à la cire de
Catherine RÉAULT-CROSNIER.

 

Extrait de « Poésies de 1784 à 1789 - Tableaux de la nature »

 

CHATEAUBRIAND

(1768 - 1848)

 

Nourri dès son enfance de mélancolie, François René, vicomte de CHATEAUBRIAND publia avec succès « Atala » puis « René », œuvre caractéristique du romantisme. Son « Génie du christianisme », vaste apologie religieuse, lui ouvrit une carrière diplomatique. Se retirant après la révolution de juillet, il se consacra à la rédaction de ses « Mémoires d’outre-tombe », portrait de son époque.

 

Un mail de Tours porte son nom.