LA BALLADE DES PENDUS
I
Sur ses larges bras étendus,
La forêt où s’éveille Flore,
A des chapelets de pendus
Que le matin caresse et dore.
Ce bois sombre, où le chêne arbore
Des grappes de fruits inouïs
Même chez le Turc et le More,
C’est le verger du roi Louis.
II
Tous ces pauvres gens morfondus,
Roulant des pensers qu’on ignore,
Dans les tourbillons éperdus
Voltigent, palpitants encore.
Le soleil levant les dévore.
Regardez-les, cieux éblouis,
Danser dans les feux de l’aurore,
C’est le verger du roi Louis.
III
Ces pendus, du diable entendus,
Appellent des pendus encore.
Tandis qu’aux cieux, d’azur tendus,
Où semble luire un météore,
La rosée en l’air s’évapore,
Un essaim d’oiseaux réjouis
Par-dessus leur tête picore.
C’est le verger du roi Louis.
Envoi
Prince, il est un bois que décore
Un tas de pendus enfouis
Dans le doux feuillage sonore,
C’est le verger du roi Louis.
Extrait de « Gringoire », juin 1854
Théodore de BANVILLE
(1823 - 1891)
Poète français parnassien, Théodore de BANVILLE est aussi romantique par son art. Excellent prosateur, il a écrit « Souvenirs », « Esquisses parisiennes », « L’Âme de Paris », « Paris vécu »... Il possédait de l’élégance, de la désinvolture, de la précision, de l’éclat et était admiré de BAUDELAIRE, de MALLARMÉ et de VERLAINE. Ses « Odes funambulesques » le rendirent célèbre. Acrobate de la rime et jongleur de mots et d’idées, il publia aussi d’autres livres dont « Améthystes », « Les Exilés », « Idylles prussiennes », « Trente-six ballades joyeuses »...
Une rue de Tours, près de Joué-lès-Tours, porte son nom.
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