"Mur de poésie de Tours" 2003 - Poètes français du présent
LE MUR
Ce matin, il pleut. Une de ces pluies fines, douces, sous laquelle je trouve plaisant de marcher à l’abri d’un parapluie. Au réveil j’ai repensé à quelque chose qui hier m’a chagriné si bien que je suis parti l’humeur un peu morose, à l’image du temps.
Je reviens de ma promenade par le gymnase du Lycée où un couloir pour piétons passe sous la route. Je ne l’emprunte pas souvent. De part et d’autre, le mur est recouvert de graffitis, de vieilles affiches décollées. Il y a de tout : des tags, d’étranges caractères, beaucoup de dessins obscènes, de grossièretés, des traces de doigts… des cœurs transpercés aussi avec des initiales. Le sol est jonché de morceaux de verre provenant de canettes fracassées, de boites de coca, de piles plates (1/4 de rhum en flacon plastique). L’ensemble fait vraiment sale, misérable, débilitant dans ce demi-jour. Pas fait pour me remonter le moral.
Et dire que j’allais passer sans avoir vu ça !… Ça ?.. Parmi tout ce fouillis du mur que je regarde sans voir, je tombe, devinez ?.. sur « Les enfants qui s’aiment » copiés au feutre noir, en entier, et, je le suppose de mémoire. Le texte est ici et là recouvert d’autres graffitis. Je le lis de bout en bout, tout haut, retrouvant l’air de la chanson et la voix de Mouloudji et d’Yves Montant. Souvenez-vous,
Les enfants qui s’aiment |
Les enfants qui s’aiment |
Et d’un seul coup c’est comme si tout le mur se trouvait lavé de ses souillures, réhabilité par la main anonyme de quelque lycéen(ne) touché par la grâce de la poésie. Elle était là, comme une petite fleur éclose sur un tas d’ordures, imprévue… on ne voyait plus qu’elle. Et voilà dissipée mon humeur chagrine, me voilà réconcilié avec les choses et les gens. Un petit miracle ! J’ai pensé à cet adolescent qui a écrit ça, me rappelant celui que j’ai été, il y a longtemps, en me disant que sur ce plan là il n’y a ni époque ni mode.
Une petite fleur a suffi |
Quand tout porte à pleurer, |
Louis CROSNIER
Retraité
ST BENOIT
97470 LA RÉUNION
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