TES CHEVEUX
Ils ont vu ta beauté, mais non ta chevelure.
Tu me l’as dénouée, en ce jour sans pareil,
Auprès des sables blonds, au coucher du soleil,
Quand la mer remontante annonçait son murmure.
Après ces deux grands cris que nous avions mêlés,
Lorsque nos bouches désunies
Commençaient en une accalmie
À sentir le parfum grisant des vents salés,
Ta main presque lassée à force de caresses,
A défait tout à coup l’énorme nœud charmant
Et ouvert à grands flots ce long fleuve d’ivresses
Dont fut suffoqué ton amant.
Que nul autre n’ait vu !... Que ma seule
folie
Goûte jusqu’au délire - et comme il faut
goûter –
Et leur indicible beauté
Et la fin d’un tel jour par leur flamme embellie !
Mes baisers ont fouillé leur toison d’ombre et d’or;
Ma chair à leurs lacets s’est à jamais
nouée ;
Et leur parfum communiait à la nuée
Qui montait dans le ciel, à l’heure où tout s’endort.
Puis tu nous as, toi, moi, recouverts de leur
voile,
Dérobant l’univers à notre plaisir seul.
Et, roulés tous les deux en ce vivant linceul
Nous nous sommes aimés sous la première étoile.
René BOYLESVE
(1867 - 1926)
Né à La Haye-Descartes en Indre-et-Loire, René TARDIVEAU passa sa jeunesse en Touraine. Celle-ci inspirera ses premiers romans qui décrivent la vie provinciale : « Le médecin des dames de Néans », « Mademoiselle Cloque », « La leçon d’amour dans un parc », « L’enfant à la balustrade »… tous publiés sous le nom de René BOYLESVE. Il entre à l’Académie française en 1918. Il écrivit des poèmes mais c’est en tant que romancier qu’il sera connu et apprécié, en particulier d’écrivains de son temps comme Marcel PROUST.
Une rue et un jardin de Tours (place de Strasbourg) portent son nom.
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