"Mur de poésie de Tours" 2003Poètes dont une rue de Tours porte le nom

 

LES EMBARRAS DE PARIS

 

Qui frappe l’air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ?
Est-ce donc pour veiller qu’on se couche à Paris ?
Et quel fâcheux démon, durant les nuits entières,
Rassemble ici les chats de toutes les gouttières ?
J’ai beau sauter du lit, plein de trouble et d’effroi,
Je pense qu’avec eux, tout l’enfer est chez moi :
L’un miaule en grondant comme un tigre en furie.
L’autre roule sa voix comme un enfant qui crie.
Ce n’est pas tout encor : les souris et les rats
Semblent, pour m’éveiller, s’entendre avec les chats,
Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure,
Que jamais, en plein jour, ne fut l’abbé de Pure.
Tout conspire à la fois à troubler mon repos,
Et je me plains ici du moindre de mes maux :
Car à peine les coqs commençant leur ramage,
Auront de cris aigus frappé le voisinage,
Qu’un affreux serrurier, laborieux Vulcain,
Qu’éveillera bientôt l’ardente soif du gain,
Avec un fer maudit, qu’à grand bruit il apprête,
De cent coups de marteau me va fendre la tête.
J’entends déjà partout les charrettes courir,
Les maçons travailler, les boutiques s’ouvrir :
Tandis que dans les airs mille cloches émues
D’un funèbre concert, font retentir les nues ;
Et, se mêlant au bruit de la grêle et des vents,
Pour honorer les morts font mourir les vivans.

 

Extrait de « Satires »

 

Nicolas BOILEAU, dit DESPRÉAUX

(1636 - 1711)

 

 

Peinture à la cire de Catherine RÉAULT-CROSNIER, illustrant le poème LES EMBARRAS DE PARIS de Nicolas BOILEAU

Illustré par une peinture à la cire de Catherine RÉAULT-CROSNIER.

 

Né à Paris, cet écrivain français écrivit d’abord des poèmes satiriques à la manière d’Horace (« Satires ») puis moraux (« Épîtres »). Il fut un chef de file dans la querelle entre les Anciens et les Modernes. Il contribua à fixer l’idéal littéraire du classicisme (« Art poétique », « Le Lutrin »).

 

Une rue de Tours porte son nom.