"Mur de poésie de Tours" 2003Poètes français du présent

 

VAN GOGH

 

Il arrive un moment où l’âme ne peut plus
Supporter son écorce et sa dure apparence ;
Il faut bondir dans la folie et la souffrance ;
Du bonheur mesuré les temps sont révolus.

L’univers trop étroit exaspère ton rêve.
- Quel dieu délivrerait ton immense désir ?
Il vaut mieux que la mer vienne pour t’engloutir,
Ô bateau délaissé qui veilles sur la grève.

Seule, la mort pouvait entrouvrir ta prison
Où tournaient la nuit pâle et le blé des étoiles ;
Le vent de l’Ineffable a déchiré tes voiles
Avivant des reflets pourpres de déraison.

Nous avons recueilli l’or mystique et la flamme
Parmi les noirs débris d’un cœur éblouissant
Et l’ombre a resplendi des gouttes de ton sang
Tandis que s’éclairait un visage de femme.

Mû par un calme étrange et traversé de cris,
Nous avons contemplé la détresse fatale
Des souliers qui marchaient dans la plaine infernale
Et la chaise où sommeille un artiste incompris
Puis nous avons fermé cette chambre qui tangue
Sous les vents de l’abîme et les orages bleus
Et la Beauté reprit l’homme silencieux
Dont l’oreille écoutait gémir la Terre exsangue.

 

Jean-Marie OLINGUE

(1950 - 1990)

 

Ancien Président de l’Académie des Poètes classiques de France, poète, philosophe, maître ès Lettres, organiste.