LES DINDONS

Ma basse-cour abrite un ménage dindon
(C’est le diable je crois qui m’en a fait le don).
D’une espèce vorace et peu connue naguère,
Que l’on vit apparaître au début de la guerre.
Ces deux volatiles sont des accapareurs,
Gens sans scrupules, en un mot des profiteurs.
Pour eux, les bons morceaux et les meilleures places !
Le dindon plastronne, la dinde fait des grâces,
Choisit parmi les vers ceux qui brillent le soir,
Pour orner son plumage et se faire un sautoir.
Du duvet des oisons, se tresse des cravates,
De la soie des pourceaux, emmaillote ses pattes.
La poule est plus modeste et plus plaisante aussi,
Ne mange qu’à sa faim, et ne prend pas souci
De marcher avec art, pour paraître plus belle.
Elle garde sa grâce en restant naturelle.

Un coq de vieille race, et d’un certain esprit,
Réunit un jour ses compagnes et leur dit :
« Mes sœurs, il ne faut point forcer la nature,
Ni des gens sans aveux, imiter l’imposture.
Le faisan, mon cousin, illumine les bois,
Sa majesté le paon, le parterre des rois.
Ces nobles animaux ont reçu de naissance
Une parure qu’ils portent avec aisance.
Mais ces dindons repus, ces deux épais lourdauds,
Qui sont bons tout au plus à charmer les badauds !
Venez ici, mes sœurs, abandonnez vos niches,
Regardez-les passer, ce sont de nouveaux riches ! »

Ce poème est une fable délicieuse et ironique selon son petit-fils.

François SOUBRIER est le grand-père du poète berrichon, Jean-François SOUBRIER (37, Notz l’Abbé, 36220 MARTIZAY)