"Mur de poésie de Tours" 2003Poètes français du présent

 

ARBRE

 

Le ciel avait jeté par-dessus la forêt, l’éclair d’un quelque part…

Un arbre avait germé.

D’arc en sève ses feuilles avaient poussé et le temps coula d’ambre un oiseau minuscule posé sur son étole de feuilles éparpillées…
Des siècles déposèrent les marnes de la vallée le long des branches arrachées au tronc fondu dans les boues rêches et noires.

L’oiseau essaya bien de résister un peu, de frapper de son bec soyeux la gangue de résine, mais il ne sut que perdre un peu de ses couleurs et de l’odeur des libertés arc-en-ciel grappillées sur les fruits des manguiers géants…
Alors, il fit son nid, l’oiseau du bois dormant ; repliées sur son petit cœur de moucheron, ses ailes formèrent un cocon multicolore, un microscopique essaim de plumes.

L’arbre décida alors qu’il était temps pour lui aussi de se replier sur l’oiseau.
Comme un vieux coffre de marin, il sombra dans l’océan du marais primitif…

Des algues brunes brodèrent de cuir brut les fermoirs d’ammonites ; un crocodile géant fit claquer ses mâchoires, ferma ses yeux d’or et d’émeraude et se laissa dériver sous l’ombre de la lune.

Des années et des années passèrent, des centaines, des milliers, des millions d’années de nuits et de lumières…

 

Août 2002

 

Marie Christine ROUJON-DHÉRON

25, bd Michelet - 78250 HARDRICOURT

 

Je suis une creusoise exilée en région parisienne (hélas). Je fus en 1995, premier prix minitel du Club des poètes, puis premier prix Louis Amade en 1999 pour « J’étais un troubadour ».

Marie Christine ROUJON-DHÉRON au Banquet de la poésie de Tours, le 16 mars 2003.